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Peter Sagan, après son transfert chez TotalÉnergies : « C'est la première fois qu'un manager me demande de prendre du plaisir »
Le triple champion du monde Peter Sagan raconte à L'Équipe comment il a été convaincu de rejoindre la formation française TotalÉnergies pour les deux prochaines saisons.
Peter Sagan sera autorisé à participer à des épreuves de VTT et de gravel chez TotalÉnergies. (S. Mantey/L'Équipe)
Depuis qu'il a quitté le Tour de France à mi-course, gêné par une blessure au genou consécutive à une chute qui l'a obligé à subir une intervention chirurgicale, Peter Sagan, 31 ans, coule un été tranquille à Monaco où il se soigne et profite de son fils Marlon, bientôt quatre ans. Depuis son appartement sur le Rocher, la superstar slovaque, trois fois champion du monde, vainqueur du Tour des Flandres (2016), de Paris-Roubaix (2018) et septuple lauréat du maillot vert sur la Grande Boucle, nous a expliqué les raisons qui l'ont poussé à ouvrir un nouveau chapitre de sa carrière chez TotalÉnergies à partir de 2022, pour au moins deux saisons (plus deux en option).
« Que saviez-vous de TotalÉnergies avant d'en faire votre nouvelle équipe ?
Je connaissais surtout son manager, Bernaudeau (il dit « Bernardo », à l'italienne), qui est un personnage important du cyclisme. Je l'avais rencontré sur le Tour il y a trois ans. Il organisait une soirée à l'hôtel de son équipe et on s'y était rendus avec mon agent, Giovanni Lombardi. On avait mangé quelques huîtres, il y avait un petit barbecue, c'était sympa. On avait passé un bon moment et j'avais sympathisé avec Jean-René. Je sais que beaucoup de très bons coureurs ont évolué dans son équipe, dont Thomas Voeckler, dont j'appréciais la manière de courir.
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Connaissez-vous certains coureurs actuels ?
J'ai souvent discuté avec Edvald Boasson Hagen cet été et j'ai remarqué depuis quelque temps déjà les performances d'Anthony Turgis, notamment sur les classiques flandriennes. C'est un sacré coureur, on va pouvoir accomplir de belles choses ensemble. Le soir de mon abandon sur le Tour, le hasard a voulu que Bora-Hansgrohe loge dans le même hôtel que TotalÉnergies. J'en ai profité pour rencontrer quelques-uns de mes futurs équipiers, des gens du staff, des mécanos... Je suis super content de rejoindre ce groupe.
Pourquoi avoir choisi de quitter Bora-Hansgrohe ?
J'étais bien dans cette équipe : j'y ai passé cinq ans et j'y ai connu quelques-uns de mes plus grands succès. C'est avec Bora que j'ai battu le record du nombre de maillots verts ramenés à Paris (sept), avec eux aussi que j'ai passé la barre des cent victoires. Ce n'est pas rien. Je garderai des souvenirs incroyables mais après cinq ans, j'aspire à autre chose.
« Le vélo a beaucoup changé ces dernières années, la pression est devenue énorme »
Qu'est-ce qui vous a convaincu de rejoindre TotalÉnergies ?
Quand Jean-René est venu me rencontrer à Monaco il y a quelques mois, j'ai vite compris qu'on s'entendrait bien. Il est sérieux et drôle à la fois. Il me disait : je veux que mes coureurs s'amusent, il faut savoir s'amuser dans le cyclisme aujourd'hui, c'est l'une des clés du succès. Il y a beaucoup de travail derrière tout ça, bien sûr, ça ne me fait pas peur, je sais m'investir et être sérieux quand il le faut, mais ce discours m'a beaucoup plu. C'est la première fois, la toute première fois, qu'un manager me demande de prendre du plaisir...
Ce genre de discours se fait rare dans le monde du cyclisme qui s'hyper-professionnalise...
