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LIVRE; "Ma gloire, c'est Marseille "; La sortie, aujourd'hui, de "Mémoires d'hOMme", écrit avec Jean-Marie Lanoë, nous transporte dans les années de Basile Boli dans la cité phocéenne, à travers un voyage onirique en TGV puis en ballon. Une sincérité touchante et une nostalgie joyeuse
Basile Boli est débordé. Ça ne lui arrivait guère, voire jamais quand il jouait. Mais il a changé de terrain et, à compter d'aujourd'hui, il promeut "Mémoires d'hOMme", son livre de souvenirs, qui, pourtant, se dévore, se savoure, se relit, sans besoin de publicité. Mais on le sent intimement impliqué dans cet ouvrage plein d'amour pour Marseille, pour Bernard Tapie et finalement pour tous les gens qu'il a fréquentés ici, ayant fait le choix de laisser les nuages ailleurs. Basile a la nostalgie joyeuse. Et contagieuse...
Basile, comment est née l'idée de ce livre de souvenirs olympiens ?
C'est parti d'un coup de fil de Stéphane Tapie pour me dire d'aller voir son père. Je lui réponds que ce n'est pas possible parce que l'OM a un match de coupe d'Europe auquel je dois assister, mais il insiste en m'expliquant que ça ne va pas fort et qu'il vaut mieux que j'aille vite le voir avant qu'il ne soit trop tard. Je me rends donc rue des Saint-Pères, Sophie m'accueille et je vois Bernard. Là, je vis une rétrospective de mon vécu avec cet homme, qui a été exceptionnel à la fin de sa vie, parce qu'il a donné à des gens un punch inouï en combattant ses trois cancers.
Jean-Marie Lanoë pour l'écrire, c'était un choix évident pour vous...
Je l'avais eu deux mois avant au téléphone parce qu'il prenait sa retraite de France Football. Il avait encore des séquelles de Furiani, je lui remontais un peu le moral et je lui ai demandé de m'accompagner dans ce trajet peu commun. J'avais envie de parler de Tapie, de Marseille, comment cette ville m'a enrichi.
Sans cette amitié, cette complicité, vous seriez-vous à ce point lâché ?
Non. Je ne pense pas. J'avais eu d'autres propositions avec de grosses maisons d'édition, mais je ne le sentais pas. Je voulais avoir quelqu'un qui me connaissait bien. J'aurais pu le faire aussi avec vous parce qu'il me fallait être en confiance. Jean-Marie m'a suivi depuis les jeunes à Auxerre et nous sommes liés par Furiani aussi.
L'originalité de la forme, c'est le récit à travers ce rêve onirique dans le TGV où un passager vous fait découvrir le poète marseillais André Suares.
L'angle était très important. Dans ce TGV, je rencontre mes racines, dans les profondeurs de cette p... de ville qu'est Marseille... Vous vous appellez Mario Albano, vous êtes né à Marseille, personne ne peut dire que vous n'êtes pas français. Et pourtant, vos racines, elles sont ailleurs. C'est la force, la diversité de cette ville qui est sa richesse et j'ai voulu raconter le lien que j'ai avec cette ville, à travers ce prisme. Cette richesse qui permet aux gens de dire : "Je viens de là-bas, mais je suis d'ici". Par André Suares et Philippe Caubère, l'imprévu me rend plus marseillais que jamais. J'ai découvert par exemple la religion copte égyptienne à Marseille. Et pourtant, Paris est riche de diversité, j'aurais pu le faire là-bas. Tout cela m'a ramené à mes racines africaines.
Vous évoquez aussi votre amour pour la ville, avec ces balades dans des quartiers du centre, des lieux que des hommes d'ici, comme Éric Di Meco ou Éric Cantona, voire Pape Diouf vous ont fait découvrir. Alors qu'on a l'impression qu'aujourd'hui, les joueurs, à Marseille ou Paris, ne sortent pas de leur ghetto doré.
Moi, ce n'était pas ça, le Cours Ju, j'y passe encore pour m'acheter un 501 ou aller dans un de mes trois petits restos, un Sénégalais, un Arménien, un Ivoirien.
Ce qui est marquant, c'est le mélange de moments de grande émotion et ceux de grosse rigolade. Une nostalgie joyeuse.
Exactement. Une nostalgie joyeuse...
Il est dommage qu'il n'y ait pas de photos : vous voir au réveillon chez Eydelie, avec la perruque de Tina Turner, chantant "What's Love Got to do" avec le string de votre femme sous la robe, ça serait spectaculaire...
S'il vous plaît !... Laissons plutôt travailler l'imagination ! Vive la lecture ! De nos jours, on est envahi par les images en trente secondes, laissons un peu vagabonder l'esprit...
