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PORTRAIT; Lodi, le roman de Renan; Le latéral gauche de 25 ans sera présenté ce soir au public du Vélodrome en compagnie des cinq autres recrues de l'été. De Paranaense à l'OM, en passant par Madrid et Nottingham, itinéraire d'un garçon discret.
Il est si discret que son arrivée à l'aéroport n'a pas connu le centième de l'engouement qui a accompagné les premiers pas en Provence d'Iliman Ndiaye, la belle histoire du mercato olympien. Tout juste a-t-il eu droit à la traditionnelle photo avec Titi, le supporter qui accueille toutes les recrues à l'aéroport de Marignane. Mais Renan Lodi, méconnu en France malgré un CV très fourni à 25 ans, est l'une des plus grosses prises de l'été en Ligue 1. Pour l'instant, il n'a pas pu démontrer ses compétences, à cause d'une gêne physique.
Ce soir, il découvrira le Vélodrome. Pas assuré de jouer contre le Bayer Leverkusen, il pourrait encore laisser sa place au prometteur Emran Soglo, qui est en train de gagner sa place de doublure. L'ancien de l'Atlético de Madrid a de toute façon été recruté pour régner sur le côté gauche toute la saison, comme il a toujours été programmé à réussir et à devenir professionnel.
Dès son entrée dans l'adolescence, chez les jeunes de l'Athletico Paranaense, le natif de Serrana (État de São Paulo) semble prédestiné à une carrière, comme en témoigne son ancien équipier de l'époque Renzo Ribeiro : "Il avait une discipline de fer, a toujours été un exemple pour nous sur et en dehors du terrain. Il prenait soin de son corps : quand on mangeait en ville et qu'on prenait de l'açai (une baie qui s'ingère en jus ou en granita), il refusait, prétextant qu'il n'avait le droit d'en consommer qu'une fois par mois."
Discipline, humilité, discrétion et larmes de joie
Le latéral gauche physique et offensif, qui a grandi dans une famille simple et chaleureuse, tape immédiatement dans l'oeil de son entraîneur Gustavo Silva, qui l'aura sous la main des U15 aux U20. "C'était un garçon très affectueux, obéissant, humble, à l'écoute, déjà professionnel dans l'âme. Renan a été mon arrière gauche pendant cinq saisons. Il ne marquait pas beaucoup malgré son attrait pour l'attaque. Sur les phases défensives, il était très impliqué et n'a jamais été responsable d'un but encaissé."
Sous les ordres de "Prof" Gustavo, Lodi remporte de nombreux tournois régionaux, nationaux et internationaux. "Le premier que nous avons gagné ensemble fut aux Pays-Bas, en mai 2013. Je le connaissais depuis peu et j'avais été surpris qu'il en pleure de joie", se souvient l'entraîneur. "Il disait souvent qu'il voulait jouer dans le grand stadede l'Athletico, rêvait d'Europe et de sélection brésilienne", poursuit Ribeiro, qui n'a pas oublié non plus les fous rires de son ami Renan devant les gesticulations de leur coach quand il s'énervait. Pas rancunier, Gustavo Silva continue son portrait élogieux : "Il avait cette ambition, certes, mais il ne fanfaronnait pas, il a laissé les choses se faire naturellement. C'était un leader technique mais une personne discrète, pas le genre à être capitaine."
Ses belles années chez les jeunes sont un tremplin pour intégrer l'équipe première. Il s'y impose à 20 ans et joue avec Bruno Guimarães et Lucho Gonzalez. Le champion de France 2010 avec l'OM est enthousiaste à son sujet : "C'est un mec extraordinaire, un phénomène très technique, un petit jeune avec beaucoup d'avenir. À chaque fois qu'il a le ballon, il réussit à prendre une décision positive."
