CA Y EST C'EST L'HEURE DES COUPS BAS :
Une vidéo pirate de Ségolène Royal diffusée sur Internet jette un pavé dans la mare
PARIS (AP) - Une vidéo pirate dans laquelle Ségolène Royal propose que les professeurs de collège restent 35 heures dans l'établissement, au-delà de leurs seules heures de cours, risque fort de lui mettre à dos les enseignants. Leurs syndicats se voulaient toutefois prudents vendredi, de peur d'être instrumentalisés par ce que les royalistes qualifient de "malveillance".
Dans cette vidéo anonyme qui aurait été enregistrée à Angers en janvier 2006, la candidate à l'investiture socialiste à la présidentielle propose "que les enseignants restent 35 heures au collège. Et dans ce paquet global, il y a des cours, mais ils ne quittent pas le collège quand ils ont fini leurs cours".
Car "on est quand même dans un système absurde où aujourd'hui en France, on a maintenant des entreprises cotées en bourse de soutien scolaire" et "ceux qui font cours dans ces entreprises, ce sont les profs du secteur public!", souligne-t-elle.
"Comment se fait-il que des enseignants du secteur public aient le temps d'aller faire du soutien individualisé payant et ils n'ont pas le temps de faire du soutien individualisé gratuit dans les établissements solaires?" Mme Royal propose donc de faire "un pas, y compris pourquoi pas avec les nouvelles générations d'enseignants, si les autres nous disent: ben non, droits acquis, 17h de cours et puis on s'en va!"
Cette proposition, "je ne vais pas encore la crier sur les toits parce que je veux pas prendre des coups des organisations syndicales enseignantes", précise-t-elle toutefois en préambule.
"Ce sont des propos faciles, et qui pourraient laisser croire qu'en dehors de leurs 18 heures de cours, les enseignants font plein d'autres choses et vaquent à leurs occupations alors qu'ils ont tout un travail de corrections, de préparation des cours", a réagi vendredi Patrick Gonthier, secrétaire général de l'UNSA-Education.
Toutefois, "ces propos ont été tenus en il y a quelques mois et sortent de façon opportune à un moment d'un calendrier électoral qui n'est pas anodin", a-t-il noté.
Même prudence du côté de Bernard Boisseau, secrétaire général du SNES, premier syndicat des enseignants des collèges et lycées: "il y a des dizaines de milliers d'enseignants qui ont été destinataires de cette vidéo", a-t-il affirmé. "On voit bien qu'il s'agit d'une étape dans la campagne interne au PS" et "on n'a pas l'intention de se laisser instrumentaliser par un candidat quel qu'il soit".
Pour le reste, "lorsqu'on dit qu'ils vont travailler dans des instituts privés en plus de leur mission, c'est injurieux et ça doit représenter 0,02% des enseignants", a déploré M. Boisseau. "Quand on sait, selon les études réalisées par le ministère (...) que la semaine d'un enseignant c'est quarante heures et quelques en comptant tout, on ne peut pas demander ça en plus aux enseignants".
Le sujet peut "faire l'objet d'une négociation", mais il faut "se donner les moyens d'avoir dans les établissements scolaires des personnels qui améliorent l'encadrement", a déclaré de son côté le secrétaire général de la FSU Gérard Aschieri sur Europe-1. Il faut "prendre en compte le travail supplémentaire que cela demande" aux enseignants.
"Ce sont des méthodes un peu curieuses", a réagi Arnaud Montebourg, porte-parole de Ségolène Royal, sur Europe-1 au sujet de cette vidéo pirate. La candidate socialiste "pose le problème de la marchandisation des produits éducatifs et de l'éducation" et de "la façon dont se développent les soutiens privés".
L'autre porte-parole de Ségolène Royal, Gilles Savary, joint par l'AP, ne souhaitait vendredi faire "aucun commentaire" sur le fond, affirmant n'avoir pas visionné cette vidéo. "Cela fait partie des malveillances" de cette fin de campagne, a-t-il déploré. Mais "la marque de Ségolène Royal, c'est qu'il n'y ait aucun sujet d'action public tabou". "Elle ne brosse pas dans le sens du poil ce qui est considéré comme la clientèle électorale (du PS, NDLR), tout simplement parce qu'elle les respecte", a-t-il affirmé.
"Il ne faut pas taper en dessous de la ceinture", a estimé pour sa part le candidat socialiste à la candidature Laurent Fabius, interrogé sur ce sujet sur Europe-1. AP