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Aux origines d'El Niño Maravilla; Avant de devenir une star, Sanchez a connu une enfance difficile dans une région pauvre. Grâce au foot, il s'en est sorti
Les titres et les buts en pagaille, le statut d'idole du peuple chilien, un top 10 du Ballon d'or, les fiches de paie mensuelles à six voire sept chiffres pendant une décennie dans les plus grands clubs du monde, l'accueil hystérique des supporters de l'OM à l'aéroport de Marignane ou les ovations du Camp Nou, de l'Emirates Stadium, de San Siro et du Vélodrome... Tout ceci n'effacera jamais des tablettes le plus grand exploit d'Alexis Sanchez : être devenu une référence du football mondial en étant issu de Tocopilla, une modeste commune de pêcheurs du Nord du Chili où il a désormais son nom de rue. "Tout était réuni pour qu'il soit un garçon quelconque, estime Enzo Olivera, journaliste pour TNT Sports. Lui-même avait dit que sans le foot, il serait encore là-bas en train de laver des voitures. Il n'y avait rien dans sa ville. Alexis Sanchez est un miracle."
Si celui qui est désormais surnommé El Niño Maravilla (en version française, l'enfant prodige) n'a pas choisi les trottoirs de Manille, de Paris ou de Tocopilla pour apprendre à shooter, il n'a guère eu son mot à dire pour choisir ses parents non plus.
L'histoire intime de celui qui est aussi charismatique que taiseux est ensevelie dans le plus profond silence. Elle prend racine dans le dénuement et l'abandon, celui d'un père qui a quitté compagne et marmots, au nombre de quatre (deux garçons et deux filles). "Il n'a pas beaucoup d'amis et garde sa vie privée très privée. Mais je peux vous dire que sa mère a absolument tout fait, avec toute la difficulté qu'il y a pour une femme seule dans une petite commune où il n'y a presque pas de travail, retrace Danilo Diaz, auteur d'un ouvrage sur le joueur, El camino de un crack. Tout le monde quitte cet endroit quand il le peut. Lorsqu'Alexis était enfant, elle a notamment nettoyé du poisson sur le port et fait des ménages."
Martina Sanchez, l'idole de sa vie, élève donc ce petit et frêle enfant loco de foot, qui brille autant sur le terrain que par son sourire, sa discrétion et son ambition. Après plusieurs clubs dans son adolescence, il commence à 15 ans au CD Cobreloa, dans la ville de Calama, à deux heures de la maison. Ses premières apparitions chez les pros arrivent à seulement 16 ans.
Premier but pro à 16 ans, international chilien et transféré en Europe à 17
À l'étage supérieur, il joue, performe, marque très vite. Et beaucoup. "Il me disait fréquemment : 'Je veux devenir le meilleur joueur du monde', sourit Rodrigo Perez, équipier de l'époque, de quinze ans son aîné. Sa conviction était celle de devenir un protagoniste du foot au niveau international et jouer dans les meilleures équipes du monde." La fausse modestie, tout comme l'échec, ne font pas partie du vocabulaire de celui qui n'était pas encore adulte mais avait déjà une belle réputation dans toute l'Amérique du Sud. Cobreloa est un grand club au Chili et Alexis Sanchez séduit toute la brochette de cadres.
"Il n'a jamais été impressionné, au contraire, il a bluffé les internationaux de cette équipe dès le premier entraînement, témoigne Danilo Diaz. Ils ont commencé à le prendre en affection, à le protéger face aux défenseurs adverses qui le taclaient. Ils se disaient tout simplement que grâce à lui, ils gagneraient plus d'argent parce qu'ils gagneraient plus de matches. Un joueur comme ça ne surgit pas tous les jours. Il a tout de suite été une lueur d'espoir pour le football chilien quand il a commencé à Cobreloa."
Dès ses 17 printemps, il touche au Graal, la Roja, et alterne entre les grands et les moins de 20 ans. C'est dans cette catégorie que Dagoberto Currimilla l'a connu. 16 ans plus tard, l'ancien milieu droit reste ébahi par le professionnalisme de Sanchez, déjà international A mais aussi le plus jeune des U20. "Il était un leader de peu de mots, qui donnait l'exemple en commençant l'entraînement avant le début et le terminant après la fin. Alexis était à 100% focalisé sur son but de briller dans le foot, pour lui et sa famille, loin des polémiques. D'une certaine manière, il était programmé pour réussir, on savait qu'il deviendrait un grand joueur. C'était un crack."
De Tocopilla à Marseille, les termes "sérieux, pro, déterminé, ambitieux", trop souvent galvaudés et inhérents à presque tous les champions, sont prononcés par la totalité des témoins interrogés. Rodrigo Perez poursuit la liste des adjectifs qualificatifs élogieux : "Quand je l'ai côtoyé, il était très intelligent et adroit, enthousiaste, discipliné, réceptif aux conseils, puissant et rapide, toujours positif et rieur. Il était déjà prêt pour le football de haut niveau. On jouait la Copa Libertadores à Cobreloa, c'était un club exigeant. Il fallait de la personnalité pour s'imposer. Je pense qu'il a tiré une grande force de sa famille. Sa relation avec sa maman est tellement belle..."
Les raisons de sa réussite sont multiples, de la technique au physique, et son mental, soit ce qui fait la différence entre un bon joueur de quartier et une star mondiale, trouve sa source dans son histoire personnelle cabossée. "Le plus important chez lui est qu'il profite du football et s'amuse, croit savoir Enzo Olivera. Ce n'est pas un travail pour lui, c'est un bonheur." Son confrère journaliste Diaz insiste lui sur... la taille de Sanchez : "Il a tiré un grand avantage d'être petit pour le haut niveau, ça l'a poussé a encore plus se battre et à ne jamais avoir peur. Il a été capable de tout surpasser depuis ses jeunes années et de ne pas subir la pression, à Wembley, au Vélodrome ou sur la plage à Cobreloa."
Après une seule saison pro, ce célibataire endurci passionné de chiens et de vin a récolté le fruit de ses efforts en signant à l'Udinese en 2006, qui le prêtera deux ans, d'abord à Colo Colo puis à River Plate. "C'était logique que l'Europe s'intéresse à lui après son passage chez nous, conclut Perez. Grâce à tous ses sacrifices, il a mérité ce transfert et tout ce qu'il a obtenu par la suite." Alexis Sanchez et le monde du football ne sont pas au bout de leurs surprises.
La Provence