Il y a quelques mois, j'écoute une émission avec Zeev Sternhell, historien des idées et auteur plutôt controversé du fait de sa thèse sur les origines françaises du fascisme. Bouleversé dans mes convictions par ses arguments sur le caractère fasciste de Vichy, je décide donc de m'intéresser un peu plus au personnage et tombe sur les entretiens qu'il a accordé au journaliste Nicolas Weill. Ca a été regroupé pour donner lieu à
Histoire et Lumières, changer le monde par la raison.
On y découvre non seulement un penseur engagé fascinant mais surtout un homme dont le parcours de vie personnel et intellectuel l'a mené aux carrefours de l'histoire du monde et de l'histoire des idées.
Enfant dans un ghetto nazi de Pologne, il rejoint le sud de la France en tant qu'orphelin au lendemain de la guerre. Du fait de l'école républicaine et laïque, il tombe amoureux de la France, de son histoire, son libéralisme politique issu de la révolution française, son exigence d'égalitarisme et sa propension à protéger les plus faibles par l'Etat-providence.
De là naît son attachement à l'universalisme des Lumières et aux principes de justice sociale qu'il défend tout autant en tant que sioniste de gauche.
Son attachement et son histoire avec Israël sont tout autant intéressants. Il a fait l'alya des jeunes aux premières années de la création de l'état juif jusqu'à devenir officier pendant les guerres des Six Jours et de Yom Kippour. Ce qu'il raconte de son investissement au sein de la gauche israélienne et de la montée en puissance de la droite vaut franchement le détour tant c'est éclairant sur leurs forces et faiblesses idéologiques actuelles de chacun des deux camps.
Toute une partie du bouquin traite de ses thèses, son opposition à l'intelligentsia française de l'après-guerre, aux mandarins universitaires qui ont fricoté avec le fascisme. Sa définition du fascisme, jugée habituellement comme trop large au sein de la communauté des historiens, prend un sens très nouveau et semble très pertinente quand on lit sa démonstration.
J'en est déjà un peu trop dit. Je vous encourage à découvrir ce personnage atypique qui aura, mine de rien, marqué de son empreinte l'historiographie française de l'après-guerre et secoué pas mal le confort dans lequel nombre d'historiens ont plongé la conscience d'une France soit disant allergique au fascisme quand l'Europe était gagnée par la peste brune.