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C'est l'un des derniers matches de Franck Sauzée à l'OM. Quand arrive la finale, on sait qu'il s'est engagé avec l'Atalanta Bergame. Raison de plus de finir en beauté, pour lui, le fan qui, enfant, venait à Marseille en voiture, supporter l'OM, avec son père depuis l'Ardèche. "Je fais partie de ces personnes qui ont eu cet immense privilège de réaliser le rêve de leur enfance. Le mien était obsessionnel, être professionnel et jouer pour mon club de coeur, l'OM", a-t-il écrit dans la préface du livre Les grandes finales de Marseille, paru aux éditions Gaussen en 2022.
Oui, Franck Sauzée tient à parachever en beauté une saison magnifique. Arrivé en 1988, il a déjà fait le doublé en 1989, raflé un nouveau titre en 1990, assorti d'une demi-finale européenne maudite face à Benfica. Après une parenthèse d'un an à Monaco, il est revenu en 1991 mais en n'étant plus un titulaire indiscutable. Il le redevient en 1992, mettant même sa polyvalence au service de l'équipe. À l'automne, comme en équipe de France, il est essayé en défense centrale, Marcel Desailly n'étant pas au mieux.
Avec le retour de Raymond Goethals aux affaires, il repasse au milieu. Définitivement. "Je ne saurais pas me passer de mon meilleur créateur dans le coeur du jeu", dit le "vieux coach". De fait, il va réaliser sa "plus belle saison avec 12 buts en D1, six en coupe d'Europe, dont un triplé en Ligue des champions contre le CSKA Moscou", rappelle-t-il avec fierté. "Je ne suis pas loin des meilleurs buteurs européens cette saison-là." Effectivement, seul Romario a fait mieux avec sept buts pour le Barça et Boksic aussi bien que lui, avec six buts.
Franck Sauzée s'est distingué aussi à Glasgow où, d'une magnifique petite louche, il a offert un but à Rudi Völler. Et il a donné le ton, à l'aller contre le FC Bruges, balayé 3-0, même si, au retour, il est "puni" de façon puérile parce qu'il a choisi de partir en Italie la saison d'après, et qu'il n'est donc pas titulaire lors du retour gagné en Belgique avec une aisance fort étonnante.
La finale se prépare donc tranquillement. "Nous faisons chambre commune avec Éric Di Meco et le plus drôle, c'est que nous évoquons essentiellement le match contre Paris qui arrive le samedi, plutôt que la finale..." Et à Munich, pas de blague, hors de question de s'en passer pour Raymond Goethals. "Les gens ne percevront jamais ce qui se vivait dans un groupe, explique Franck Sauzée. Certains disent : 'Goethals ne servait à rien, c'est Tapie qui faisait l'équipe'. Oui, le Boss adorait le foot et il avait son mot à dire. Mais Raymond, qui lui laissait toujours croire qu'il lui obéissait, faisait ce qu'il voulait, avec son expérience qui était extraordinaire. Le fait qu'il soit parfois en retrait, ça stimulait notre réactivité et nos communications. On s'adaptait tactiquement avant qu'il ne donne ses consignes." Le match se résume finalement à la capacité de résistance d'un OM intelligent. "Tu sors du tunnel, tu vois des murs de supporters, les tiens, c'est fabuleux. Nous ne sommes pas du tout favoris. Mais nous restons une des premières équipes à défendre en avançant, comme Milan qui n'a jamais gagné contre l'OM ces années-là. Je n'ai pas ressenti le traumatisme de 1991. Les choses, il faut les vivre soi-même."
Quitte à les vivre dans une certaine souffrance... "Ce n'est pas une belle finale dans le jeu. Un match cadenassé à la tension insoutenable, où il faut rester concentré, solidaire. Les intellectuels du foot diront toujours que ce n'était pas beau, ils feront la moue, mais il faut avoir été sur le terrain, il faut avoir su lutter comme nous avons su le faire pour comprendre ce que vaut un succès en finale... Sans un grand Fabien (Barthez) en première période, on passe à la trappe. J'ai appris après coup qu'il s'était endormi dans le bus et je suis encore mort de rire. Mais il incarne nos valeurs de base. Contre ce Milan, si tu ne réponds pas physiquement, si tu n'es pas fort dans ta tête, tu te fais hacher. Nous avons résisté, pas accepté la domination de Milan. Cet OM était une équipe de caractère, parfois ça gueulait, on s'attrapait mais nous étions forts mentalement."
