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Libbra comme l’art
Reconverti dans le marché de l’art contemporain, l’ancien attaquant de l’OM et de Toulouse MARC LIBBRA est désormais plus à son aise dans une galerie de peinture ou de design que dans un stade. Par Christophe Larcher. PHOTOS SÉBASTIEN bOUÉ/L’Équipe L’OM n’en finit plus de s’enliser, le Paris-SG s’exhibe le soir même en Ligue des champions ; pourtant, malgré la demi-journée bavarde de novembre passée ensemble, pas un seul instant Marc Libbra, plus de 350 matches professionnels, n’a causé ballon. Trop pris par l’essentiel, son activité d’agent artistique et son emballement pour une poignée d’artistes du XXe siècle, dont le Suisse Gérard Schneider, l’un des pères de l’abstraction lyrique. « Si on m’avait dit qu’à 50 ans passés je vivrais à Paris, que j’évoluerais dans ce milieu, je ne l’aurais pas cru. Je me voyais dans le Sud avec mon bateau, jouant aux cartes entre potes. »
À la place, l’ex-joueur fixe rencard dans un atelier sans chauffage de Puteaux, banlieue ouest de Paris, lieu de création de Zenoy, l’un des pionniers du graffiti des années 1980. Le lieu est riquiqui, encombré de bombes de couleurs et de tubes d’enduit acrylique. Marc Libbra s’y rend plusieurs fois par semaine. « Je ne connaissais pas le footballeur, il a dû me montrer des vidéos, s’amuse Zenoy. Marc a une rigueur de sportif de haut niveau. Il est dans l’action, me cadre, lance des idées. Quand une expo se prépare, il pense au lieu, au commercial, au traiteur... Grâce à lui, je gagne mieux ma vie. » La cote des toiles grand format de l’artiste peut avoisiner les 25 000 euros.
Ancien consultant apprécié de la chaîne L’équipe, de Canal+, RMC puis Europe 1, le natif de Toulon se limite aujourd’hui à une présence hebdomadaire sur RFI pour un débrief de match. « Le mercredi soir, entre un vernissage d’expo et un match de Ligue des champions, je choisis le premier. Sauf, peut-être, si Marseille joue. » Comme il aime dire à ses amis, « il n’y a pas que le foot dans la vie, il y a l’art ». Les galeristes de la capitale qui comptent restent surpris de découvrir son passé en crampons.
Retraité des terrains en 2005, l’ex-attaquant de l’OM, Toulouse et Créteil s’est installé à Paris en 2010 en raison de ses activités médiatiques. « Je suis seul, je découvre alors une ville qui brille de mille feux. Ça change ma vie. » Il écume les galeries, rive droite, rive gauche et banlieue, les vernissages people, les expos underground, les puces de Saint-Ouen. « Je marche dans la ville, je me gave, je regarde. Je suis séduit par le street art. Un wagon de métro couvert de graffs, c’est plus beau qu’un métro nu de la RATP. » Il se passionne aussi pour la folie Invader, ce mystérieux artiste qui appose ses mosaïques pixélisées sur les murs des villes, « l’un des plus grands créateurs du XXIe siècle ».
Depuis 2017, rassuré par de solides investissements immobiliers, l’ancien coéquipier de Rudi Völler et Laurent Blanc peut mener une activité d’agent artistique – « un vrai taf » – sans frein et en pur autodidacte. « Après le foot, il a fallu continuer à vivre. Moi, j’ai trouvé une autre vie », dit celui qui, enfant, entendait ses parents se lever avant l’aube pour aller sur les marchés. Il connaît tant d’anciens pros devenus dépressifs à force de tourner en rond malgré une vie de famille réussie, des maisons, de l’argent... « Moi, j’ai échappé à ça ! » Marc Libbra se démène pour une cinquantaine de collectionneurs. Il les emmène dans les galeries, les musées, leur montre des tableaux, des sculptures, des masques africains, « certains à 3 000 euros, d’autres à 300 000 », et collecte son pourcentage en cas d’achat. « Je suis un relais qui s’adapte à leurs goûts. J’aiguise leur œil, j’excite leur curiosité en fonction des tendances. Je les éduque en leur racontant l’histoire de l’artiste, son évolution. Certains de mes clients sont émus aux larmes devant un tableau. Je ne cherche pas les spéculateurs, ils n’ont pas besoin de moi. »
Lui s’est bâti une solide culture à force d’arpenter les lieux d’art contemporain. « Quand je m’arrête devant une sculpture de Giacometti, je sais à quelle époque il l’a créée, qu’il vivait dans un atelier près de Montparnasse. Dire que ses œuvres valent des dizaines de millions... » Il va bientôt courir aux expos parisiennes dédiées à Mark Rothko (1903-1970) et Nicolas de Staël (1914-1955). Il achète des beaux livres et a hâte de se plonger dans celui consacré au peintre français Jean-Michel Atlan, période 1940-1954. Dès qu’il descend dans le Sud, il fait un détour par la Cité radieuse du Corbusier, à Marseille, ou la villa Noailles, à Hyères, deux sommets de l’architecture et du design du XXe siècle.