Au-delà des rires que peuvent susciter certaines anecdotes, comme la bonne biture des internationaux olympiens (sauf Papin, toujours sobre), à Paris avant un match des Bleus ou le valium dans le verre de Raymond, pour pouvoir faire le mur, on se dit que votre solidarité, votre force collective sur le terrain, elles puisaient leur ciment dans ces moments de complicité...
Évidemment ! Si vous n'êtes pas copains, vous ne pouvez pas aller à la guerre ! Il n'y aura pas cette solidarité, cette envie d'aller gagner ensemble. Il y avait entre nous une forte intimité. Comme avec Chris Waddle. Nous sommes restés en contact.
Le personnage central de vos années marseillaises, c'est Bernard Tapie, de vos premiers échanges houleux à Auxerre, jusqu'à votre dernière étreinte à Paris, peu avant sa mort, en passant par les matches ou votre visite en prison...
Pendant ces trois dernières années, alors qu'il était malade, c'est là que je l'ai fréquenté le plus. Ça m'a donné un autre aspect de l'être humain, avec cette force incroyable face à la maladie. "J'ai le cancer, oui mais c'est moi qui bouffe le crabe, c'est pas lui qui me bouffe." Quelle volonté de se lever le matin, de marcher, de vivre ! Quand j'étais joueur, il était mon patron, là, j'ai découvert l'être humain.
Il faut vous accorder cette honnêteté intellectuelle: malgré votre amour filial pour Tapie, vous n'hésitez à évoquer vos doutes sur certains matches et pour VA-OM vous n'êtes pas du tout dans le déni comme le sont encore beaucoup de Marseillais. Mais la triche n'altère pas votre amour pour lui, pour l'OM, pour Marseille.
Exactement, c'est un être humain. C'est tout. Ces affaires font partie de notre histoire. Je pourrais lui en vouloir parce qu'on n'a pas fait la coupe intercontinentale, que ma carrière a changé à cause de ça. Mais on ne peut refaire l'histoire : si Vata n'avait pas mis la main, l'OM allait en finale en 90, si Pixie (Dragan Stojkovic) avait joué plus tôt, on aurait peut-être gagné en 91, à Munich, est-ce que je marque si je ne suis pas blessé ? Tout est anecdotique, l'histoire est telle qu'elle est. Nous aurions dû battre Valenciennes dix fois. Après il y a une connerie qui est faite, parce que Glassmann ce n'était pas le meilleur stoppeur de France, VA avait encaissé 39 buts, on n'avait pas besoin de ça pour les déstabiliser.
C'est volontairement que vous ne parlez pas des gens que vous n'aimez pas ou vous avez oublié les mauvais souvenirs ? Vous avez des mots gentils, admiratifs ou affectueux pour tout le monde : Gérard Gili, Franz Beckenbauer, Raymond Goethals, Jean-Pierre Papin, Pape Diouf, Éric Di Meco, le kiné Alain Soultanian, Mireille la lingère...
Il faut prendre le meilleur. Le départ de Carlos Mozer m'a fait beaucoup de mal, il m'a fait progresser de 30 % dans mon jeu, notamment dans la relance, et il est parti fâché avec le club. Je ne raconte pas non plus quand le professeur Saillant, que je suis allé voir après la finale de Bari me dit : "Tu ne pourras pas jouer encore plus d'un an, avec ton genou gauche, c'est fini." J'ai voulu éviter ce qui est négatif. J'ai joué huit ans à Auxerre, j'ai marqué deux buts, à l'OM, j'en ai mis 30 en quatre saisons. Ma gloire, c'est Marseille. Alors, je garde le positif.
Il y a des artistes qui ont eu un tube unique dans leur carrière et leur vie semble ne pas exister en dehors de ce succès unique. Vous avez une superbe carrière en club, en équipe de France, des titres multiples, vous n'êtes pas juste l'homme d'un seul geste. Mais ce but de Munich, c'est un apogée qui vous colle à la peau. Jusqu'au joli film "Marseille" de Kad Merad et Patrick Bosso où vous jouiez Basile Boli qui essaie de redonner la mémoire à Valentino Valentini...
Trois jours après Munich, je marque le plus beau but de ma vie contre le PSG, un autre coup de tête mais de vingt mètres. Je le préfère dix fois à celui de Munich. Mais je serai toujours identifié à cette tête de Munich et à Marseille. On ne peut pas me l'enlever, je ne peux pas me l'enlever moi-même.
Il n'y a pas de quoi vous l'ôter. Il y a des gens dont se souvient pour de mauvaises raisons. Vous, vous pouvez être fier de but...
Il vaut mieux : on m'en parle tout le temps...
