Des chercheurs ont identifié chez le rat une activité cérébrale très particulière quelques secondes après l'arrêt du cœur.
Il arrive parfois que des personnes ayant réchappé à un arrêt cardiaque se souviennent de cet épisode où leur vie a failli s'arrêter comme d'un moment extraordinaire. Ils ont fait ce que l'on appelle une expérience de mort imminente (EMI). Ils seraient entre 10 % et 20 %, selon les enquêtes, à connaître ce type d'événement au cours d'un infarctus. Certaines personnes atteintes de pathologies comme le diabète à l'occasion d'un coma hypoglycémique, la maladie de Parkinson ou d'Alzheimer rapportent aussi des sensations qui s'apparentent à une EMI.
Les récits diffèrent mais on retrouve toujours les mêmes scénarios. Certains ont eu l'impression très forte qu'ils étaient morts, d'autres ont le souvenir d'avoir traversé un tunnel entièrement noir ou d'avoir aperçu une immense lumière. Quelques-uns rapportent avoir revu des proches déjà morts et alors que d'autres ont eu le sentiment d'avoir quitté leur corps et d'avoir pu l'observer comme s'ils l'avaient déjà quitté. Tous se souviennent d'avoir ressenti les choses de manière beaucoup plus vive et éclatante que dans la vie de tous les jours avec un sentiment de sérénité et de paix totales. Certains croyants y voient la preuve de l'immortalité de l'âme, les sceptiques en doutent mais n'ont pas d'explication.
Depuis quelques années, les témoignages d'expériences de mort imminente s'accumulent et les scientifiques ne peuvent plus les ignorer. Les recherches pour essayer de comprendre le phénomène lui-même à l'intérieur du cerveau ne font que commencer. Pour y parvenir, il faudra bien un jour installer des électrodes sur le cerveau de plusieurs mourants. On n'en est pas là.
En attendant, une expérience de laboratoire conduite sur des rats apporte un nouvel éclairage sur cette question. Elle montre en effet que durant les quelques secondes qui suivent l'arrêt cardiaque (la mort clinique), le cerveau connaît une activité, plus intense par certains aspects qu'à l'état de veille. Du coup, les auteurs de l'étude publiée cette semaine dans les PNAS se demandent si cette activité cérébrale post mortem pourrait être à l'origine des expériences de mort imminente.
Entre le moment où le cœur s'arrête et cesse d'apporter de l'oxygène au cerveau et le moment où le cerveau arrête de fonctionner (la mort cérébrale), il se passe approximativement une trentaine de secondes. Sans surprise, durant cette très courte période, l'équipe pilotée par Jimo Borjigin, de l'université du Michigan, a enregistré sur les encéphalogrammes de neuf rats en train de mourir un ralentissement de l'activité électrique du cerveau.
Mais en même temps, ils ont observé une augmentation des fréquences cérébrales bien particulières: les oscillations gamma associées à un haut degré de conscience qui ont été mesurées par exemple chez des nonnes en prière ou des moines bouddhistes en méditation. Les oscillations gamma sont aussi présentes dans des moments marqués par une acuité et une sensibilité visuelle accrues. Ils s'appuient sur cette coïncidence pour faire le parallèle avec les expériences de mort imminente
Les rats équipés d'électrodes sur différentes parties du cerveau avaient été anesthésiés avant d'être empoisonnés, leur activité cérébrale étant enregistrée avant l'anesthésie et leur sacrifice.
«L'étude est extrêmement intéressante et la méthode rigoureuse, indique Steven Laureys, de l'université de Liège, spécialiste reconnu du coma qui s'intéresse de près à l'EMI. Elle montre bien que l'activité cérébrale enregistrée juste après la mort n'est pas chaotique et qu'il y a une parfaite connectivité entre les différentes parties du cerveau.» Il admet volontiers qu'il est difficile de traduire ces observations animales chez l'humain, mais relève que les scientifiques reconnaissent désormais que, contrairement à ce que pensait Descartes, les animaux ont comme l'homme une forme de conscience.
Les expériences de mort imminente intéressent désormais les scientifiques
Les expériences de mort imminente (EMI) en cours ne sont plus boudées par la recherche. Deux exemples.
- L'équipe pilotée par Steven Laureys, de l'université de Liège, est en train de collecter le maximum de témoignages de personnes ayant connu une EMI. «Deux doctorants se consacrent entièrement à cette tâche. Les lecteurs du Figaro sont invités à entrer en contact directement avec eux par courriel», déclare Steven Laureys, à l'adresse
coma@ulg.ac.be- Une équipe conduite par Sam Parnia, un des grands spécialistes de l'EMI, a lancé en 2008 un programme visant à analyser les témoignages de patients afin de savoir s'ils ont eu une perception extracorporelle en rapport avec la réalité au cours de leur expérience de mort imminente. Vingt hôpitaux sont associés à ce programme baptisé «Awareness during rescucitation» (état de conscience pendant la réanimation). Les premiers résultats devraient être publiés au cours de l'automne.