Une force accrue par le but de Basile Boli, bien sûr. "Chaque équipe sait que celle qui ouvrira le score aura de grandes chances de l'emporter, n'est-ce pas Basile ? Nous avons fait à Milan ce qu'il faisait souvent aux autres en marquant juste avant la pause. Et on les a assommés. Ils rentrent aux vestiaires en ayant eu quatre occasions, sans en mettre une seule et nous, on a eu du cul (sic), et on les frappe avec ce but à la 44e. Ils se disent : on ne va pas y arriver..." La deuxième période ne va pourtant pas être de tout repos... "On cravache, on se met à la hauteur, tactiquement, du Milan. Les deux équipes jouent sur 40 mètres, misent sur le hors-jeu. Jocelyn Angloma se casse la jambe, je me place un peu plus à droite. La finalité, c'est être champion d'Europe, quitte à souffrir. Le but d'une finale, c'est d'être là le jour J à l'heure H. On est allé le chercher et ça se respecte. Ce Milan AC ! Un truc de malade. C'est un exploit ! Ce n'était pas forcément la meilleure équipe de l'OM mais extraordinaire, en avance sur son temps."
Et puis arrive la fin, la délivrance, avant les honneurs. "L'expérience émotionnelle, ça ne se traduit pas. J'ai encore des frissons en évoquant ce coup de sifflet final. Je m'écroule sur le terrain, je ne tiens plus sur mes jambes. Submergé par l'émotion, je me suis littéralement écroulé sur le terrain. Je n'avais jamais ressenti quelque chose d'aussi puissant. Cet instant est imprimé en moi à jamais."
Trente ans après, Franck Sauzée demeure marqué par cette aventure unique pour notre pays. "Je suis profondément heureux et fier d'avoir pu participer à ces deux finales victorieuses (il a gagné aussi la coupe de France en 1989 avec l'OM), d'avoir pu aider mes coéquipiers à réaliser notre ambition commune, à savoir d'être le premier club français à remporter la Ligue des champions. Je me rends compte aujourd'hui à quel point l'aventure humaine que nous avons connue était extraordinaire. Le football est un immense vecteur d'émotion et de partage. Tout ceci n'aurait pas pu exister si une profonde alchimie ne s'était pas créée entre les amoureux de l'OM et nous-mêmes, les joueurs."
La Provence
Oui, Franck Sauzée tient à parachever en beauté une saison magnifique. Arrivé en 1988, il a déjà fait le doublé en 1989, raflé un nouveau titre en 1990, assorti d'une demi-finale européenne maudite face à Benfica. Après une parenthèse d'un an à Monaco, il est revenu en 1991 mais en n'étant plus un titulaire indiscutable. Il le redevient en 1992, mettant même sa polyvalence au service de l'équipe. À l'automne, comme en équipe de France, il est essayé en défense centrale, Marcel Desailly n'étant pas au mieux.
Avec le retour de Raymond Goethals aux affaires, il repasse au milieu. Définitivement. "Je ne saurais pas me passer de mon meilleur créateur dans le coeur du jeu", dit le "vieux coach". De fait, il va réaliser sa "plus belle saison avec 12 buts en D1, six en coupe d'Europe, dont un triplé en Ligue des champions contre le CSKA Moscou", rappelle-t-il avec fierté. "Je ne suis pas loin des meilleurs buteurs européens cette saison-là." Effectivement, seul Romario a fait mieux avec sept buts pour le Barça et Boksic aussi bien que lui, avec six buts.
Franck Sauzée s'est distingué aussi à Glasgow où, d'une magnifique petite louche, il a offert un but à Rudi Völler. Et il a donné le ton, à l'aller contre le FC Bruges, balayé 3-0, même si, au retour, il est "puni" de façon puérile parce qu'il a choisi de partir en Italie la saison d'après, et qu'il n'est donc pas titulaire lors du retour gagné en Belgique avec une aisance fort étonnante.