Et si un jour, les gens ne vous reconnaissent plus dans la rue à Marseille, ce sera triste ?
Pas du tout. Ils m'ont tellement donné, tellement donné... C'est moi qui leur en doit encore...
Basile Boli est débordé. Ça ne lui arrivait guère, voire jamais quand il jouait. Mais il a changé de terrain et, à compter d'aujourd'hui, il promeut "Mémoires d'hOMme", son livre de souvenirs, qui, pourtant, se dévore, se savoure, se relit, sans besoin de publicité. Mais on le sent intimement impliqué dans cet ouvrage plein d'amour pour Marseille, pour Bernard Tapie et finalement pour tous les gens qu'il a fréquentés ici, ayant fait le choix de laisser les nuages ailleurs. Basile a la nostalgie joyeuse. Et contagieuse...
Basile, comment est née l'idée de ce livre de souvenirs olympiens ?
C'est parti d'un coup de fil de Stéphane Tapie pour me dire d'aller voir son père. Je lui réponds que ce n'est pas possible parce que l'OM a un match de coupe d'Europe auquel je dois assister, mais il insiste en m'expliquant que ça ne va pas fort et qu'il vaut mieux que j'aille vite le voir avant qu'il ne soit trop tard. Je me rends donc rue des Saint-Pères, Sophie m'accueille et je vois Bernard. Là, je vis une rétrospective de mon vécu avec cet homme, qui a été exceptionnel à la fin de sa vie, parce qu'il a donné à des gens un punch inouï en combattant ses trois cancers.
Jean-Marie Lanoë pour l'écrire, c'était un choix évident pour vous...
Je l'avais eu deux mois avant au téléphone parce qu'il prenait sa retraite de France Football. Il avait encore des séquelles de Furiani, je lui remontais un peu le moral et je lui ai demandé de m'accompagner dans ce trajet peu commun. J'avais envie de parler de Tapie, de Marseille, comment cette ville m'a enrichi.
Sans cette amitié, cette complicité, vous seriez-vous à ce point lâché ?
Non. Je ne pense pas. J'avais eu d'autres propositions avec de grosses maisons d'édition, mais je ne le sentais pas. Je voulais avoir quelqu'un qui me connaissait bien. J'aurais pu le faire aussi avec vous parce qu'il me fallait être en confiance. Jean-Marie m'a suivi depuis les jeunes à Auxerre et nous sommes liés par Furiani aussi.
L'originalité de la forme, c'est le récit à travers ce rêve onirique dans le TGV où un passager vous fait découvrir le poète marseillais André Suares.
L'angle était très important. Dans ce TGV, je rencontre mes racines, dans les profondeurs de cette p... de ville qu'est Marseille... Vous vous appellez Mario Albano, vous êtes né à Marseille, personne ne peut dire que vous n'êtes pas français. Et pourtant, vos racines, elles sont ailleurs. C'est la force, la diversité de cette ville qui est sa richesse et j'ai voulu raconter le lien que j'ai avec cette ville, à travers ce prisme. Cette richesse qui permet aux gens de dire : "Je viens de là-bas, mais je suis d'ici". Par André Suares et Philippe Caubère, l'imprévu me rend plus marseillais que jamais. J'ai découvert par exemple la religion copte égyptienne à Marseille. Et pourtant, Paris est riche de diversité, j'aurais pu le faire là-bas. Tout cela m'a ramené à mes racines africaines.
Vous évoquez aussi votre amour pour la ville, avec ces balades dans des quartiers du centre, des lieux que des hommes d'ici, comme Éric Di Meco ou Éric Cantona, voire Pape Diouf vous ont fait découvrir. Alors qu'on a l'impression qu'aujourd'hui, les joueurs, à Marseille ou Paris, ne sortent pas de leur ghetto doré.
Moi, ce n'était pas ça, le Cours Ju, j'y passe encore pour m'acheter un 501 ou aller dans un de mes trois petits restos, un Sénégalais, un Arménien, un Ivoirien.
Ce qui est marquant, c'est le mélange de moments de grande émotion et ceux de grosse rigolade. Une nostalgie joyeuse.
Exactement. Une nostalgie joyeuse...
Il est dommage qu'il n'y ait pas de photos : vous voir au réveillon chez Eydelie, avec la perruque de Tina Turner, chantant "What's Love Got to do" avec le string de votre femme sous la robe, ça serait spectaculaire...
S'il vous plaît !... Laissons plutôt travailler l'imagination ! Vive la lecture ! De nos jours, on est envahi par les images en trente secondes, laissons un peu vagabonder l'esprit...
