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Vitinha, recrue d’or et de platine
Transfert le plus onéreux de l’histoire de l’Olympique de Marseille avec 32 millions d’euros bonus compris, l’arrivée de Vítor Manuel Carvalho Oliveira dit Vitinha suscite la curiosité et l’espoir de tout le peuple phocéen. Mais que vaut vraiment l’ancien attaquant de Braga sur un terrain de football ?
À deux jours d’affronter l’OGC Nice dans un derby de la Méditerranée de plus en plus chaud au fil des saisons, le thermomètre du Vélodrome pourrait bien encore grimper de quelques degrés à l’entrée de son nouveau numéro 9, Vitinha. L’arrivée de l’avant-centre de 22 ans étant la dernière offrande hivernale offerte par le président Longoria aux siens après Ruslan Malinovskyi et Azzedine Ounahi. Paradoxalement, si l’Ukrainien et le Marocain détenaient une renommée supérieure à celle du dernier venu à leur arrivée, c’est bel et bien le Portugais qui semble catalyser toutes les attentes. Décrit comme « exceptionnel » par l’ancien sélectionneur du Portugal Fernando Santos, qui l’avait d’ailleurs préconvoqué pour la Coupe du monde au Qatar, le parcours de celui qui a grandi sur les bords du Douro à Cabeceiras de Basto dans le nord du pays n’a pourtant pas été un long fleuve tranquille. Arrivé dans le football de haut niveau sur le tard, Vitinha est loin de l’archétype du crack portugais qui pullule en Europe actuellement. Alors qu’il n’a pas fait de centre de formation et qu’il a connu une ascension à deux vitesses, après 9 sélections en équipes de jeunes portugaises, il a rapidement été envoyé en U23 à son arrivée à Braga alors qu’il n’avait que… 17 ans. Une éclosion inattendue qu’il doit en partie à ses envies débordantes de réussite et de progression qu’a parfaitement résumées sur RMC l’actuel défenseur du SCB et ancien pensionnaire de l’OM Rolando: « Il est arrivé dans le football professionnel il n’y a pas longtemps. Il avait 18 ans à son arrivée à Braga, avant il était dans un petit club de village. Et on voyait qu’il avait l’envie, la dalle… » Alors, après s’être battu pour réveiller l’Estádio Municipal de Braga, Vitinha s’attaque désormais à l’un des volcans les plus chauds d’Europe..
Chasseur de prime
La première caractéristique qui sautera certainement aux yeux des spectateurs qui auront la chance d’observer les premières minutes de celui qui aura 23 ans dans un mois sous la tunique marseillaise devrait se trouver dans sa débauche d’énergie et son volume de jeu sans ballon. Véritable machine à efforts, le Portugais ne se ménage pas défensivement à l’image d’Alexis Sánchez. Un atout qui a forcément séduit Pablo Longoria, très précautionneux dans la sélection des profils ciblés pour renforcer son équipe, et qu’Igor Tudor saura apprécier et intégrer dans son pressing pour pousser encore un peu plus ses adversaires dans la machine à laver. Rolando, encore: « C’est un joueur qui presse beaucoup, qui joue vers l’avant, qui ne s’arrête jamais… » Une chasse qui, en plus de faciliter la protection de ses bases arrière, lui offrira en plus fatalement de quoi manger devant.
Toutefois, le néo-attaquant de l’OM n’est pas un défenseur unilatéral qui ne défend qu’en avançant. S’il préfère courir dans le sens du but comme tout joueur de foot normalement constitué, il est aussi très précieux pour se replier et effectuer certaines courses salvatrices inespérées pour prêter main forte à ses collègues en transition. Faculté qui témoigne fatalement d’un caractère dévoué et hargneux, qui trouvera forcément sa place dans un groupe phocéen où tout le monde attaque et, donc, où tout le monde défend. Pour preuve, sur la dernière année civile, Vitinha se situe dans le top 3% des attaquants qui effectuent le plus de tacles en zone défensive par rapport aux cinq grands championnats.
