par fourcroy » 09 Jan 2008, 08:36
Parallèles et paradoxes, livre d'entretiens entre Daniel Barenboim, chef d'orchestre Israélien vivant principalement à Berlin et à Chicago et Edward Saïd, intellectuel d'origine palestinienne décédé à New York en 2003.
Il y est beaucoup question de musique, de sa pratique et de son histoire, et la politique est le fil rouge de l'ouvrage. Barenboim revient longuement sur Wagner et l'antisémitisme, l'homme et l'oeuvre, son interdiction en Israël. Il parle aussi de l'expérience de Weimar, où, à l'occasion du 250ème anniversaire de Goethe, il avait réuni de jeunes musiciens israéliens et arabes et la façon dont ceux-ci avaient vécu d'être pour une fois assis à un même pupitre à jouer la même note avec la même expression.
Il est aussi question d'ouverture à l'Autre et de Culture, de "musique allemande" et du nationalisme, de la différence entre dire que Brahms est intrinsèquement germanique et soutenir que seuls des Allemands peuvent le comprendre ou l'interpréter.
Sur le plan musical, Barenboim tient des propos très éclairants sur l'interprétation comme art de l'illusion, sur l'inanité de ce qu'on appelle à tort "authenticité", sur l'expressivité de l'accumulation chez Bruckner et sur plein d'autres sujets. On apprend comment Beethoven manipule ses auditeurs dans le premier mouvement de sa quatrième symphonie, ce qu'est le poids du son, pourquoi les indications métronomiques laissées par les auteurs sont toujours trop rapides et le rapport avec les accords d'Oslo, que la musique a ceci de commun avec Dieu que l'on ne peut en parler que par ses effets et comment un orchestre fait pour jouer un crescendo. Il est aussi question de l'accessibilité de la musique et j'ai enfin compris pourquoi j'ai toujours trouvé Bartok plus facile à écouter que le dernier Beethoven. Bref, un livre intéressant, pour mélomanes.
"La société de surconsommation, fruit d'un capitalisme dérégulé, relève d'une logique compulsionnelle dénuée de réflexion, qui croit que le maximum est l'optimum et l'addiction, la plénitude." Cynthia Fleury