par theshorty77 » 13 Avr 2007, 10:20
Aujourd’hui, on m’a parlé de Nicolas Sarkozy et de pédophilie. A ceux qui n’auraient pas suivi l’histoire, Philo Mag a organisé une rencontre entre Nicolas Sarkozy et Michel Onfray, “philosophe athée, antilibéral, hédoniste et libertaire” (Rien que ça).
Un extrait est proposé sur le site :
Nicolas Sarkozy : Je me suis rendu récemment à la prison pour femmes de Rennes. J’ai demandé à rencontrer une détenue qui purgeait une lourde peine. Cette femme-là m’a parue tout à fait normale. Si on lui avait dit dans sa jeunesse qu’un jour, elle tuerait son mari, elle aurait protesté : « Mais ça va pas, non ! » Et pourtant, elle l’a fait.
Michel Onfray : Qu’en concluez-vous ?
N. S. : Que l’être humain peut être dangereux. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons tant besoin de la culture, de la civilisation. Il n’y a pas d’un côté des individus dangereux et de l’autre des innocents. Non, chaque homme est en lui-même porteur de beaucoup d’innocence et de dangers.
M. O. : Je ne suis pas rousseauiste et ne soutiendrais pas que l’homme est naturellement bon. À mon sens, on ne naît ni bon ni mauvais. On le devient, car ce sont les circonstances qui fabriquent l’homme.
N. S. : Mais que faites-vous de nos choix, de la liberté de chacun ?
M. O. : Je ne leur donnerais pas une importance exagérée. Il y a beaucoup de choses que nous ne choisissons pas. Vous n’avez pas choisi votre sexualité parmi plusieurs formules, par exemple. Un pédophile non plus. Il n’a pas décidé un beau matin, parmi toutes les orientations sexuelles possibles, d’être attiré par les enfants. Pour autant, on ne naît pas homosexuel, ni hétérosexuel, ni pédophile. Je pense que nous sommes façonnés, non pas par nos gènes, mais par notre environnement, par les conditions familiales et socio-historiques dans lesquelles nous évoluons.
N. S. : Je ne suis pas d’accord avec vous. J’inclinerais, pour ma part, à penser qu’on naît pédophile, et c’est d’ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie. Il y a 1 200 ou 1 300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n’est pas parce que leurs parents s’en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable. Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d’autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire. Les circonstances ne font pas tout, la part de l’inné est immense.
A partir de là, les opposants à Nicolas Sarkozy se sont, comme à leur habitude, enflammés, nous expliquant qu’il était eugéniste, ne croyait ni à la liberté ni à la responsabilité de l’Homme, puisque considérant qu’Il était prédéterminé par ses gènes.
En réalité, la lecture de l’extrait montre bien que le propos de Nicolas Sarkozy n’est pas la caricature qui en est faite et qui voudrait que tout soit joué dès la naissance dans son opinion. On ne peut en tout cas que remarquer la prudence du propos : “J’incline à penser que…”. On a connu Nicolas Sarkozy plus tranchant.
Il s’agit là d’un débat sur la part de l’inné et de l’acquis dans la vie de chacun et la façon dont chacun, héritier d’un ensemble de gènes, peut, par ses choix et l’influence de son environnement, emprunter une voie ou une autre.
A vrai dire, la vision de Michel Onfray (visiblement la seule acceptable à en croire les réactions exprimées ici ou là) me pose davantage question que celle de Nicolas Sarkozy, car elle est finalement l’opinion généralement admise. “Ce sont les circonstances qui fabriquent l’homme”, affirme Michel Onfray. A partir de cette phrase, c’est bien Nicolas Sarkozy qui interroge le philosophe sur les “choix” et la “liberté de chacun”, ce à quoi Michel Onfray répond qu’il ne “leur donnerait pas une importance exagérée. Il y a beaucoup de choses que nous ne choisissons pas.”
C’est, en clair, nier la liberté humaine et les choix individuels en considérant que l’environnement décide pour l’homme. C’est d’ailleurs également nier le fait que l’homme puisse se soustraire à son environnement ou l’influencer, puisqu’en l’occurence, l’influence est à sens unique. Au final, l’homme est irresponsable, puisqu’il ne choisit pas : son environnement lui impose.
A l’inverse, la théorie soutenue par Nicolas Sarkozy repose sur deux pilliers : la génétique d’une part, ET le libre arbitre de l’autre. Clairement, les hommes ne sont pas tous égaux devant la nature. Prenons la beauté, par exemple, toute relative qu’elle soit. Peut-on considérer que la beauté est héréditaire ? A priori, il ne se trouve pas grand monde pour considérer que la beauté relève du choix personnel. Pour autant, de beaux parents ne donnent pas toujours un bel enfant et inversement. C’est d’ailleurs, somme toute, assez logique dans la mesure où la génétique et ses milliards de combinaisons possibles sont assez aléatoires.
Pour autant, me direz-vous, il n’est pas rare de voir des personnes au physique ingrat embellir avec les années, ou des personnes dites “belles” se négliger au point de “mal finir”. Il y a donc bien là une part d’inné et d’acquis.
Dans un autre registre, on peut évoquer la maladie, comme le fait Nicolas Sarkozy en évoquant le cancer. On sait que, génétiquement, certains ont des prédispositions au développement de cancers. Il n’est pas dit pour autant que ces personnes développeront nécessairement la maladie, mais le risque, s’il est connu, peut éclairer leurs choix personnels. Ces personnes éviteront peut-être le tabac, tâcheront de suivre tel régime alimentaire plutôt qu’un autre…
La polémique sur les propos de Nicolas Sarkozy tient sans doute davantage au sujet abordé : la pédophilie, qu’à la question plus globale de l’acquis et de l’inné. Clairement, on ne peut pas, aujourd’hui, dire qu’il existe un gène de la pédophilie. De ce fait, il n’est pas plus absurde de prétendre qu’il n’est pas imposible qu’il puisse exister des prédispositions à la pédophilie que l’inverse. De toute façon, comme avec le cancer, prédisposition ne rime pas forcément avec nécessité.
Dans les deux cas, en l’absence d’éléments scientifiques incontestables, il s’agit d’une pure supposition. Autant dire qu’il s’agit d’une confrontation d’opinions et non d’une confrontation de vérités. D’où l’absurdité de la polémique.
Les plus prompts à critiquer la position de Nicolas Sarkozy se sont-ils seulement posé la question de savoir ce que pouvait être la pédophilie ? Est-elle une maladie ? Si oui, comment apparaît-elle ? La pédophilie serait-elle au contraire le seul fait de l’influence de l’environnement ? Pour ma part, je ne me risquerais pas à prendre position sur le sujet. J’avoue n’en strictement rien savoir. Et c’est bien parce que je n’en sais rien que toutes les options sont ouvertes.
En réalité, à l’heure actuelle, toute question globale sur l’inné et l’acquis est condamnée à rester sans réponse précise. Toute réponse nécessiterait au préalable la parfaite connaissance du génome humain dans son intégralité, l’influence de l’environnement, la capacité de résistance de l’homme à l’influence de son environnement et de ses gènes. Si bien qu’au final, on en arriverait à la conclusion qu’on ne peut pas apporter de conclusion générale pour la simple et bonne raison que le comportement de homme n’est pas toujours rationnel et que, si la génétique joue, elle ne s’avère pas toujours être le déterminant.