La finale se prépare donc tranquillement. "Nous faisons chambre commune avec Éric Di Meco et le plus drôle, c'est que nous évoquons essentiellement le match contre Paris qui arrive le samedi, plutôt que la finale..." Et à Munich, pas de blague, hors de question de s'en passer pour Raymond Goethals. "Les gens ne percevront jamais ce qui se vivait dans un groupe, explique Franck Sauzée. Certains disent : 'Goethals ne servait à rien, c'est Tapie qui faisait l'équipe'. Oui, le Boss adorait le foot et il avait son mot à dire. Mais Raymond, qui lui laissait toujours croire qu'il lui obéissait, faisait ce qu'il voulait, avec son expérience qui était extraordinaire. Le fait qu'il soit parfois en retrait, ça stimulait notre réactivité et nos communications. On s'adaptait tactiquement avant qu'il ne donne ses consignes." Le match se résume finalement à la capacité de résistance d'un OM intelligent. "Tu sors du tunnel, tu vois des murs de supporters, les tiens, c'est fabuleux. Nous ne sommes pas du tout favoris. Mais nous restons une des premières équipes à défendre en avançant, comme Milan qui n'a jamais gagné contre l'OM ces années-là. Je n'ai pas ressenti le traumatisme de 1991. Les choses, il faut les vivre soi-même."
Quitte à les vivre dans une certaine souffrance... "Ce n'est pas une belle finale dans le jeu. Un match cadenassé à la tension insoutenable, où il faut rester concentré, solidaire. Les intellectuels du foot diront toujours que ce n'était pas beau, ils feront la moue, mais il faut avoir été sur le terrain, il faut avoir su lutter comme nous avons su le faire pour comprendre ce que vaut un succès en finale... Sans un grand Fabien (Barthez) en première période, on passe à la trappe. J'ai appris après coup qu'il s'était endormi dans le bus et je suis encore mort de rire. Mais il incarne nos valeurs de base. Contre ce Milan, si tu ne réponds pas physiquement, si tu n'es pas fort dans ta tête, tu te fais hacher. Nous avons résisté, pas accepté la domination de Milan. Cet OM était une équipe de caractère, parfois ça gueulait, on s'attrapait mais nous étions forts mentalement."
Une force accrue par le but de Basile Boli, bien sûr. "Chaque équipe sait que celle qui ouvrira le score aura de grandes chances de l'emporter, n'est-ce pas Basile ? Nous avons fait à Milan ce qu'il faisait souvent aux autres en marquant juste avant la pause. Et on les a assommés. Ils rentrent aux vestiaires en ayant eu quatre occasions, sans en mettre une seule et nous, on a eu du cul (sic), et on les frappe avec ce but à la 44e. Ils se disent : on ne va pas y arriver..." La deuxième période ne va pourtant pas être de tout repos... "On cravache, on se met à la hauteur, tactiquement, du Milan. Les deux équipes jouent sur 40 mètres, misent sur le hors-jeu. Jocelyn Angloma se casse la jambe, je me place un peu plus à droite. La finalité, c'est être champion d'Europe, quitte à souffrir. Le but d'une finale, c'est d'être là le jour J à l'heure H. On est allé le chercher et ça se respecte. Ce Milan AC ! Un truc de malade. C'est un exploit ! Ce n'était pas forcément la meilleure équipe de l'OM mais extraordinaire, en avance sur son temps."
Et puis arrive la fin, la délivrance, avant les honneurs. "L'expérience émotionnelle, ça ne se traduit pas. J'ai encore des frissons en évoquant ce coup de sifflet final. Je m'écroule sur le terrain, je ne tiens plus sur mes jambes. Submergé par l'émotion, je me suis littéralement écroulé sur le terrain. Je n'avais jamais ressenti quelque chose d'aussi puissant. Cet instant est imprimé en moi à jamais."
Trente ans après, Franck Sauzée demeure marqué par cette aventure unique pour notre pays. "Je suis profondément heureux et fier d'avoir pu participer à ces deux finales victorieuses (il a gagné aussi la coupe de France en 1989 avec l'OM), d'avoir pu aider mes coéquipiers à réaliser notre ambition commune, à savoir d'être le premier club français à remporter la Ligue des champions. Je me rends compte aujourd'hui à quel point l'aventure humaine que nous avons connue était extraordinaire. Le football est un immense vecteur d'émotion et de partage. Tout ceci n'aurait pas pu exister si une profonde alchimie ne s'était pas créée entre les amoureux de l'OM et nous-mêmes, les joueurs."
La Provence