par fourcroy » 22 Mai 2007, 14:26
D'Albert Londres, Au bagne et Le Juif errant est arrivé.
Le premier est un reportage de 1925 au bagne de Cayenne. Londres y dénonce la perversité d'une institution instaurée au XIXème siècle pour réhabiliter les condamnés et coloniser la Guyane, ce qui s'avéra un échec total. Il y décrit la vie quotidienne, l'arbitraire du pouvoir des surveillants, la violence, la misère et l'iniquité d'un système meurtrier qui broie les existences. Suite à ce reportage qui fit scandale, le bagne sera supprimé un an plus tard !
Le second livre est un reportage au coeur des communités juives européennes, à Londres, puis en Europe de l'Est, en Palestine, enfin, au moment ou se développe l'idée sioniste. Londres rend compte de la misère inouïe de certaines communautés juives, de l'antisémitisme irréductible en Pologne, en Roumanie et en Ukraine, où le pogromes sont couverts avec bienveillance par les autorités. Le livre est aussi une plongée saisissante dans les milieux juifs orthodoxes, et la question de l'assimilation est également évoquée. In fine, Londres se montre plutôt optimiste (et favorable) à l'issue que représente le sionisme, qu'il montre toutefois comme ultra-minoritaire au sein des communautés juives européennes. En dépit de l'hostilité des Arabes, dont les contradictions sont par ailleurs bien rendues.
Sur un plan plus général, il s'agit d'une redécouverte d'un certain journalisme d'investigation et d'une totale liberté d'expression revendiquée par cette star du métier, qui avait démissionné avec fracas après un refus de publication d'une de ses enquêtes ne reflétant pas les vues de son journal par ces mots : "Messieurs, vous apprendrez à vos dépens qu'un reporter ne connaît qu'une seule ligne, la ligne de chemin de fer !" Enfin, on mesure aussi en lisant Londres les ravages qu'ont fait depuis le politiquement correct.
"La société de surconsommation, fruit d'un capitalisme dérégulé, relève d'une logique compulsionnelle dénuée de réflexion, qui croit que le maximum est l'optimum et l'addiction, la plénitude." Cynthia Fleury