Le gouvernement, qui doit s’attaquer au dossier des retraites en 2008, envisage de devancer ce rendez vous sur l’aspect le plus sensible socialement, les régimes spéciaux, en préparant dès maintenant un texte, selon des sources concordantes.
Le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, a confirmé jeudi devant la presse une information parue lundi dans le quotidien La Tribune selon laquelle un décret sur le sujet était en préparation, en ajoutant qu’il «ne savait pas ce qu’il y avait dedans».
Pour sa part, la présidente de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, Danièle Karniewicz (CFE-CGC), interrogée par l’AFP, pense que le gouvernement prépare «un texte-cadre» fixant dès maintenant «des lignes de conduite» pour les négociations dans les secteurs concernés.
Et selon une source proche du dossier, «le dossier des régimes spéciaux sera ouvert avant la fin de l’année, au même titre que d’autres aspects des retraites, comme la limitation des préretraites dans les entreprises».
En l’absence d’indications gouvernementales - le ministère du Travail se refusait jeudi à tout commentaire -, l’attention se porte sur le discours que doit prononcer Nicolas Sarkozy le 18 septembre devant l’Association des Journalistes de l’information sociale (Ajis). Pour Mme Karniewciz, le chef de l’Etat «parlera beaucoup des régimes spéciaux».
Les régimes spéciaux d’entreprises publiques (SNCF, RATP, EDF, GDF…) et de professions particulières comme les marins, clercs de notaire, ou les parlementaires, permettent généralement à leurs affiliés (500.000 actifs et 1,1 million de retraités) de partir à la retraite plus tôt que les autres salariés.
Ils avaient été épargnés par la loi qu’avait fait voter en 2003 François Fillon, alors ministre du Travail, alignant la durée de cotisation des fonctionnaires pour une retraite à taux plein sur les 40 années en vigueur dans le privé.
L’actuel Premier ministre s’était souvenu que la volonté de son prédécesseur Alain Juppé, en 1995, de les réformer avait été à l’origine des grèves dans les transports qui avaient paralysé la France en novembre-décembre 1995.
En revanche, la réforme de 2003 a programmé un «grand rendez-vous» en 2008, pour acter une nouvelle augmentation de la durée de cotisation, à 41 ans en 2012, et aller plus loin en fonction des perspectives financières et démographiques. Jusqu’à cette semaine, il semblait acquis que la question des régimes spéciaux serait abordée à cette occasion.
C’est ce calendrier que le gouvernement bousculerait en intervenant dès maintenant, même si tout semble loin d’être calé. Selon M. Chérèque, à l’heure actuelle, même le ministre du Travail, Xavier Bertrand, «ne sait pas ce qu’il y aura dans le décret». «Est-ce que c’est un décret pour dire qu’il faut que les entreprises publiques négocient dans telle ou telle direction avant telle date? Est-ce que c’est un décret qui définit la situation à la fin de la négociation dans les entreprises?», s’est interrogé le leader de la CFDT.
Les syndicats de cheminots, qui ont vivement réagi jeudi à la perspective d’un décret, et qui sont aussi mobilisés sur l’avenir du fret à la SNCF, ont annoncé mercredi qu’ils se réuniraient le 19 septembre, au lendemain du discours présidentiel, pour décider d’éventuelles actions.
Si M. Chérèque a déclaré jeudi qu’il ne «pouvait pas dire» quelle serait «la réaction de la CFDT» avant de connaître le contenu du texte, ses homologues de la CGT et de FO, Bernard Thibault et Jean-Claude Mailly, ont chacun, dès mercredi, mis en «en garde» le gouvernement contre la publication d’un décret.