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Comment Tom Dumoulin (Jumbo-Visma) s'est remis en selle pour 2022
Après avoir songé à arrêter sa carrière, le Néerlandais Tom Dumoulin (31 ans) a mené une réflexion profonde, nourrie par ses échanges avec son équipier Primoz Roglic, pour trouver un mode de fonctionnement qui lui convienne.
Tous les soirs, à la table de poker des coureurs de l'équipe Jumbo-Visma - qui viennent de terminer un stage de huit jours en Catalogne -, Tom Dumoulin est un des plus assidus ; un des plus rigolards aussi. Il chambre, bluffe (à 5 euros la mise), plaisante, rien à voir avec la mine fermée qu'il promenait en janvier, au milieu de ses coéquipiers désemparés de le voir morose, parfois désagréable.
« J'ai passé une grande partie de la saison 2020 mentalement et physiquement fatigué, raconte le Néerlandais de 31 ans, je n'arrivais plus à récupérer et, quand je suis arrivé au stage de début d'année, j'étais comme piégé. Je n'avais aucune autre option que d'arrêter. »
Pourtant, un an plutôt, en quittant l'équipe Sunweb, où il évoluait depuis 2012 et le début de sa carrière pro, le vainqueur du Giro 2017 avait eu l'impression de revivre, laissant derrière lui un fonctionnement devenu trop rigide.
« Il avait fini par se sentir très mal là-bas, explique le manager de Jumbo-Visma, Merijn Zeeman. Il ne voulait plus y être et nous avait dit se sentir enfin libre. » Mais, très vite, Dumoulin réalise qu'il n'a fait que déplacer le problème.
« Depuis plusieurs saisons, j'avais pris l'habitude de me conformer aux exigences des autres, confie Dumoulin. J'ai fait cela pendant trop longtemps, je n'arrivais plus à m'en sortir et j'ai dû prendre cette décision d'arrêter pour avoir le recul nécessaire et trouver un moyen de fonctionner autrement. »
Lors du stage de janvier, devant son mal-être, son directeur sportif Grischa Nierman et les entraîneurs de l'équipe le poussent en douceur vers la seule solution qui s'impose : le break. « Je me souviens de cette réunion, devant cinq personnes, raconte le coureur. C'était un moment difficile pour moi, douloureux. Ce n'est pas évident d'admettre de dire stop, on culpabilise. »
Pendant plus de quatre mois, le staff de Jumbo le laisse tranquille pour qu'il réponde, seul, à la question qui le hante : « Est-ce qu'être cycliste professionnel peut encore me rendre heureux ? » « Je me suis mis à vivre sans contrainte, rigole-t-il. Pour la première fois de ma carrière, je n'avais aucune obligation, plus aucun stress. Je me suis baladé avec mon chien, des amis, et peu à peu, je me suis rendu compte que je ne dirigeais plus ma carrière, mes choix. »
L'Amstel Gold Race pour révélateur
Il lui faudra plusieurs mois pour sortir du brouillard. En avril, alors qu'il est posté sur le parcours de l'Amstel Gold Race, qui passe tout près de chez lui, il a un premier déclic. « J'ai senti que j'avais encore envie de faire du vélo et pas seulement pour me balader mais pour donner le meilleur de moi-même. »
Pour ne pas se mettre de pression, il se laisse jusqu'aux Jeux de Tokyo pour prendre sa décision finale ; trois mois où il va s'entraîner uniquement pour ce contre-la-montre qu'il a en tête depuis cinq ans et sa médaille d'argent à Rio.
Encore un peu juste, il terminera deuxième derrière son coéquipier Primoz Roglic mais il voit ce podium comme un symbole car « si j'avais pu choisir par qui être battu, j'aurais choisi Primoz. Il est une sorte d'exemple pour moi ».
Dumoulin a compris qu'il ne devait plus répondre aux exigences des autres. « Dans le cyclisme, aujourd'hui, analyse Zeeman, les gars ont accès à un tas de connaissances énormes. Il y a des experts pour tout : le matériel, la nutrition, l'entraînement et Tom essayait de suivre tous ces conseils jusqu'à perdre de vue ce qui était bon pour lui. Il ne savait plus où donner de la tête et les autres décidaient à sa place. »
La présence de Roglic à ses côtés, parmi les leaders de Jumbo, accentue d'abord son problème : « Il ne semble pas concerné par les problèmes de la vie, expliquait Dumoulin récemment au site néerlandais Wielerfits. Il donne l'impression de ne pas avoir de doutes. Ce côté stoïque est vraiment en lui. »
Le déclic avec Roglic
La semaine dernière, en Espagne, au retour des séances d'entraînement, les deux coureurs ont beaucoup échangé sur le sujet : « Il dit qu'il a l'impression que je suis hors du monde, raconte le Slovène, triple vainqueur de la Vuelta (2019, 2020, 2021) mais pas épargné par les malheurs, depuis deux saisons, sur le Tour de France. Mais je me questionne aussi beaucoup, je doute, je suis au bord du renoncement, je l'ai dit à Tom. Ce n'est pas ça le problème principal. »
Zeeman pointe la différence entre les deux stars : « Primoz n'a pas les mêmes interrogations que Tom car il fait les choses comme il l'entend. Depuis que je le connais, il ne répond aux attentes de personne, il suit sa route et se fiche de ce que pensent les autres. C'est un cas unique. »
Dumoulin a apprécié les discussions avec Roglic : « J'adore parler avec Primoz. Quand tu lui exposes tes problèmes, il écoute vraiment. Je ne l'ai jamais vu juger quelqu'un. Il donne son ressenti, parle de son expérience, et ce qu'il m'a dit va m'aider à vivre la suite de ma carrière. Je veux voir ça désormais comme une aventure, une histoire que j'écris, pour moi et pour moi seul. Quelque chose qu'on a la chance de vivre une seule fois dans sa vie et dont il faut accepter le meilleur et le pire. »
