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Egan Bernal et les Ineos en souffrance sur la Vuelta
Avec Egan Bernal, Adam Yates et Richard Carapaz, la surpuissante écurie britannique semblait avoir les cartes suffisantes pour rendre la Vuelta indécise et ouverte. Dimanche, ils ont montré leurs limites dans la première grande étape de montagne.
À défaut d'avoir été aussi spectaculaire que l'on espérait la vivre, cette neuvième étape de la Vuelta qui s'achevait au sommet du col de Velefique, aux lacets vertigineux et enivrants, aura eu la particularité d'apporter quelques enseignements, même s'il est trop tôt pour tirer des conclusions car il reste encore du chemin à parcourir jusqu'à Saint-Jacques-de-Compostelle, terme de l'épreuve espagnole le 5 septembre. Alors que cette grande étape de montagne en terre andalouse devait établir un semblant de hiérarchie parmi les favoris, l'équipe Ineos Grenadiers ne s'est pas vraiment montrée à la hauteur du niveau censé être le sien.
Avec Egan Bernal, Adam Yates et Richard Carapaz dans ses rangs au départ de Burgos, l'affiche s'approchait franchement de la superproduction. À l'évidence, il n'y avait pas beaucoup de monde alors pour douter qu'avec un tel effectif la formation britannique allait faire feu de tout bois. Primoz Roglic et ses Jumbo-Visma n'avaient donc qu'à bien se tenir. Le reste n'était plus qu'une question de détails. Il fallait juste trouver un leader unique au bout d'une semaine afin de ne pas se marcher dessus.
« Nous avons sous-estimé un certain nombre de coureurs. Il faut oublier cette étape »
Egan Bernal
Dès le début de la saison, le plan de bataille de Dave Brailsford, le manager gallois, était bien ficelé : Bernal avait carte blanche sur le Giro, Carapaz avait les pleins pouvoirs sur le Tour et Yates devait être l'homme de la situation sur la Vuelta. Mais avant de débarquer en Espagne, les choses ont été sensiblement chamboulées. Vainqueur du Giro, le Colombien s'est imaginé qu'un deuxième grand Tour à son palmarès dans la même année pourrait faire le plus bel effet, mais qu'il lui fallait pour cela le costume de leader. L'Équatorien, finalement troisième du Tour, ne s'attendait peut-être pas à devenir champion olympique sur route à Tokyo alors que la Vuelta était à son programme. Au lieu de prendre un repos mérité, il a préféré honorer sa sélection. Quant au Britannique, il apparaissait même un moment sur la liste des remplaçants avant d'être définitivement titularisé.
Dimanche, sur les pentes surchauffées de l'ultime montée vers Velefique balayée par un vent brûlant (13,2 km à 6,4 %), les trois as de la formation britannique se sont pourtant retrouvés en difficulté. Si leur plan de durcir la course loin de l'arrivée a été exécuté avec une certaine efficacité - provoquant la faillite de Felix Grossschartner (2e au général dimanche matin), Aleksandr Vlasov (9e) et Mikel Landa (12e) -, Bernal, Yates et Carapaz n'ont pas réussi à conclure le travail de sapes de leurs coéquipiers, Dylan van Baarle et Pavel Sivakov en tête.
La faute à l'Espagnol Enric Mas, dans une forme étincelante (« Je ne me suis pas senti aussi bien sur un vélo depuis 2018 »), qui a d'abord résisté aux accélérations de Yates puis de Carapaz dans la dernière montée avant de placer une attaque sèche à cinq kilomètres du but à laquelle seul a pu répondre le leader Primoz Roglic.
« Nous avons sous-estimé un certain nombre de coureurs, reconnaissait Bernal à l'arrivée sans donner de noms. Je crois qu'il faut oublier cette étape, tourner la page et remettre nos ambitions pour plus tard. Je me sentais plutôt pas mal, mais lorsque Mas et Roglic ont attaqué, le changement de rythme m'a fait très mal. J'ai senti que je ne pouvais pas pédaler plus vite. Adam Yates a bien essayé de m'aider à un moment, mais je lui ai dit de faire sa course et de faire du mieux qu'il le pouvait. »
Six secondes de bonifications de plus pour Roglic
Si le Colombien et le Britannique ont gagné des places au classement général (5e et 6e respectivement), ils ont encore cédé du terrain sur le double vainqueur sortant de la Vuelta, Roglic (45 secondes pour Yates, 1'11" pour Bernal). À la veille de la journée de repos ce lundi dans la province d'Almería, le coup est rude pour une équipe qui ne s'est imposée sur les routes espagnoles que deux fois en onze ans depuis sa création en 2010 (Froome en 2011 et 2017, la première sur disqualification pour dopage de Cobo). « Il va falloir revoir certaines choses, admettait Bernal, qui préfère garder patience. On se dit simplement qu'il reste encore du terrain. »
En attendant, c'est bien Primoz Roglic qui a été le grand gagnant de la journée dimanche en s'octroyant au passage six secondes de bonifications de plus (il en a déjà pris douze depuis le départ de Burgos) grâce à sa deuxième place derrière l'Italien Damiano Caruso. Le Slovène n'a que faire des critiques qui pointent du doigt le caractère moins dominateur de son équipe Jumbo-Visma. « Mes gars ont encore fait un super boulot, notamment lorsque les Ineos ont haussé le rythme, a-t-il souligné. J'avais de super jambes et j'ai pu finir très fort. »