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Paroles d'ex - Boksic : « Le plus beau moment de ma carrière»
L'ancien attaquant croate Alen Boksic garde un souvenir à part de la victoire marseillaise contre le PSG, le 29 mai 1993.
« Suivez-vous toujours les matches de l'OM ?
De manière générale, je suis assez peu le foot, aujourd'hui. Mais depuis qu'il y a Igor Tudor (entraîneur de l'OM depuis juillet), oui, je regarde les résultats. Je n'ai pas vu tous les matches, parce qu'il fait beau ici (à Split), et j'en profite (rires). Dans un mois ou deux, j'aurai froid et je regarderai tout
Et vous allez à Marseille, parfois ?
Oui, bien sûr. J'aime y aller, j'y retourne de temps en temps. C'était vraiment beau, là-bas, le climat, le club, le public, le stade aussi, encore plus maintenant qu'il a été refait (depuis 2014), tout m'a plu. C'est la seule ville de France qui vit à ce point pour le foot. En Italie, c'est souvent le cas, mais en France, je pense que c'est unique. Après, ça change vite, dans le foot.
Il y a quatre ans, on a fêté les vingt-cinq ans de la victoire en Ligue des champions (1993). On était tous invités au Vélodrome. Je vais au stade, ils jouaient la dernière journée de Championnat contre Amiens. Avant le match, on va sur la pelouse, le public nous applaudit, puis l'échauffement commence, alors on va s'asseoir en tribune.Je suis avec (Jocelyn) Angloma et (Basile) Boli. Et juste à côté de nous, il y avait (Adil) Rami, qui était suspendu. Et là, tous les gamins qui venaient voulaient la photo de Rami ! Ils ne me voyaient même pas. Et je me disais : "Oh, et nous ? On est quoi, trois abrutis ?" (rires). Même Boli, ils ne le calculaient pas, ils passaient devant comme si c'était un siège vide ! Le foot, ça passe très vite. Les jeunes devaient se dire : "C'est qui ces trois papys à côté de Rami ?"
L'OM, ce sont de beaux souvenirs, non ?
Superbes. À l'époque, c'était le club le plus en avance, à tous les niveaux, avec l'AC Milan. Avec Marseille, par exemple, je n'ai jamais pris un avion de ligne. Ce n'était que des vols privés. Et nous étions en 1992 ! (Bernard) Tapie était un phénomène. Tant de gens le critiquaient, ils disaient que c'était un personnage trop encombrant pour un entraîneur ou pour les joueurs. Mais, au fond, il a été le père de tous. Il était capable de tirer le meilleur de chacun d'entre nous, et peut-être même un peu plus. Il avait un enthousiasme impressionnant, il était très intelligent et très malin. Il avait compris comment cela fonctionnait, même avec les joueurs d'ailleurs. Il valait mieux ne pas être trop mauvais (rires).
Sinon, il intervenait ?
Tu pouvais rater un match, disons. Mais un seul. Une fois, il m'a appelé. C'était en avril (1993), j'avais été bon et marqué une quinzaine de buts en Championnat, trois ou quatre autres en Ligue des champions, j'étais plutôt content. C'était avril, donc, et j'attendais déjà juin pour aller à la plage en Croatie. J'étais blessé, j'avais pris un coup sur le pied et j'avais même une petite fracture du métatarse. J'ai joué un match très important chez nous contre les (Glasgow) Rangers (1-1), j'ai été mauvais. Le match d'avant, déjà, à Nantes, on avait gagné 2-0, j'ai mis deux buts mais je n'avais pas été bon, j'avais marqué seulement parce qu'on était vraiment plus forts que les autres. Je ne courais pas, j'avais vraiment mal au pied. Puis après Glasgow, on joue à Saint-Étienne (2-0) où j'ai encore été mauvais
Le soir même, le téléphone sonne à la maison. Je me lève, je décroche : "Bonsoir Alen, c'est ton président." Je réponds : "Oh, bonsoir président, comment ça va ? " Et là, mon Dieu, il se met à crier : "Je ne t'appelle pas pour que tu me demandes comment je vais, on s'en fout de comment je vais ! Mais toi comment tu vas ?" Je réponds que ça va. Il continue : "Non, ça ne va pas, ça fait trois matches que tu es nul ! " Je lui dis : "Président, j'ai mal au pied." Le docteur ne le lui avait pas dit, évidemment. Il me dit : "T'as fait une radio ? Non ? Alors tu la fais cette semaine, tu t'entraînes comme tu veux ou tu ne t'entraînes pas, mais samedi, pour le match, je veux que tu sois bon !"Le lendemain, je fais une radio, il y avait bien une fracture, mais bon, elle était là depuis trois semaines. Alors ensuite, j'ai serré les dents, je me suis bougé, et à chaque match de Championnat, j'ai mis un but. J'ai marqué aussi à Bruges (1-0). Le seul match où je n'ai pas marqué, c'est la finale (de Ligue des champions, 1-0 contre l'AC Milan). Mais sans ce coup de fil, je restais tranquille à 15 buts et je me cachais jusqu'aux vacances. Je suis arrivé à 23 buts, parce qu'il m'avait donné la bonne motivation. C'est toute l'importance d'un club, d'un président.L'entraîneur aussi était un personnage...Oui, même si des fois on n'était pas sûr de qui était l'entraîneur, parce que Tapie était président et entraîneur à la fois. (Raymond) Goethals (entraîneur de l'OM de 1991 à 1993) avait de l'expérience, alors il savait comment survivre dans ce club (rires). Il était là, toujours à fumer, comme l'inspecteur Columbo. Au début de la saison, il ne croyait pas complètement en nous. (Marcel) Desailly était arrivé de Nantes, moi de Split. L'entraîneur a dit : "Mais on va aller où avec ces gamins ? On ne gagne pas la Ligue des champions avec des gamins !" Il ne croyait pas que je pourrais remplacer Papin, il se plaignait au président. Et à la fin, on a gagné.