La belle…
Pour permettre à son Sporting Clube de Braga de pointer à la deuxième place du classement derrière Benfica, Artur Jorge a installé un 4-4-2 à son arrivée l’été dernier. Aux avant-postes, l’entraîneur lusitanien pouvait notamment compter sur Abel Ruiz ou Simon Banza pour accompagner son phénomène maison. Les deux premiers étaient alors missionnés pour occuper la surface et fixer les défenseurs adverses quand Vitinha lui était plus mobile. Corde d’autant plus précieuse à son arc quand on sait qu’il semble plutôt apprécier participer au jeu – bien qu’il ne soit pas encore Harry Kane -, ce qui lui a notamment permis d’offrir 9 passes décisives toutes compétitions confondues à ses partenaires sur la dernière année et demie écoulée. Alors qu’il était le deuxième numéro 9 de son numéro 99 à Braga, celui qui ne se voyait nulle part ailleurs qu’à Marseille va devoir s’intégrer dans un système immuable qui ne comporte qu’une seule pointe. Même s’il sera bien soutenu par les deux joueurs présents derrière lui dans le 3-4-2-1 de Tudor, adaptation et innovation seront certainement nécessaires pour les deux parties au vu de la différence de profil entre Alexis Sánchez et le Portugais. Le Chilien étant plus apte à conserver dos au but, se retourner et servir, quand son nouveau coéquipier doit encore progresser sur sa première touche et semble malgré tout s’épanouir proche de la surface ou lancé droit au but en profondeur vers celle-ci.
En plus d’être un joueur mobile, le nouveau buteur olympien est aussi un dribbleur efficace. Pourtant pas particulièrement esthétique lors de ses chevauchées, Vitinha est sur les 365 derniers jours dans les 2% des attaquants qui tentent le plus de dribbles (5 par match environ) et parmi le pourcentage le plus haut de ceux qui en réussissent le plus (3 par match environ), parmi les cinq grands championnats. En plus de disposer d’une certaine aptitude à éliminer en mouvement, particulièrement lorsqu’il est lancé, celui que l’on compare à Erling Haaland au Portugal peut notamment compter sur sa puissance et sa densité physique impressionnante pour prendre l’ascendant au duel.
… et la bête
Dans la zone de vérité, Vítor Oliveira dispose d’une palette large, en témoignent ses statistiques sur les derniers mois : 14 réalisations en 38 rencontres toutes compétitions confondues pour son premier exercice professionnel la saison passée, 13 en 27 jusqu’ici cette année… Vitinha sait marquer des buts et peut compter sur une caractéristique très forte pour y parvenir : sa qualité de frappe. Capable de tirer fort et de cadrer un volume important de ses tentatives, l’attaquant portugais dispose d’une munition rare pour transpercer sa cible. Avec 53% de tirs cadrés depuis un an, il est dans le très haut du panier des attaquants qui cadrent le plus en Europe (top 3%). Il est aussi un rôdeur redoutable pour profiter des erreurs défensives du portier ou de ses gardes, situation qu’il devrait cependant retrouver de moins en moins au fil de sa progression et de l’adversité croissante. Enfin, il est aussi un joueur de tête menaçant. Alors qu’il ne se démarque pas particulièrement au nombre de duels aériens remportés dans le jeu, il est régulièrement décisif devant le but grâce à ses 183 centimètres et à une détente électrique. Au grand dam de l’AS Monaco qui s’est vu sanctionner d’un coup de caboche de l’attaquant portugais la saison passée en huitièmes de finale de Ligue Europa. Néanmoins, c’est son triplé sur la pelouse de l’Union saint-gilloise en C3 cette saison qui constitue sa référence européenne ainsi qu’une belle synthèse de sa polyvalence devant le but. Un du droit – son pied fort -, un du gauche, un de la tête, et le tour est joué.
Au-delà du joueur relativement complet, mais encore perfectible qu’il est, Vitinha semble être dans la catégorie des attaquants au flair particulier. L’ancien joueur de Braga est un vrai prédateur qui peut particulièrement faire parler la poudre quand il laisse place à son instinct, notamment lorsqu’il arme à 20 mètres. Cette saison, il totalise d’ailleurs 7,5 expected goals en Primeira Liga et en Ligue Europa pour 11 buts. La preuve d’une surperformance qu’il doit à sa qualité pour conclure des situations périlleuses et spectaculaires qu’il célèbre souvent par une glissade sur les genoux, à l’image du joueur qu’il est : brutal. « C’est un joueur comme aiment les supporters de Marseille. Il mouille le maillot et ne s’arrête jamais. Il donne tout ce qu’il a », déclarait Rolando cette semaine après avoir côtoyé le nouveau phénomène phocéen pendant deux ans. Le featuring entre Vitinha et l’OM semble donc être une évidence. Celui qui parle déjà quelques mots de français grâce à une partie de sa famille déjà présente dans l’Hexagone est attendu, apprécié et célébré, mais une seule vérité triomphera, celle du terrain. L’heure est donc arrivée de confirmer ses belles promesses dans un cadre différent que le cocon national au sein d’un championnat plus compétitif. Première étape ce dimanche où il affrontera l’OGC Nice d’un certain… Terem Moffi. Première piste d’un Pablo Longoria qui souhaiterait forcément voir sa nouvelle conquête briller face à celle qui lui a mis un râteau.