Montebourg et Mittal : l'étrange parole d'un ministreEn politique, la parole est tout aussi décisive que l'action qu'elle est censée précéder ou accompagner. On aurait tort de banaliser les rodomontades récurrentes du ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, sous prétexte qu'il agit dans un jeu de politique intérieure.
Son discours est écouté avec attention partout au-delà de nos frontières. Arnaud Montebourg est devenu au fil des mois la parole économique de la France, en raison notamment de l'effacement du ministre des finances, Pierre Moscovici. Ses propos effraient les investisseurs anglo-saxons et consternent les Allemands, y compris les sociaux-démocrates, qui ne comprennent pas qu'on puisse autant dénigrer les entreprises de son propre pays. Le directeur général de Sanofi-Aventis, le Germano-Canadien Christopher Viehbacher, n'est toujours pas revenu d'avoir été rudoyé sur un ton inconvenant par les collaborateurs du ministre.
Arnaud Montebourg est aussi devenu la parole économique du gouvernement auprès de l'opinion publique française, qui espère à juste titre une réindustrialisation de la France et le retour de l'emploi en période de récession. Il a su la séduire à travers quelques coups médiatiques habiles, en faisant notamment la "une" d'un magazine, armé d'un robot Moulinex et revêtu d'une marinière garantie 100 % made in France.
M. Montebourg peut espérer raviver la flamme auprès des classes populaires qui ont déserté le Parti socialiste depuis des années. Les déceptions risquent d'être grandes, et le retour de bâton aussi violent que celui qui suivit les promesses non tenues de Nicolas Sarkozy. Le ministre n'a jusqu'à présent obtenu que peu de résultats. Il a débuté son mandat en montant au créneau contre la fermeture de l'usine Peugeot d'Aulnay, en région parisienne. Avant de constater son impuissance.
Le ministre du redressement productif a franchi, lundi 26 novembre, une nouvelle étape, en expliquant aux Echos son rejet du sidérurgiste Mittal : "Nous ne voulons plus de Mittal en France, car ils n'ont pas respecté la France." Ainsi, ce n'est plus simplement le rachat du site de Florange qu'il propose, mais l'expulsion du sidérurgiste indien, qui emploie 20 000 salariés sur 150 sites en France. Cette proposition est cohérente avec l'emballement qui saisit M. Montebourg : rien ne sert d'acheter des hauts-fourneaux invendables, la sidérurgie étant en surcapacité en Europe. C'est donc une filière rentable qu'il convient de nationaliser. Le gouvernement de François Hollande reviendrait ainsi aux nationalisations punitives, comme celle de Renault en 1945, et étatistes, comme celles de 1981. Car il ne s'agit pas d'une intervention provisoire, destinée à éviter une crise de liquidités comme l'ont connue Alstom en France ou General Motors aux Etats-Unis, mais d'un interventionnisme sur une entreprise rentable. Les syndicats ont perçu le danger de telles surenchères. Le gouvernement a soutenu M. Montebourg ces derniers jours. Il ne suffira pas que François Hollande désavoue ses propos lorsqu'il rencontrera, mardi, Lakshmi Mittal à l'Elysée. Il faut faire cesser ce prétendu jeu de rôle qui décrédibilise la parole et l'action politique.
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