Ma Chérie (désolé, mais je ne peux pas t’appeler autrement)
Je tiens tout d’abord à te préciser que je ne t’écris pas cette lettre pour te faire culpabiliser, te faire des reproches ou me poser en victime.
C’est juste le seul moyen que j’ai trouvé pour te dire ce que je ressens, ce que j’ai sur le cœur.
Peut être que cela n’a aucune importance pour toi, mais elle en a pour moi.
J’en ai besoin.
Ce samedi 13 juillet, toute ma vie s’est écroulée.
Depuis ce jour, je suis anéanti.
Je passe mes journées à pleurer toutes les larmes de mon corps, non pas pour me lamenter sur mon sort, mais en prenant conscience que j’ai perdu la personne qui compte le plus au monde pour moi : Toi, ma femme, mon aimée, ma chérie depuis 20 ans.
J’ai beau essayer de me raisonner, je ne le supporte pas.
Hier je ne pouvais m’empêcher d’éclater en sanglots en te regardant, car je ne pensais qu’à une chose : « Tu ne poseras plus tes mains sur ce corps, tu n’embrasseras plus ces levres, tu ne la prendras plus dans tes bras, tu ne lui feras plus l’amour… »
Et pire encore, j’imagine que tous ces gestes, c’est un autre homme qui les fera, d’autres lèvres qui se poseront sur les tiennes, le souffle d’un autre homme dans ton cou quand tu feras l’amour…
T’écrire ces lignes m’est tout aussi insupportable que ces pensées, n’arrivant pas à contrôler mes éclats de larmes.
Je ne nierai jamais mes responsabilités, et je te l’ai dit devant La psychotérapeute.
Tu as raison, durant toutes ses années, tu me disais d’aller consulter.
Et moi, de par mon éducation, je me voilais la face et refuser d’admettre que j’avais des choses à régler, que j’avais besoin d’aide.
Voir un psy, c’est être faible.
Je ne te ferais pas un exposé sur la dépression, mais sache que c’est une maladie horrible.
Elle est progressive et une fois installée, la souffrance est immense.
C’est très difficile d’admettre que l’on est malade, que la souffrance grandit de jour en jour, et qu’on pense qu’on est assez fort pour remonter la pente toute seule.
On ne peut se rendre compte de la souffrance que crée cette maladie si on ne l’a pas vécu.
Je t’ai écouté et je me suis pris en main en consultant Léa, en allant voir le docteur Gourion, en travaillant avec un coach, en admettant mes erreurs, en me remettant en question.
J’étais enthousiaste de réussir à m’en sortir, de trouver du boulot pour lequel je réponds chaque jours à des multitudes d’annonces.
Mais c’était visiblement déjà trop tard, car du temps, je n’en ai plus pour toi.
Je n’imagine pas ma vie sans toi.
Depuis ton annonce, ma vie s’est écroulée.
Mon cœur est en miettes, je ne mange plus, et chacun de tes mails est un coup de poignard qui me provoque des crises de pleurs incontrolables.
Lorsque j’ai voulu t’embrasser pour ton anniversaire, ta réaction m’a détruit encore plus.
J’avais envie de te prendre et de te serrer dans mes bras, hurler que je t’aime, mais je me suis senti comme un étranger pour toi, un ennemi.
J’ai pu assister à de nombreuses audiences de divorce, et à chaque fois, je priais pour ne jamais être à la place de mes clients : l’attente dans la salle d’attente, l’entrée dans le bureau du juge d’où l’on ressort au bout de 20mn et que l’on efface 20 ans de ta vie en un clin d’œil, à la chaîne.
J’ai mal, tellement mal.
Je n’ai jamais voulu te faire du chantage au suicide contrairement à ce que tu peux penser.
J’ai passé la derniere fois la soirée au pont du chatelet.
Je suis resté 3 heures devant le pont, cherchant le courage de sauter.
Je n’avais pas envie de mourir, mais de mettre fin à cette souffrance qui me dévore.
J’ai cherché le courage de sauter, mais à chaque fois que je me décidais à le faire, je ne pensais qu’à une chose : A toi et aux enfants.
Je pensais à toi buvant dans mon verre le fond de coca, aux massages que je te faisais, aux naissances de nos 3 amours, à nos randonnées, les fois où tu étais à l’hôpital et que je restais auprès de toi, et encore à tellement d’autre choses.
Je me sens seul, si seul.
Mon frère et mon père ne comprenne pas.
Ils n’acceptent pas ma maladie, car oui je suis malade et j’en suis conscient.
Le docteur Gourion m’expliquait que l’entourage proche refuse aussi de voir la personne comme malade, et se voilent la face.
Ils pensent qu’il suffit de dire « Réagis, bouge toi », mais diraient ils à une personne en chaise roulante « Allez, lève toi et cours ! » ?
Peut etre que tu penses comme eux, je n’en sais rien.
La seule personne dont j’ai besoin n’est malheureusement plus là.
Je ne t’en fais pas le reproche, mais je voulais juste que tu saches que j’aurai aimé plus que tout que tu sois avec moi.
Alors j’ai pris la décision de me faire hospitaliser, car je n’en peux plus de vivre comme ca, la douleur de te perdre m’est insurmontable, je suis désolé.
Je ne prends pas cette décision de gaieté de cœur.
J’ai lu des choses effrayantes sur les hospitalisations en service psychiatrie, et j’aurai préféré être avec ma femme et mes enfants en vacances.
Mais là je ne tiens plus le choc, je suis à bout.
Le docteur Gourion organisera donc mon hospitalisation à l’hôpital d’Antony.
Je rentrerai début août, après que vous soyez parti en vacances, car je ne veux pas que les enfants sachent que je dois rentrer à l’hôpital.
Je ne sais pas combien de temps je resterai, la décision ne dépend pas de moi mais des médecins.
Il faudra donc mieux que tu emmènes les enfants continuer les vacances à Grasse.
Je n’aurai pas le droit aux visites, ni à garder mon téléphone portable.
Je dois me soigner, c’est ma dernière chance de m’en sortir.
Prends soin de nos enfants, ils le méritent tant mes amours.
Même si ce n’est plus réciproque, saches que je t’aime et que je t’aimerai toute ma vie.
Tu es tout pour moi….