Chez lui, il a accroché une œuvre de Doze Green, graffeur américain de légende, et une du plasticien Gérard Zlotykamien. Sa dernière acquisition l’enchante : deux chevets de Pierre Guariche, designer et architecte d’intérieur des années 1950-1960. « Cela donne de l’émotion, c’est le plus important », lance-t-il avant d’avouer un rêve : « Que le béton des villes soit recouvert de fresques murales. Quand je vois un mur peint, je suis heureux. » l clarcher@lequipe.fr
L'Equipe
Reconverti dans le marché de l’art contemporain, l’ancien attaquant de l’OM et de Toulouse MARC LIBBRA est désormais plus à son aise dans une galerie de peinture ou de design que dans un stade. Par Christophe Larcher. PHOTOS SÉBASTIEN bOUÉ/L’Équipe L’OM n’en finit plus de s’enliser, le Paris-SG s’exhibe le soir même en Ligue des champions ; pourtant, malgré la demi-journée bavarde de novembre passée ensemble, pas un seul instant Marc Libbra, plus de 350 matches professionnels, n’a causé ballon. Trop pris par l’essentiel, son activité d’agent artistique et son emballement pour une poignée d’artistes du XXe siècle, dont le Suisse Gérard Schneider, l’un des pères de l’abstraction lyrique. « Si on m’avait dit qu’à 50 ans passés je vivrais à Paris, que j’évoluerais dans ce milieu, je ne l’aurais pas cru. Je me voyais dans le Sud avec mon bateau, jouant aux cartes entre potes. »
À la place, l’ex-joueur fixe rencard dans un atelier sans chauffage de Puteaux, banlieue ouest de Paris, lieu de création de Zenoy, l’un des pionniers du graffiti des années 1980. Le lieu est riquiqui, encombré de bombes de couleurs et de tubes d’enduit acrylique. Marc Libbra s’y rend plusieurs fois par semaine. « Je ne connaissais pas le footballeur, il a dû me montrer des vidéos, s’amuse Zenoy. Marc a une rigueur de sportif de haut niveau. Il est dans l’action, me cadre, lance des idées. Quand une expo se prépare, il pense au lieu, au commercial, au traiteur... Grâce à lui, je gagne mieux ma vie. » La cote des toiles grand format de l’artiste peut avoisiner les 25 000 euros.
Ancien consultant apprécié de la chaîne L’équipe, de Canal+, RMC puis Europe 1, le natif de Toulon se limite aujourd’hui à une présence hebdomadaire sur RFI pour un débrief de match. « Le mercredi soir, entre un vernissage d’expo et un match de Ligue des champions, je choisis le premier. Sauf, peut-être, si Marseille joue. » Comme il aime dire à ses amis, « il n’y a pas que le foot dans la vie, il y a l’art ». Les galeristes de la capitale qui comptent restent surpris de découvrir son passé en crampons.
Retraité des terrains en 2005, l’ex-attaquant de l’OM, Toulouse et Créteil s’est installé à Paris en 2010 en raison de ses activités médiatiques. « Je suis seul, je découvre alors une ville qui brille de mille feux. Ça change ma vie. » Il écume les galeries, rive droite, rive gauche et banlieue, les vernissages people, les expos underground, les puces de Saint-Ouen. « Je marche dans la ville, je me gave, je regarde. Je suis séduit par le street art. Un wagon de métro couvert de graffs, c’est plus beau qu’un métro nu de la RATP. » Il se passionne aussi pour la folie Invader, ce mystérieux artiste qui appose ses mosaïques pixélisées sur les murs des villes, « l’un des plus grands créateurs du XXIe siècle ».
Depuis 2017, rassuré par de solides investissements immobiliers, l’ancien coéquipier de Rudi Völler et Laurent Blanc peut mener une activité d’agent artistique – « un vrai taf » – sans frein et en pur autodidacte. « Après le foot, il a fallu continuer à vivre. Moi, j’ai trouvé une autre vie », dit celui qui, enfant, entendait ses parents se lever avant l’aube pour aller sur les marchés. Il connaît tant d’anciens pros devenus dépressifs à force de tourner en rond malgré une vie de famille réussie, des maisons, de l’argent... « Moi, j’ai échappé à ça ! » Marc Libbra se démène pour une cinquantaine de collectionneurs. Il les emmène dans les galeries, les musées, leur montre des tableaux, des sculptures, des masques africains, « certains à 3 000 euros, d’autres à 300 000 », et collecte son pourcentage en cas d’achat. « Je suis un relais qui s’adapte à leurs goûts. J’aiguise leur œil, j’excite leur curiosité en fonction des tendances. Je les éduque en leur racontant l’histoire de l’artiste, son évolution. Certains de mes clients sont émus aux larmes devant un tableau. Je ne cherche pas les spéculateurs, ils n’ont pas besoin de moi. »
Lui s’est bâti une solide culture à force d’arpenter les lieux d’art contemporain. « Quand je m’arrête devant une sculpture de Giacometti, je sais à quelle époque il l’a créée, qu’il vivait dans un atelier près de Montparnasse. Dire que ses œuvres valent des dizaines de millions... » Il va bientôt courir aux expos parisiennes dédiées à Mark Rothko (1903-1970) et Nicolas de Staël (1914-1955). Il achète des beaux livres et a hâte de se plonger dans celui consacré au peintre français Jean-Michel Atlan, période 1940-1954. Dès qu’il descend dans le Sud, il fait un détour par la Cité radieuse du Corbusier, à Marseille, ou la villa Noailles, à Hyères, deux sommets de l’architecture et du design du XXe siècle.
Chez lui, il a accroché une œuvre de Doze Green, graffeur américain de légende, et une du plasticien Gérard Zlotykamien. Sa dernière acquisition l’enchante : deux chevets de Pierre Guariche, designer et architecte d’intérieur des années 1950-1960. « Cela donne de l’émotion, c’est le plus important », lance-t-il avant d’avouer un rêve : « Que le béton des villes soit recouvert de fresques murales. Quand je vois un mur peint, je suis heureux. » l clarcher@lequipe.fr
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