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Une fillette atteinte de leucémie a bénéficié d'une thérapie génique innovante. Le traitement présenté au congrès annuel des hématologues américains a permis à huit autres malades d'être en rémission.
Emma, une petite américaine âgée de 7 ans est en rémission depuis 7 mois grâce à un nouveau traitement de thérapie génique utilisant un virus du sida modifié. Elle est atteinte d'une leucémie lymphoblastique aiguë, le plus fréquent des cancers de l'enfant, dans laquelle des cellules du sang se mettent à proliférer de façon excessive. On estime en France qu'un nouveau-né sur 1900 déclenche la maladie avant l'âge de 15 ans, ou plus rarement entre 15 et 20 ans.
Le traitement repose habituellement sur la chimiothérapie, pour enrayer cette prolifération anormale des cellules du sang, généralement des cellules B et plus rarement des cellules T. Une greffe de moelle osseuse est envisagée lorsque le cancer résiste au traitement, ce qui arrive dans environ 15 % des cas. Alors que la greffe nécessitait autrefois un donneur compatible dans la fratrie, des progrès considérables ont été réalisés grâce aux fichiers de volontaires pour le don de moelle osseuse, ce qui a élargit les chances de trouver une compatibilité, mais elle demeure un traitement lourd.
L'approche mise au point à l'université de Pennsylvannie et dont a bénéficié la petite Emma, commence par un prélèvement sanguin du patient. Les chercheurs isolent à partir de ce prélèvement certaines cellules immunitaires - les cellules T- qui sont les soldats naturels du sang, capables de tuer des intrus (infection). «Malheureusement, les cellules cancéreuses échappent à la surveillance immunologique des cellules T et à la détection», expliquent les chercheurs américains. C'est pourquoi les chercheurs ont renforcé grâce à un virus du sida modifié et rendu inoffensif, le système de détection dont sont équipées les cellules T. Celles-ci, baptisées cellules T CAR, deviennent alors capables d'identitifier les cellules B de l'organisme. «Nous avons montré que les cellules T CAR pouvaient être de véritables serial-killers pour les cellules cancéreuses», explique le Dr June du Abramson Cancer Center de l'Université de Pennsylvannie, qui a dirigé les recherches.
Mais les cellules T CAR ne sont pas seulement des serial-killers de cellules cancéreuses, elles se multiplient et stimulent également les autres cellules T de l'organisme - en libérant des cytokines- pour qu'elles viennent à leur tour se joindre à la bataille, formant une armée de plus en plus grosse jusqu'à ce que les cibles soient détruites. Ces cytokines sont d'ailleurs responsables d'une violente réaction de l'organisme qui se manifeste par de la fièvre, des nausées, des chutes de tension et d'oxygénation qui nécessitent le passage en soins intensifs. «Pour les patients qui sont en rémission complète après le traitement, les cellules T CAR font preuve d'une activité maximale qui survient entre 10 et 31 jours après la perfusion», détaille les chercheurs.
Autre inconvénient de la stratégie, toutes les cellules B, qu'elles soient ou non cancéreuses, se trouvent complètement détruites par cette offensive massive. «Cela rend les patients plus sensibles aux infections. Pour contrebalancer cela, nous leur faisons des injections d'immunoglobulines tous les 2 ou 3 mois», signale le Dr Michael Kalos, de l'équipe de Pennsylvannie.
En dépit de ces limites, l'essai mené chez dix adultes et deux enfants, s'est avéré efficace pour neuf d'entre eux, dont Emma. Deux adultes sont même en rémission depuis deux ans et conservent des cellules T renforcées dans le sang ce qui laisse espérer une protection prolongée, à l'image de ce qui se passe dans la vaccination. «Il est possible que dans le futur, cette approche puisse réduire ou remplacer le besoin de transplantation de moelle osseuse», s'enthousiasme le Dr June.
D'ors et déjà le géant pharmaceutique Novartis a investit 20 millions de dollars dans un centre de recherche conjoint avec l'Université de Pennsylvannie, à Philadelphie, pour développer cette nouvelle approche basée sur les cellules T CAR. Le coût de ce traitement personnalisé est aujourd'hui estimé à 20 000 $, ce qui en fait une alternative économiquement envisageable dans les systèmes de santé qui pratiquent la greffe de moelle. Quand ce nouveau traitement sera-t-il disponible s'il confirme ces premiers résultats? Pour le Dr Kalos, «Avec optimisme nous espérons que les patients qui en ont besoin l'auront dans les cinq ans».
Emma est-elle aujourd'hui guérie? «Il est difficile de dire que quelqu'un est vraiment guéri du cancer, confie au Figaro le Dr Kalos, nous préférons le terme de rémission complète pour dire que nous ne voyons plus de signes de la maladie, même avec les méthodes les plus sensibles. Mais nous serons plus à l'aise pour parler de guérison si cela est toujours le cas après cinq ans». Optimiste, mais prudent.