Quel est le joueur le plus fort avec lequel vous avez joué ?
Je n'ai jamais joué avec lui, je me suis seulement entraîné, mais c'était Chris Waddle, sans aucun doute. Il faisait de ces choses... Rappelez-vous le match contre l'AC Milan (1-0, en 1991), c'est le seul joueur qui a rendu fou Paolo Maldini de toute sa carrière ! Et c'était le Maldini de la grande époque, il avait 25 ans et des jambes de feu. Je suis amoureux de Waddle, un talent fou et un super mec. Il est parti de Marseille à Sheffield (en 1992), donc il n'était plus là en 1993. Mais avant la finale, il est venu avec nous au vert, pendant cinq jours, à l'hôtel, il s'entraînait avec nous. Parce qu'il était important. Aujourd'hui, vous imaginez un joueur d'un autre club venir au vert avec une équipe avant une finale de Ligue des champions ? Pour moi, c'est le plus fort de tous, et je l'ai toujours trouvé très sous-estimé. Même si son transfert de Tottenham à l'OM avait coûté cher (*).
Le joueur le plus fou que vous avez côtoyé ?
Pascal Olmeta. Un mec en or, et un animal aussi. Quand on a joué l'AC Milan, c'est (Fabien) Barthez qui jouait. Mais lui est allé le voir avant le match, il l'a encouragé, il l'a mis en confiance. Alors qu'il avait perdu sa place en cours de saison, il avait débuté comme titulaire puis Barthez, qui arrivait de Toulouse, a fini par jouer. Je ne sais pas qui a décidé, d'ailleurs, mais sans doute pas Goethals (rires).
Votre plus belle saison ?
Pour moi, Marseille (1992-1993), ce sont les deux plus belles années de ma vie. En Italie (il a ensuite joué à la Lazio Rome et à la Juventus Turin), c'était différent, le plus important était de ne pas perdre, le match nul leur allait aussi, donc tu peux jouer tous derrière et ce n'est pas grave. C'est une autre culture, avec beaucoup de travail. Alors oui, il faut travailler mais bon... En France, en deux ans, je n'ai jamais eu une seule courbature ! En Italie, j'en avais tout le temps, je me souviens des préparations d'avant-saison, tous les matins tu marches comme un grand-père pendant cinq ou dix minutes. En France, jamais !
Le plus beau match ?
C'est aussi le plus beau moment que j'ai vécu dans le football. C'était trois jours après la victoire à Munich, le match contre le Paris-Saint-Germain au Vélodrome (le 29 mai 1993). On avait un point d'avance, la victoire était à deux points, c'était l'avant-dernière journée. On avait fait un peu la fête après Munich, mais bon. On arrive au stade, il est plein à craquer. Le match commence, Paris marque, 1-0 pour eux. Puis Rudi Völler égalise d'un but venu de nulle part et là...Les quinze minutes qui ont suivi, si ç'avaient été les seules que j'avais vécues de ma carrière, elles m'auraient suffi. Une folie pure, on a marqué le 2-1 sur un but de Boli, c'était incroyable (puis Alen Boksic marque le troisième but). C'est le seul moment de ma vie où j'ai vraiment ressenti le douzième homme. Et on n'était pas douze, on était 40 000. Eux, ils étaient onze, ils n'avaient aucune chance. Je suis content d'avoir vécu ça, c'était superbe. »
L'Equipe