Information
Ligue 1. Marseille - Brest, samedi (21 h). Éric Roy a porté durant trois saisons le maillot de l’OM. Le match mythique contre Montpellier, la Coupe d’Europe… Il revient sur cette expérience.
Éric, vous débarquez à l’OM en 96, alors que le club vient juste de remonter après deux ans en D2. Pourquoi ce choix ?
Je suis le premier joueur à signer, j’arrive de Lyon. Il y avait un nouveau projet, et on sait ce que représente Marseille… C’était un challenge qui m’intéressait, mon père (Serge Roy) y avait joué en plus (en 1962-63). Derrière, Gravelaine, Pedros, Letchkov et Kopke arrivent. C’est une année de reconstruction, c’est une saison avec des hauts, des bas, on aurait pu faire mieux à mon avis (l’OM terminera 11e). On attendait beaucoup de Letchkov, mais il a été pratiquement absent toute la saison. Et on avait aussi des joueurs comme Franceschini ou Malusci, qui n’étaient pas forcément taillés pour l’OM à ce moment-là.
La saison suivante, Blanc, Dugarry, Maurice, Ravanelli arrivent, et il y a ce match contre Montpellier fin août (5-4)…
Quand je vais à Marseille, je suis toujours bien reçu (rire). J’ai laissé une bonne image, de bons souvenirs, et ce match est mythique. C’était en début de saison, on avait des objectifs, mais on se retrouve mené 0-4 à la mi-temps. Le Vélodrome est plein, et 10 000 personnes s’en vont à la pause.
Comme on connaissait le contexte marseillais, on s’est regardé dans le vestiaire, on se demandait comment on allait réussir à sortir du stade. Il n’y a que Rolland (Courbis) qui y croyait. Il nous a dit : « Si on marque les premiers, on peut gagner ». On s’est dit : « olland, il a fumé ! » En plus, on aurait pu prendre un cinquième but en début de deuxième mi-temps. Mais après, ça s’est enchaîné, comme dans un rêve. Dugarry est entré, il marque. On est à 2-4 à la 65e, mais on était sûr qu’on allait gagner (Roy égalisera à 4-4 à la 84e), et eux étaient sûrs de perdre. Les gens étaient fous !
Cette saison 1998-99, c’est un mano a mano avec Bordeaux…
C’était une très bonne équipe, entraînée par Élie Baup, qui est un copain. Il y avait Pavon, Benarbia, Micoud, Laslandes, Wiltord… On a aussi perdu des matches importants pour gagner ce titre, et on prend 4-1 là-bas…
Le titre se joue lors de la dernière journée. Vous battez Nantes, mais Bordeaux gagne au Parc…
Ah, ce fameux match entre Bordeaux et Paris… On avait l’impression qu’il n’y avait que Bernard Lama qui jouait (rire). Les supporters parisiens étaient contents quand Bordeaux marquait… Mais on aurait dû gagner le titre avant.
« OK, Luccin - Dalmat, mais qui va récupérer les ballons ? »
Votre fin de saison est gâchée par une blessure…
Je joue sur une jambe, j’ai mal à un genou, je ne sais pas d’où ça vient. Et les deux derniers mois, je ne joue plus du tout. C’est une saison très frustrante, car cette blessure aurait pu être soignée en quinze jours. Ça m’a gâché les deux mois les plus importants de ma carrière : on jouait le titre, et une finale de Coupe d’Europe.
Que retenez-vous de ce parcours en Coupe de l’Uefa ?
J’ai joué le quart aller sur une jambe contre le Celta Vigo. Après, je suis blessé. Ensuite, il y a la bagarre générale lors de la demi-finale retour contre Bologne, et on perd quatre ou cinq joueurs sur suspension. Après, c’est Parme en finale (défaite 3-0), face à Boghossian, Buffon, Thuram, Cannavaro, Veron, Crespo… Mais au complet, on aurait peut-être pu défendre nos chances…
En fin de saison, Rolland Courbis vous annonce qu’il ne compte plus sur vous…
Rolland aimait bien faire des projections. Il fait une colonne avec les joueurs qu’il veut garder, une colonne des joueurs transférables, et une colonne des joueurs qui doivent partir. Moi, je suis dans cette colonne. Je ne dis rien, je revenais de blessure… Puis il m’appelle pendant l’été, il y avait déjà Peter Luccin au milieu, et me dit : « On a pris Dalmat pour jouer avec Luccin devant la défense ». L’air de dire il n’y a pas de place pour toi… Je m’en souviens très bien : j’étais dans mon bain (rire) ! Quand il me dit ça, je lui réponds : « OK, Luccin - Dalmat, mais qui va récupérer les ballons ? (rire) »
Vous lui en avez voulu ?
Trois mois après, Rolland se fait virer ! On était un petit peu en froid, même si on avait une très bonne relation au départ. J’ai recroisé Rolland un ou deux ans après, il me dit (Roy prend l’accent marseillais) : « Je n’ai pas été très bon à l’intersaison. Les entraîneurs, ils sont comme les joueurs, des fois ils sont bons, des fois ils ne sont pas bons ! » J’étais un peu en colère contre lui, mais je ne pouvais plus être fâché.
Cette fin d’aventure vous a déçu ?
Non, j’étais focalisé sur mon genou. Rolland m’avait dit : « Je n’ai pas pu compter sur toi quand j’en avais besoin. » Je peux comprendre : dans les clubs de haut niveau, s’il y a un doute sur ton état physique… Je pars en Angleterre, à Sunderland.
Mais ça n’a pas été une fin, j’ai toujours des relations là-bas : il y a des capos de supporters qui m’envoient encore des messages. Cette saison, ils m’ont dit qu’il fallait battre Monaco (rire), et je leur ai dit qu’on ferait le maximum. J’en ai reçus avant le PSG aussi, quand on prend le but à la dernière minute. J’ai vécu de grandes émotions là-bas : quand tu joues au Vélodrome, c’est intense, énorme. Ça marque !
Que retenez-vous de votre expérience marseillaise ?
J’ai fait trois saisons pleines. Mais je rate les derniers mois les plus importants : l’année où tu joues le titre, que tu peux gagner une Coupe d’Europe, que tu es titulaire indiscutable, mais que tu rates la fin… Ça a été une grande frustration. J’étais présent à la finale à Moscou (contre Parme), mais tu n’es pas dans le truc. Psychologiquement, ça a été dur à vivre.
Ouest France