Quand Robinson Crusoe rencontre Kipling ....
Yann Martel L'Histoire de Pi
Denoël - Denoël & d'ailleurs 2004 / 2.9 € - 19 ffr. / 333 pages
ISBN : 2-207-25531-X
FORMAT : 15x23 cm
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Non, il ne s’agit pas d’une hagiographie de l’un des commandeurs de l’Eglise. Mais l’histoire véridique (ou présentée comme telle) dont il est question exige quand même du lecteur une bonne dose de foi. Piscine Molitor Patel, dit Pi, est un adolescent de l’Inde moderne. Ce seul titre, on s’en doute, vaut déjà son content d’extraordinaire : outre son nom magnifique, fruit d’un amour conjugué pour la natation et Paris, Pi est le réceptacle vivant et haut en couleurs du miracle indien : habité par deux langues et trois religions, il suscite tout à la fois admiration et réprobation de son entourage et de la communauté.
Fils d’une famille privilégiée, son père occupant un emploi fixe et prestigieux, il est pourtant amené à risquer avec les siens une émigration économique, vers le Canada. Mais là ne réside pas tout l’insolite du personnage. Le métier du père de famille, gardien chef du zoo de Pondichéry, implique un équipage bien particulier : la famille va voyager avec la ménagerie. Le roman est l’histoire de ce périple, lui-même bien singulier, puisque l’arche portant les Patel et leurs sauvages familiers fait presque immédiatement naufrage. Survivant miraculeusement, Pi s’accroche à un bateau de sauvetage. Sauvé ? Presque : il est à bord avec quelques membres distingués du zoo : un zèbre, une hyène tachetée et… un tigre du Bengale adulte. Le voyage, on s’en doute, ne sera pas de tout repos.
Au terme d’un épisode de 227 jours, digne du bon Docteur Bombard, de Robinson Crusoe et de Rudyard Kipling à la fois, le jeune Pi parviendra à sauver sa peau. Richard Parker - on l’aura deviné, nom et patronyme du tigre - aussi. Cette longue quête initiatique sur l’océan Pacifique est bien sûr l’occasion d’une somme de réflexions sur la vie, l’humain, la civilisation. Ce n’est pas la meilleure part du livre. Deuxième roman d’un jeune Canadien, l’Histoire de Pi a séduit semble-t-il quatre millions de lecteurs à travers le monde. C’est moins par sa philosophie banalement humaniste mâtinée de syncrétisme oriental qu’il parvient à capter notre attention, que par une constante et minutieuse proximité avec ses personnages, qui nous les fait aimer au long cours.
Animal attachant, le jeune garçon végétarien et respectueux de la vie, qui ne survit qu’au prix d’un carnage de chair, poissons, tortues, oiseaux. Humain, trop humain, le fauve carnivore qui, peur et amitié mêlées, épargne jour après jour son chétif compagnon. Parvenu de l’autre côté du grand océan, on se lamente, nous aussi, de voir le royal animal s’éloigner sans un regard vers son salut, la forêt amazonienne. Nous laisserait-on faire que l’on pousserait facilement la cruauté jusqu’à souhaiter à cet ensorcelant équipage un deuxième naufrage, sur le majestueux Amazone par exemple…
prix 30 millions d'ami par ailleurs
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