En vrai, ça fait bientôt 6 ans que j'avais la motiv d'arrêter, et comme pour beaucoup, c'était lié au changement d'être, au fait de devenir parent. J'étais persuadé que le fait d'avoir un enfant rendrait cela complètement évident... C'était sans compter sur le bordel que c'est d'être parent
et le fait d'avoir une situation personnelle trop instable à ce moment précis ; nous avions affronté avec ma compagne l'arrivée d'un premier enfant, avec la première maison en méga-travaux,et l'accueil sous notre toit de ma belle-mère. On a survécu! avec délestage de la belle-mère àmmendonné, et l'arrivée d'une deuxième puce.
Toujours est-il que le premier essai fût un lamentable échec.
Première tentative, avec uniquement la volonté, et l'achat d'un livre évoqué ici-même, la fameuse méthode Allen Carr. Alors très honnêtement, si je trouvais les arguments évoqués pertinents, j'avais ressenti un véritable gêne, et une méfiance contre-productive, à la façon très messianique que cet homme a à se présenter. Mais c'est pas grave, je ne crois pas que mon échec soit lié à ça. Comme je le dis en amont, c'est en tout cas de cette façon que je l'analyse en rétrospective, je n'étais pas dans un confort d'esprit suffisant. Le résultat, c'est qu'au bout de cinq jours, j'ai commencé à me tendre. Et c'est là que le cerveau bipolaire d'un fumeur est formidable, c'est qu'il exploite le moindre doute en toi pour te faire comprendre que la décision la plus rationnelle et raisonnable est EVIDEMMENT de reprendre la clope. Je deviens profondément irrascible, je sais qu'au fond de moi, je cherche le moindre prétexte pour retomber dedans. Et très bizarrement, je craque au bout de 2 jours. Je fais semblant de tenir bon auprès des gens, puis je trahis mon secret honteux, assez vite. Un échec humiliant, qui me donne juste la certitude de devoir réussir un jour.
Il y a deux ans, on attaque des gros travaux dans notre maison marseillaise pour pouvoir la vendre un jour. Et pour l'occase, on déménage provisoirement dans un appart. Je perçois la possibilité, au sein d'un nouveau cadre provisoire, d'adopter de nouvelles habitudes, dans un nouveau quotidien, des murs différents. Je me la rejoue à l'impro. Cette fois-ci,et contrairement à la fois précédente, je ressens assez vite des effets positifs, physiques (souffle) et surtout cognitifs. Je me rends compte que je dors mieux, et que mes rêves se complexifient. Que ma concentration sur des tâches du quotidien s'améliore.
Malgré ça, et comme la première fois, je commence à serrer au bout de 5 jours. J'engueule tout le monde à la maison sans raison, j'enrage de ma faiblesse, et je bous de ne pouvoir la contrôler. Parce que je ne supporte pas que mes filles soient victimes collatérales de ma connerie, je cours m'acheter du tabac. Ratage avec effet immédiat, sans faire semblant de continuer.
Et enfin, au Printemps dernier.
Nous avons finalement trouvé un acquéreur pour notre maison, un an et quelques après avoir trouvé sa remplaçante dans un trou paumé loin de la ville, dans le département le moins peuplé de France.
Je suis fort de la certitude de notre choix de vie.
Je suis fort des personnes extraordinaires qui forment mon quotidien.
J'ai l'expérience de mes échecs passés.
Et je n'ai plus peur.
Parce que je ne peux plus faire semblant de l'importance de l'addiction physique, j'opte cette fois pour les patchs. Face à cette foutue maladie, il me faut un traitement, point barre, pas de honte à avoir. Je refuse la cigarette électronique ou les gommettes, parce que je ne veux pas remplacer une pulsion par une nouvelle manie tout aussi ridicule, et plus que tout, ce qui me fait arrêter, c'est la haine du temps perdu à cause de la clope. L'argent on le sait, la santé aussi. Mais m'être rendu compte que cette saloperie me rendait complètement improductif, que pour chaque clope, j'étais perché une grosse demi-heure et qu'après quoi mon esprit se mettait à bafouiller, ça m'a vraiment fait du mal.
Le 2 juin, pot de départ à mon ancien atelier, ça a fini tard, et pas vraiment droit. Quand je suis parti le soir, j'ai laissé ma blague à tabac sur le bureau.
Je l'ai récupérée 2 semaines plus tard, sans la toucher.
Un mois après, alors que j'étais seul dans les cartons, en pleine crise existentielle avec ma mère, j'ai pris la décision rationnelle de finir mon tabac, comme ça on n'en parle plus. J'ai clopé tout ce qui me restait et ça s'est terminé comme ça.
Aujourd'hui, quelques mois après, je vais bientôt stopper les patchs. Il m'arrive encore d'avoir de légères envies, mais je ne souffre jamais de ne pas fumer. Par contre, je retrouve avec émotion des odeurs perdues, je fais du vélo comme un barge, je randonne avec les minotes et je me fais des grosses marches à pas forcé sans jamais avoir le souffle court.