Dans un livre sorti jeudi, Denis Robert, devenu célèbre avec l'affaire Clearstream, s'en prend au monde du foot
"Le milieu du terrain" (titre de l'ouvrage, aux éditions Les Arènes) n'est pas "un livre de révélations", prévient l'auteur. Seulement une déclaration d'amour déçu au foot.
Et de se donner pour mission de "rappeller des vérités embarrassantes sur un sport dont il ne reste que la mousse."
L'ampleur de la tumeur qui ronge le football moderne ? En 237 pages, Denis Robert (
par ailleurs supporteur du FC Metz) en recense toutes les métastases: collusion entre dirigeants de clubs, agents et journalistes (certains cumulent ou alternent les trois fonctions), paris truqués, transferts aux montants indécents qui cachent dessous de table et rétrocommissions, influence de la télévision...
Les transferts comme source de plus-value
Et Denis Robert de disséquer le système des transferts multiples destinés à "faire du rendement" mis en lumière par le récent procès de l'OM en mars. Il évoque Kaba Diawara, neuf fois transféré en cinq ans. Neuf mutations qui ont généré autant de plus-value et de "com'". Diawara, note Robert, "a rapporté plus de blé qu'un fonds gazier mais a raté sa carrière de footballeur". Il cite aussi le cas de Thierry Henry, resté sur un "coup de coeur" à Arsenal...un coup de coeur qui coûte chaque semaine au club 162.000 euros.
L'agent d'Henry, Darren Dean, n'est autre que le fils de David,
vice-président du club londonien. Denis Robert évoque les négociations : "T'imagines quand ils négocient. T'as Darren qui dit 'Papa' à l'autre... C'est aussi pour ça que ça monte si haut. Henry sera sûrement le joueur le mieux payé du monde l'an prochain. Ca devrait friser le million d'euros par mois. Et Darren se prend 10% de la somme? Plus le père monte haut, plus le fils touche".
Les agents "symptômes du mal"
Les agents, "symptômes plus que cause du mal", cristallisent l'attention de l'auteur qui se laisse guider dans le "milieu" par l'un d'eux, qu'il a baptisé Vic. Et il s'étonne de trouver dans la liste des 177 agents licenciés par la Fédération française des hommes au passé aussi sulfureux que Jean-Pierre Bernès, l'ex dirigeant de l'OM mis en cause dans de nombreuses affaires.
C'est par le biais des agents également que Robert aborde le cas des matches présumés truqués par la Juventus. En Italie, "il arrive souvent que des matches se jouent entre deux équipes où six ou sept joueurs appartenant au même agent sont opposés".
Responsables autant que victimes du "milieu", les stratèges de la télévision sont aujourd'hui piégés: "Le foot, objet de (leur) commerce est devenu tellement nase qu'(ils) ont besoin de faire un maximum de mousse autour. Au final, il ne reste que la mousse."
et il ya une interview assez
"Le temps est peut-être venu pour que ça pète"
Interview de Denis Robert par Françoise CHAPTAL (AFP)
Q: Quelle idée, entre deux livres sur l'affaire Clearstream, d'écrire sur le "milieu du terrain"?
R: "Ce livre, je le mûris depuis longtemps. Mon éditeur me poussait à faire une enquête mais je n'avais pas envie. Puis, il y a eu le procès de l'OM, point d'orgue où tout a été dit: je n'avais plus rien à révéler. La clé, c'est ma rencontre avec cet agent que j'appelle Vic dans le livre. Il m'a appelé pendant un an pour qu'on travaille ensemble. J'ai bouclé les derniers chapitres alors que tout le monde me cherchait pour avoir mon avis sur Clearstream. Le rapport avec les scandales politiques est saisissant. Ce n'est pas un livre de révélations mais un cri du coeur. Des journalistes de sport me disent qu'ils n'y ont rien appris mais j'ai plein d'amis 'non footeux' qui hallucinent."
Q: Vous dénoncez d'ailleurs ces journalistes qui "ont 1000 anecdotes à raconter lors d'un dîner" mais qui ne donnent rien à leur public...
R: "La qualité de l'information est pire dans le foot qu'ailleurs. Je me souviens d'une édition d''On refait le match', en plein procès de l'OM, où (Eugène) Saccomano annonce: 'Ce soir, on va s'intéresser à ce qui se passe en dehors du terrain.' Et il parle de tout, du G14, des arbitres, des supporteurs, tout, sauf du procès."
Q: Quelle est la part de responsabilité de la télé dans le système?
R: "Comme les dirigeants de McDonald, qui s'étaient aperçu que les gamins venaient pour le cadeau distribué avec le hamburger et jetaient le BigMac, la télé fait mousser ce qui n'est pas foot: les commentaires, les bandes annonces, les SMS qui font gagner un écran plasma... Tout ça pour cacher l'indigence des 0-0. Canal+, ils sont dans une merde épouvantable. Ils ont payé trop cher le foot français. 1,8 milliard d'euros sur 3 ans, ça fait la journée à plus de 15 millions. Depuis, ils rament pour rentabiliser. Le bourrage de crâne, le dopage, le fric, ça va conduire à une rupture, une asphyxie totale."
Q: Comment?
R: "Un sociologue m'a expliqué que les trois critères qui font que le foot reste sport N.1 sont en train de disparaître. Le premier, c'est la force du passé mais elle s'affaiblit. Le second, ce sont les stars. Mais qui est star aujourd'hui? Un Cissé, alors qu'il ne joue même pas à Liverpool, que le foot occupe un quart de son temps, qu'il est plutôt une icône de la mode et de la pub. Le troisième, c'est l'attachement à un club, mais c'est de plus en plus dur de s'attacher à des gares de triage pour joueurs entre deux transferts."
Q: Vous ne ménagez pas certaines icônes, comme Lizarazu, Deschamps ou Zidane, que vous accusez de dopage, ou Guy Roux, "un pilier du milieu". "Vouloir le doubler sur un transfert, dites-vous, c'est comme vouloir implanter des machines à sous en Corse, dans un bout de maquis appartenant au FLNC Canal historique".
R: "Lizarazu, il n'y a qu'à comparer les photos entre le début et la fin de sa carrière. Sa métamorphose est frappante. Personne ne le met en cause parce qu'il a cette image de joueur propre, écolo... Pour les autres, Zidane et Deschamps, tout a été dit au moment du procès du dopage de la Juve. Un procès dont on a très peu parlé en France. Quant à Guy Roux c'est effectivement un pilier du 'milieu du terrain'".
Q: N'y-a-t-il pas de chance qu'un jour des procès aboutissent à de véritables chutes d'empires?
R: "Il va y avoir des bouleversements. L'instruction sur Bettoni et Stojic (deux agents, ndlr) avec les perquisitions dans huit clubs de L1 (Marseille, Troyes, Sochaux, Nice, Auxerre, Lille, Montpellier, Metz, en octobre dernier, ndlr), ça va faire des dégâts. On va se rendre compte que tous les présidents de clubs qui ont traité avec Bettoni et Stojic sont passés par des comptes dans les paradis fiscaux. Le temps est peut-être venu que ça pète."
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