Au-delà des rires que peuvent susciter certaines anecdotes, comme la bonne biture des internationaux olympiens (sauf Papin, toujours sobre), à Paris avant un match des Bleus ou le valium dans le verre de Raymond, pour pouvoir faire le mur, on se dit que votre solidarité, votre force collective sur le terrain, elles puisaient leur ciment dans ces moments de complicité...
Évidemment ! Si vous n'êtes pas copains, vous ne pouvez pas aller à la guerre ! Il n'y aura pas cette solidarité, cette envie d'aller gagner ensemble. Il y avait entre nous une forte intimité. Comme avec Chris Waddle. Nous sommes restés en contact.
Le personnage central de vos années marseillaises, c'est Bernard Tapie, de vos premiers échanges houleux à Auxerre, jusqu'à votre dernière étreinte à Paris, peu avant sa mort, en passant par les matches ou votre visite en prison...
Pendant ces trois dernières années, alors qu'il était malade, c'est là que je l'ai fréquenté le plus. Ça m'a donné un autre aspect de l'être humain, avec cette force incroyable face à la maladie. "J'ai le cancer, oui mais c'est moi qui bouffe le crabe, c'est pas lui qui me bouffe." Quelle volonté de se lever le matin, de marcher, de vivre ! Quand j'étais joueur, il était mon patron, là, j'ai découvert l'être humain.
Il faut vous accorder cette honnêteté intellectuelle: malgré votre amour filial pour Tapie, vous n'hésitez à évoquer vos doutes sur certains matches et pour VA-OM vous n'êtes pas du tout dans le déni comme le sont encore beaucoup de Marseillais. Mais la triche n'altère pas votre amour pour lui, pour l'OM, pour Marseille.
Exactement, c'est un être humain. C'est tout. Ces affaires font partie de notre histoire. Je pourrais lui en vouloir parce qu'on n'a pas fait la coupe intercontinentale, que ma carrière a changé à cause de ça. Mais on ne peut refaire l'histoire : si Vata n'avait pas mis la main, l'OM allait en finale en 90, si Pixie (Dragan Stojkovic) avait joué plus tôt, on aurait peut-être gagné en 91, à Munich, est-ce que je marque si je ne suis pas blessé ? Tout est anecdotique, l'histoire est telle qu'elle est. Nous aurions dû battre Valenciennes dix fois. Après il y a une connerie qui est faite, parce que Glassmann ce n'était pas le meilleur stoppeur de France, VA avait encaissé 39 buts, on n'avait pas besoin de ça pour les déstabiliser.
C'est volontairement que vous ne parlez pas des gens que vous n'aimez pas ou vous avez oublié les mauvais souvenirs ? Vous avez des mots gentils, admiratifs ou affectueux pour tout le monde : Gérard Gili, Franz Beckenbauer, Raymond Goethals, Jean-Pierre Papin, Pape Diouf, Éric Di Meco, le kiné Alain Soultanian, Mireille la lingère...
Il faut prendre le meilleur. Le départ de Carlos Mozer m'a fait beaucoup de mal, il m'a fait progresser de 30 % dans mon jeu, notamment dans la relance, et il est parti fâché avec le club. Je ne raconte pas non plus quand le professeur Saillant, que je suis allé voir après la finale de Bari me dit : "Tu ne pourras pas jouer encore plus d'un an, avec ton genou gauche, c'est fini." J'ai voulu éviter ce qui est négatif. J'ai joué huit ans à Auxerre, j'ai marqué deux buts, à l'OM, j'en ai mis 30 en quatre saisons. Ma gloire, c'est Marseille. Alors, je garde le positif.
Il y a des artistes qui ont eu un tube unique dans leur carrière et leur vie semble ne pas exister en dehors de ce succès unique. Vous avez une superbe carrière en club, en équipe de France, des titres multiples, vous n'êtes pas juste l'homme d'un seul geste. Mais ce but de Munich, c'est un apogée qui vous colle à la peau. Jusqu'au joli film "Marseille" de Kad Merad et Patrick Bosso où vous jouiez Basile Boli qui essaie de redonner la mémoire à Valentino Valentini...
Trois jours après Munich, je marque le plus beau but de ma vie contre le PSG, un autre coup de tête mais de vingt mètres. Je le préfère dix fois à celui de Munich. Mais je serai toujours identifié à cette tête de Munich et à Marseille. On ne peut pas me l'enlever, je ne peux pas me l'enlever moi-même.
Il n'y a pas de quoi vous l'ôter. Il y a des gens dont se souvient pour de mauvaises raisons. Vous, vous pouvez être fier de but...
Il vaut mieux : on m'en parle tout le temps...
Et si un jour, les gens ne vous reconnaissent plus dans la rue à Marseille, ce sera triste ?
Pas du tout. Ils m'ont tellement donné, tellement donné... C'est moi qui leur en doit encore...