par hadi » 20 Aoû 2007, 16:16
(h) Orrible Manque
Quand mon père me quitta, je ne maîtrisais pas complètement l’orthographe. Les « h » muets ne me parlaient pas encore. Maintenant, ils me hantent: mes initiales sont H.H. Ironie du sort, la lettre que l’on aspire normalement, m’aspira la moitié de la vie.
L’histoire a commencé le jour d’un match de football entre le PSG et l’OM. J’avais 8 ans. Mon père supportait l’équipe de la capitale. A cette époque, dans les provinces de mon être, la rébellion contre l’autorité paternelle battait déjà son plein. C’était pour moi l’occasion rêvée de contredire, de m’opposer enfin , à celui qui avait osé séduire ma mère. L’espace d’un instant, j’allais devenir marseillais, moi, l’Oedipe de banlieue.
A la mi-temps, pourtant, je n’étais pas confiant. Mais , contre toute attente, je gagnai sur « tapis vert ». Mon rival jeta l’éponge. Il s’en alla. Je croyais qu’il allait revenir vers moi, qu’il était tout simplement mauvais perdant, quoi. Je le pense encore aujourd’hui. Il a perdu les siens en plein championnat; pendant que l’équipe se serrait les coudes, lui a baissé les bras. Les médias s’en donnèrent à cœur joie. « Manque d’expérience », « trop jeune », « trop tendre », le maillot était décidément trop grand pour moi. « Courageux », « insouciant », « capable de réaliser l’exploit », répliquaient timidement quelques-uns à cela. J’allais connaître les affres de ma nouvelle condition de petit bonhomme au foyer, quand une passion farouche pour l’OM est née. Un soir de match, sur le canapé, là où s’était assis mon père, s’était levé en moi quelque chose d’insensé. je parlais avec l’accent marseillais. L’OM avait fait fuir mon géniteur et je ne lui en voulais pas.
Ce récit s’adresse aux cartésiens qui n’ont que faire de ces histoires de ballon rond. Je veux leur dire, à ces esprits carrés, que la passion n’est pas un mot exotique pour la raison. C’est le fruit d’une pénible souffrance et le noyau très dur de l’exaspération.
Alors, messieurs les médecins, ne pointez pas vers moi vos ordonnances. N’allez pas imaginer qu’il s’agit là d’un cas précoce de démence. Je serais contraint de vous répondre qu’il n’est question ici, que de souffrances.
H.H