Et s'il n'est pas celui qui a les statistiques offensives les plus impressionnantes (12 buts chez les pros), il prouve dès sa première et seule saison complète dans le club de Curitiba qu'il se sent pousser des ailes dans les grands rendez-vous. Il remporte en 2018 le championnat régional du Paraná et la Copa Sudamericana, l'équivalent de la Ligue Europa. Il fait basculer la demi-finale aller contre le Fluminense avec un but et une passe décisive (2-0), remporte la finale et signe à l'Atlético de Madrid pour environ 22M€.
Lodi commence son aventure en Europe par une exclusion dès son premier match de Liga. On a connu meilleurs débuts, mais le rugueux Diego Simeone ne lui en tient pas rigueur. Il en fera l'un de ses hommes de base pendant trois saisons, même si, par périodes, il quitte le onze titulaire. Grâce à ses performances avec les Colchoneros, il devient international brésilien (16 sélections). "Il a toujours eu l'engagement nécessaire quand on a fait appel à lui, en tant que titulaire ou en cours de match, et nous lui en sommes reconnaissants", disait de lui l'entraîneur argentin avant son départ en prêt à Nottingham Forest.
C'est que Lodi a été déterminant aussi à Madrid. Il est élu homme du match du huitième de finale aller de Ligue des champions 2020 contre Liverpool (1-0, l'Atlético se qualifiera au retour) et crucial au même stade face à Manchester United en 2022 (une passe décisive au Metropolitano, le but de la qualification à Old Trafford). En Liga, il apportera un écot importantissime au dernier titre des Madrilènes, en 2021. Leaders à deux journées de la fin, ils sont menés 1-0 par Osasuna et repassent virtuellement derrière le Real, avant que le latéral gauche n'entre en jeu et n'égalise, puis que Luis Suarez (le vrai) finisse le travail.
Le tacle de Diego Simeone
La fin de l'histoire en Espagne est moins festive : mis sur le banc lors des trois premières journées de la saison 2022-23, Lodi s'impatiente et fait le forcing pour partir. Le Brésilien a la coupe du monde au Qatar dans le viseur et ne veut pas perdre ses chances d'être de l'aventure. Il s'attire les foudres de Simeone : "Certains aiment se battre pour leur place, d'autres préfèrent partir."
Rhabillé pour l'hiver, le défenseur rebondit à Nottingham Forest en prêt mais rate le train de la Seleçao. La mission maintien, mal entamée, est toutefois réussie.
Steeve Cooper, son entraîneur en Angleterre, est dithyrambique : "Il faut avoir conscience de ce que Renan nous a donné, ce qu'il a fait pour le club. Je suis très fier d'avoir travaillé avec lui, j'aurai toujours beaucoup d'admiration pour lui." Le joueur, même s'il a évolué dans le meilleur championnat du monde, a régressé dans son plan de carrière en passant d'un club qui joue la Ligue des champions chaque année à un promu de Premier League.
Lodi de retour à Madrid, l'OM flaire le bon coup et l'achète pour environ 13 millions d'euros. Lucho est persuadé de sa réussite : "Il convient parfaitement à l'OM, et Marseille peut très bien lui convenir de par ses caractéristiques. Il va beaucoup apporter." Son nouvel entraîneur Marcelino, lui, est ravi : "Renan, on le connaît bien, il a participé à la Liga et la Ligue des champions, dans un club exigeant comme l'Atlético de Madrid. Il y a joué beaucoup de matches. C'est un garçon, grâce à son expérience et ses capacités, qui va hausser le niveau sur le côté gauche."
En attendant ses premières minutes sous le maillot blanc (ou bleu), Lodi sera présenté aujourd'hui au Vélodrome, aux côtés de Ruben Blanco, Geoffrey Kondogbia, Ismaïla Sarr, Pierre-Emerick Aubameyang et Iliman Ndiaye. On peut déjà parier que le Brésilien ne recevra pas la plus forte ovation, mais ce n'est pas un problème pour lui : il a toujours préféré avancer dans la discrétion, et cela lui a plutôt bien réussi jusqu'ici.
La Provence