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Samsung condamné à verser plus d'un milliard de dollars à Apple
Les neuf jurés ont tranché. Dans le cadre du procès opposant deux géants des nouvelles technologies, à San José en Californie, le jury a condamné le sud-coréen Samsung à verser à Apple plus d'un milliard de dollars (840 millions d'euros) pour des violations de brevets liés aux iPad et iPhone.
Samsung a immédiatement prévenu que ce n'était "pas le mot de la fin", ni dans cette affaire, ni dans les batailles menées devant d'autres tribunaux à travers le monde et annoncé qu'il allait déposer une requête pour obtenir le renversement de la décision du tribunal. "Si nous n'obtenons pas gain de cause, nous ferons appel", indique dans un communiqué la firme sud-coréenne.
Après trois semaines d'audience, et des millions de dollars dépensés par les deux firmes en frais d'avocats, le jury est entré en délibération mercredi pour démêler les accusations croisées que se lancent Apple et Samsung dans ce qui est le plus grand procès pour violation de brevets intenté depuis des décennies aux Etats-Unis. Pour s'acquitter de leur mission, il ont dû lire plus de 100 pages d'instructions, et remplir un formulaire de 20 pages. La juge Lucy Koh avait aussi demandé aux dirigeants des deux groupes de tenter de négocier et de "faire la paix", estimant que l'affaire présentait "des risques pour les deux parties". Un avocat de Samsung a confirmé lundi que le patron d'Apple, Tim Cook, et celui de Samsung, Kwon Oh-Hyun, avaient parlé au téléphone, mais sans régler leur querelle.
Mardi, les avocats des deux parties ont fait leur plaidoirie. En "trois mois intenses de copie", Samsung a volé quatre années de dur travail d'Apple sur l'iPhone, a commenté l'un des avocats d'Apple, Harold McElhinny, estimant que la direction de Samsung "à son plus haut niveau" était "déterminée à tirer profit du succès de l'iPhone". L'avocat de Samsung Charles Verhoeven a répliqué en tentant de convaincre les jurés qu'un jugement favorable à Apple pourrait freiner la concurrence et pénaliser les consommateurs.
Pour Apple, il s'agissait de démontrer que son concurrent a copié non seulement le design de ses appareils, mais aussi certaines icônes de son système d'application, et même les emballages des machines. Le jury lui adonné raison de façon "écrasante", a estimé Brian Love, professeur à l'université de Santa Clara : "Tous ses brevets ont été jugés valides, et tous sauf un violés par la plupart des produits de Samsung." Le groupe sud-coréen a parallèlement vu rejetées ses propres accusations envers son concurrent. Samsung estimait qu'Apple avait aussi violé plusieurs de ses brevets, en particulier dans les technologies d'internet sans fil (wifi), mais les jurés ne l'ont pas suivi.
"Les consommateurs sont les perdants" du procès, a déploré Samsung dans un communiqué. Le jugement de vendredi "va conduire à moins de choix, moins d'innovation, et potentiellement des prix plus élevés", a-t-il averti, regrettant "que la législation sur les brevets soit manipulée pour donner à un groupe un monopole sur les rectangles avec des coins arrondis".
Le groupe sud-coréen est celui qui a le plus à perdre : Apple réclamait jusqu'à 2,75 milliards de dollars (2,2 milliards d'euros) et souhaite faire interdire la commercialisation de certains produits de Samsung aux Etats-Unis. Samsung demande pour sa part jusqu'à 422 millions de dollars (336 millions d'euros).
Même un retard dans les ventes pourrait affecter la position de Samsung sur le marché américain où il est actuellement le premier vendeur de smartphones devant... Apple. Selon des données du cabinet IDC pour le deuxième trimestre, Samsung a vendu 50,2 millions au deuxième trimestre au niveau mondial, quand Apple écoulait 26 millions d'iPhone. Les positions sont inversées dans les tablettes: le sud-coréen en a vendu seulement 2,4 millions, pour 17 millions d'iPad.
Au cours du procès plusieurs secrets d'entreprises ont été révélés, à commencer par de nombreuses images de prototypes. Steve Jobs avait par exemple songé à une tablette numérique, avant l'iPhone. Et alors que le cofondateur de la marque apparaissait résolument opposé à un iPad de 7 pouces, il aurait finalement été convaincu, par un des responsables du groupe.
Des courriels internes à Samsung ont aussi été révélés. Dans un email, traduit du coréen à l'anglais et dont la date n'est pas claire, un concepteur de Samsung compare la différence entre l'Omnia sud-coréen et l'iPhone d'Apple avec "celle qui sépare le paradis de la Terre". Lors des débats contradictoires, il est aussi apparu que Google aurait invité Samsung à changer le design de sa gamme de terminaux Galaxy.
La décision rendue vendredi est susceptible d'appel, le montant des indemnités accordées à Apple peut être réévalué par la juge Lucy Koh et, selon Jeff Kagan, analyste spécialisé dans les technologies, "la question suivante est de savoir si Samsung sera capable de continuer à utiliser les technologies" incriminées "ou s'il devra retirer ses appareils du marché". "Dans ce type d'affaires dans le passé, généralement le perdant peut continuer à vendre ses appareils, mais doit payer des royalties au gagnant", souligne M. Kagan. Le procès de San José ne constitue que l'une des procédures, parmi toute la liste des batailles dans le monde.