Oui, le vélo a beaucoup changé ces dernières années. La pression est devenue énorme au sein des équipes. C'est un sport de plus en plus exigeant avec une approche quasi-scientifique. C'est surtout l'aspect extra-sportif qui a évolué, on n'imagine pas tout ce qu'il faut faire en dehors du vélo, tous les petits détails à gérer. Et puis, il y a le business. Coureur cycliste, c'est un métier à plein temps et ça peut parfois être lourd à supporter. Je pense évoluer dans ce milieu depuis assez longtemps pour savoir comment gérer tout ça mais pour les jeunes, ça peut être très difficile sur le plan psychologique.
Vous pensez que vous aurez un peu moins de pression qu'avant chez TotalÉnergies ?
Peut-être. Enfin... (il réfléchit) non, la pression, je vais continuer à me la mettre. Je supporte beaucoup d'attentes depuis mes débuts pros (en 2010) et le fait de passer chez TotalÉnergies n'y changera rien. Il est de ma responsabilité de continuer à faire mon boulot du mieux possible et à décrocher des résultats, pour récompenser l'investissement des sponsors et la confiance de l'équipe.
« Le fait que TotalÉnergies ne soit pas dans le World Tour aujourd'hui n'est pas un problème pour moi »
L'équipe vous autorisera à participer à des épreuves de VTT et de gravel. Cela doit vous enthousiasmer...
On verra ! Si le calendrier m'en offre la possibilité, je ne dirai pas non, c'est sûr. Mais il faut encore planifier tout ça. Vous savez, il faut déjà que je soigne ma blessure et que je finisse la saison avec Bora parce qu'il y a les Mondiaux et Paris-Roubaix qui arrivent. Chez TotalÉnergies, mes principaux objectifs resteront sur la route : les classiques, les étapes, les classements par points des grands tours... Je vais continuer à viser ce pour quoi je suis fait.
Vous serez accompagné par deux équipiers de confiance, Daniel Oss et Maciej Bodnar...
J'ai commencé ma carrière avec ces gars, en 2010 chez Liquigas, et le destin nous a réunis chez Bora. Ce sont deux rouleurs incroyables qui savent comment me placer à l'approche des sprints. Ils me rendent meilleur. Certains jeunes coureurs seraient sans doute capables de le faire aussi bien mais ma confiance en Daniel et Maciej est totale et seul le temps peut construire une relation pareille. Chez TotalÉnergies viendra aussi Jan Valach, un directeur sportif que je connais depuis que j'ai quinze ans. Il est mon homme de confiance, celui à qui je parle avant et après chaque course. Il est très méticuleux, c'est lui qui m'a permis de gagner trois titres de champion du monde, mais c'est aussi quelqu'un qui m'a beaucoup aidé dans ma vie privée, des choses qui n'ont rien à voir avec le vélo. C'est un ami indispensable.
Que pouvez-vous encore apprendre là-bas ?
Plein de choses ! J'estime qu'on ne cesse jamais d'apprendre. Ça va être un sacré challenge et une belle découverte : j'ai commencé dans des équipes italiennes, puis chez Tinkoff et Bora, des équipes "internationales" ; chez TotalÉnergies, il y a quelques étrangers mais surtout une forte identité française. Ça va être sympa de participer au Tour dans une équipe nationale. Je vais aussi en profiter pour apprendre enfin le français.
Certains vont être surpris de vous voir rejoindre une équipe de deuxième division...
Vous savez, quand j'ai rejoint Bora-Hansgrohe fin 2016, c'était une petite équipe. En quelques années, tout a changé et c'est devenu l'une des plus grandes structures du World Tour. Ce que je veux dire, c'est que je suis déjà passé par là. Le plus important, ce n'est pas le statut actuel de l'équipe mais ce qu'on va en faire. Je sais que Jean-René veut passer dans l'élite, peut-être pas dès l'an prochain mais certainement en 2023. Je vais faire en sorte de l'aider. Le fait que TotalÉnergies ne soit pas dans le World Tour aujourd'hui n'est pas un problème pour moi. Je veux contribuer à en faire une grande équipe. »