Une parole d'"outrage" à Nicolas Sarkozy vaut un mois de prison ferme
LE MONDE | 12.02.04 | 13h29
Strasbourg de notre correspondant
L'incident avait échappé à la plupart des invités, lors de la visite de Nicolas Sarkozy, lundi 9 février au matin, dans le quartier de Hautepierre, à l'ouest de Strasbourg. A l'arrivée du cortège ministériel devant le gymnase où le ministre de l'intérieur allait s'exprimer, un groupe de jeunes, tenu à distance par les forces de l'ordre, s'agite bruyamment.
Plusieurs insultes fusent. Un jeune homme de 21 ans est immédiatement interpellé.
A-t-il crié : "Sarkozy, va niquer ta mère !" ? Jugé en comparution immédiate, mardi 10 février au matin, par le tribunal correctionnel de Strasbourg pour "outrage à une personne dépositaire de l'ordre public", l'intéressé s'en est défendu : "Je n'ai pas dit de gros mots, il y avait un policier devant moi, un autre derrière, ce n'est pas possible."
Le substitut du procureur, Pierre Kahn, a requis deux ou trois mois de prison ferme, avec ce commentaire : "S'il y avait une loi sur les signes ostensibles de la bêtise, nous en aurions fait aujourd'hui une première application." "Mon client n'a été reconnu que par un policier sur trois", a plaidé Me Sabine Perrin-Zinc, avocate du prévenu, soulignant qu'il devait commencer un travail dans quelques jours. Cela n'a pas empêché le tribunal de condamner à un mois de prison ferme le jeune homme, dont le casier portait déjà une condamnation pour conduite sans permis. Nicolas Sarkozy n'avait pas porté plainte. Les poursuites ont été déclenchées à l'initiative du parquet.
La visite du ministre de l'intérieur à Hautepierre était la première de la série de déplacements programmés pendant trois mois dans vingt-trois quartiers de France classés "sensibles". Cette initiative n'avait guère été appréciée par un collectif associatif de Hautepierre, qui avait estimé que cette démarche "stigmatisait le quartier".
Le ministre de l'intérieur était déjà venu à Hautepierre en octobre 2002, après des incendies de voitures et le caillassage d'un camion de pompiers, puis dans le quartier voisin de Koenigshoffen, en novembre 2003, après deux incendies, celui du hall d'entrée du lieu culturel Le Maillon, où avait été poussée une voiture incendiée, et celui d'un centre socioculturel.
Une peine identique d'un mois de prison ferme avait été infligée le 2 février, par le tribunal correctionnel de Paris, à un homme jugé en comparution immédiate pour un précédent "outrage" au ministre de l'intérieur. Le samedi 31 janvier dans l'après-midi, lors d'une visite houleuse au Forum des Halles, à Paris, M. Sarkozy, venu soutenir Jean-François Copé, porte-parole du gouvernement et candidat (UMP) aux élections régionales en Ile-de-France, avait été interpellé par un homme de 30 ans, sans domicile fixe et bénéficiaire du RMI, qui lui avait lancé : "Retourne en Chine, espèce de Hongrois !"
Jacques Fortier