Le Monde a écrit:Comment Nicolas Sarkozy manipule la gauche
L'ouverture est un long supplice de chaque jour pour le Parti socialiste. Pensait-il que l'offensive de l'Elysée avait cessé après la proposition faite à Jack Lang d'intégrer, au côté de d'Edouard Balladur et de Pierre Mazeaud la future commission chargée de réfléchir à la "modernisation des institutions" ? Sans laisser le PS reprendre souffle, Nicolas Sarkozy confie son intention de soutenir la candidature de Dominique Strauss-Kahn à la direction générale du Fonds monétaire international (FMI), en remplacement de l'Espagnol Rodrigo Rato.
"Nous marchons main dans la main", a expliqué le chef de l'Etat, jeudi 5 juillet, lors d'un déjeuner avec des intellectuels à l'Elysée. Une information révélée sur le site Internet du Monde, vendredi 6 juillet, et que le chef de l'Etat devait confirmer le 8 juillet dans un entretien au Journal du dimanche avant de l'évoquer le lendemain lors de la réunion de l'Eurogroupe à Bruxelles.
Depuis son arrivée au pouvoir, M. Sarkozy s'est fixé pour objectif d'"asphyxier" la gauche : "Je veux occuper tout l'espace, c'est la règle", a confié le chef de l'Etat, peu après son élection. D'abord concentrée sur les personnalités en rupture avec le PS (Eric Besson, Bernard Kouchner, Jean-Pierre Jouyet, Martin Hirsch, Fadela Amara, Jean-Marie Bockel), la stratégie de l'ouverture se poursuit aujourd'hui en direction des "éléphants", qui voient désormais s'amenuiser leurs chances de revenir au pouvoir. Les ministres étant choisis, restent les commissions, les missions, les honneurs. Ancien ministre des affaires étrangères, Hubert Védrine a ainsi hérité d'une mission sur la mondialisation, Jacques Attali, ex-conseiller de François Mitterrand, d'une autre, sur la réforme de l'aide au développement.
Après cinquante jours passés à la tête de l'Etat, M. Sarkozy aura ainsi enrôlé une dizaine de personnalités classées à gauche. Cela ne lui suffit visiblement pas. Les rubriques d'échos des quotidiens et des hebdomadaires rapportent des "contacts" établis entre l'Elysée, via le chef de l'Etat lui même ou son secrétaire général Claude Guéant, et des socialistes. Jean-Yves Le Drian, Malek Boutih, Manuel Valls, Julien Dray ont tous eu droit à des propositions qu'ils ont déclinées. Mais le secret a été rapidement éventé, mettant les dirigeants du PS en fureur et favorisant, à l'encontre des personnalités approchées, un soupçon sur leur fiabilité.
Le choix du candidat de la France pour la direction du FMI est un cas d'école. L'Elysée a d'abord feint de s'intéresser à Laurent Fabius comme à M. Strauss-Kahn. "Ces noms sont intéressants", a confié au Monde M. Guéant, alors que "DSK" bénéficiait déjà du soutien exclusif du chef de l'Etat.
Déboussolés, fabiusiens et strausskahniens mènent l'enquête, soupçonnant le chef de l'Etat de "jouer" avec les candidatures, comme un matou avec des souris mortes.
Reçu pour la seconde fois à l'Elysée, vendredi 6 juillet, pour parler de l'Europe, M. Fabius est ressorti de son entretien avec M. Sarkozy sans dire un mot. Le FMI ? "Ils ne l'ont même pas évoqué pendant tout l'entretien", assure un proche.
En l'absence de "DSK", qui est à l'étranger, ses partisans souhaitent minimiser le rôle du chef de l'Etat et citent le premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Junker, comme promoteur de la candidature de l'ancien ministre de l'économie. Une façon d'écarter le soupçon d'une "entente préalable" entre leur mentor et le chef de l'Etat. Selon Pierre Moscovici, les deux hommes ne "marchent main dans la main, Ce n'est pas Nicolas Sarkozy qui a mis le nom de "DSK" sur la table. Il feint d'être l'auteur de tout, mais Dominique n'a rien demandé. Il n'a donc pas à se prononcer dans un échange avec le chef de l'Etat. Ce n'est pas une affaire franco-française". Un autre proche de DSK a indiqué que "la question se posera dès lors qu'un consensus européen ayant reçu l'approbation des Etats-Unis sera réuni".
Mais qu'importent pour l'Elysée les démentis des uns ou les précisions emberlificotées des autres. Ce sont deux nouveaux noms de personnalités socialistes, qui vendredi, ont été associés, bon gré mal gré, à la stratégie élyséenne. Les dégâts qu'elle a déjà provoqués à gauche, les divisions qu'elle suscite, encouragent M. Sarkozy à aller plus loin "dans les semaines et les mois qui viennent" comme il l'a promis au nom "du rassemblement", lundi 2 juillet à Strasbourg. Alors que des élus de l'UMP rechignent à pactiser avec les ennemis d'hier, le chef de l'Etat peut leur opposer son succès tactique. Le PS s'égosille ? L'accuse "d'organiser une opposition à sa convenance" ? Le chef de l'Etat, "euphorique" selon ses visiteurs, s'amuse le voir désormais défendre les institutions de la Ve République alors qu'il a mis à son programme le passage à la VIe... "La droite est du côté du mouvement, la gauche, du côté de l'immobilisme", a répété M. Sarkozy durant toute sa campagne. Devenu président, il compte en apporter quotidiennement la preuve.
Et il fait ça avec un talent fou. Qu'est ce que fait Flamby pendant ce temps là ? Vous entendez Hollande taper du poings sur la table ? L'erreur fondamentale de repousser le congrès nous a fait perdre l'occasion de se trouver un leader et créer une