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Jonathan Clauss : « Je veux prouver que j'ai le niveau »
Le défenseur des Bleus et de l'OM au parcours singulier aborde le match contre l'Autriche avec le rêve de disputer le Mondial.
FOOTBALL Il a bien cru ne jamais revoir Clairefontaine. Même s'il ne le dit pas avec de tels mots, Jonathan Clauss (29 ans, 4 sélections) a longtemps pensé que la séquence du mois de juin dernier, avec un penalty provoqué face à la Croatie en fin de rencontre (1-1) quelques secondes après son entrée en jeu dans la touffeur de Split, aurait pu sonner comme la fin de son histoire en équipe de France. Ce n'est pas le cas. Bien au contraire. « À chaque liste, j'ai peur de ne pas y être. Je ne m'habituerai jamais à ce que le sélectionneur prononce mon nom », avoue-t-il avec le sourire et des étoiles plein les yeux avant d'aborder les rendez-vous face à l'Autriche ce jeudi (20 h 45, M6), dans lequel il pourrait débuter, et le Danemark dimanche en Ligue des nations. « Pour l'annonce de la liste des 23, je n'ai rien mangé le matin, j'avais la boule au ventre et j'étais deux heures avant devant la télévision pour ne rien rater. Ma copine m'a pris pour un fou . »
Pour la troisième fois de suite (après mars et juin), le joueur transféré de Lens à l'OM cet été contre un chèque de 7,5 millions d'euros, a rejoint la sélection cette semaine. Sur cette soirée douloureuse du 6 juin dernier et les critiques vives quant à son niveau, l'international ne se cache pas. Tout sauf le style du garçon au parcours cabossé façon Ribéry ou Giroud, passé par le monde amateur, la D2 allemande et qui a éclos sur le tard. « J'étais dépité et effondré après le match, et même le lendemain. Tout m'est tombé dessus d'un coup, mais le coach m'a dit de ne pas plonger et que ma force serait de rebondir , reconnaît-il sans sourciller, lui l'émotif. Au final, ces critiques m'ont fait du bien et m'ont endurci. Je me suis demandé comment j'avais pu être bête à ce point-là. En un claquement de doigts, j'ai eu l'impression de passer de tout à rien . »
Un épisode qui le force désormais à prendre plus de recul sur une situation qu'il découvre entre l'OM et les Bleus, avec une caisse de résonance sans commune mesure avec celle de ses précédentes expériences. « Les critiques sont humaines, légitimes et nécessaires , mais il faut aussi être modéré et avoir un peu de nuance dans les analyses, même si le foot et la société en manquent un peu », consent-il, lucide et presque fataliste. Depuis cette séquence, il a pris ses distances avec les réseaux sociaux et demandé à sa famille de faire le tri dans les articles qu'elle lui envoyait.
Une carte à jouer
Sans être certain de figurer dans l'avion pour le Qatar afin de disputer la Coupe du monde (20 novembre-18 décembre) avec les Bleus, Jonathan Clauss compte sur les deux rendez-vous à venir pour faire pencher la balance et prouver au staff des champions du monde la nécessité de l'emmener à Doha. À son poste de piston droit, il se retrouve en « concurrence » avec Coman, Pavard, Mukiele, qui n'ont pas du tout le même profil que lui. Conscient d'avoir une vraie carte à jouer malgré les mauvaises langues qui ont douté de son niveau l'été dernier, Clauss patiente dans l'ombre. « Annoncer que je veux être titulaire en bleu, c'est un grand mot. Je postule à l'être, bien entendu , concède-t-il sans trop s'avancer, lui qui est le joueur le plus utilisé par Igor Tudor à l'OM depuis le début de saison. Après, il y a la vérité du terrain, les choix du coach, ce sont beaucoup d'éléments qui comptent avant de délivrer ma vérité et d'annoncer que je veux être titulaire . »
Entre son transfert à l'OM, la découverte de la Ligue des champions, son statut d'international et la perspective de disputer la Coupe du monde, l'ancien Lensois se sait à un tournant de sa carrière, lui qui soufflera ses 30 bougies dimanche au Danemark avec les Bleus ( « J'avais prévu une fête avec mes potes, mais j'ai tout annulé, je vais vivre le plus bel anniversaire de ma vie » ).
Pour répondre aux attentes, il a changé de braquet. Dans les grandes largeurs. « Je me couche à 22 heures, je dors onze heures par nuit, je fais attention à tout ce que je mange, je ne saute plus le petit déjeuner et la collation , avoue-t-il, conscient d'être passé dans une autre dimension par rapport au RC Lens. J'écoute beaucoup plus mon corps. Avec des matchs tous les trois jours, c'est indispensable. Si, en dehors du terrain, je ne fais pas ce qu'il faut, ça va durer deux semaines et tout s'écroulera. Je suis très attentif, pas tout jeune, je m'instaure un rythme qui fait que je suis réglé comme une horloge. J'ai une belle vie de moine . »
Il n'hésite pas également à s'inspirer d'autres sports comme la Formule 1, le football américain ou le bobsleigh sur la question de la gestion des espaces, notamment, pour travailler spécifiquement l'aspect tactique du poste de piston. Pour une vision défensive différente et plus complète. Comme un pilote de F1 qui visualise les circuits, il mémorise par coeur les zones du terrain afin de mieux défendre. Toujours dans l'objectif de répondre aux exigences de sa nouvelle vie. À bientôt 30 ans, Clauss sait qu'il n'a plus de temps à perdre avec une perspective excitante à négocier dans les deux mois à venir. Le rêve d'une vie. « Je ne me réveille pas le matin en pensant Mondial, mais, quand je vais dormir, je me dis toujours qu'il faut penser repos et récupération car il y a cet immense objectif. » Et le Marseillais de conclure, ambitieux : « Je veux prouver que j'ai le niveau. »
Le Figaro