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JONATHAN CLAUSS; "C'est de la science-fiction !"; Retour sur la carrière extraordinaire de la nouvelle recrue de l'OM avec ceux qui l'ont croisée
Sa vie s'apparente à un roman. Elle pourrait inspirer des écrivains ou des réalisateurs de séries en quête d'un nouveau sujet aux multiples ressorts, tant Jonathan Clauss a flirté avec le néant avant de remonter à la surface, petit à petit, et de tutoyer les étoiles. La nouvelle recrue de l'OM, arrachée à Lens pour 7,5 millions d'euros (+1,2 M€ de bonus), écrit son histoire en toute humilité sans se départir de la fraîcheur qui accompagne ses pas depuis ses débuts chaotiques, au centre de formation de Strasbourg qui n'a pas jugé bon de le conserver à l'issue de son cursus d'apprenti. Un coup dur. La sensation que son petit monde s'écroule et le début d'une vraie galère, d'une succession d'étapes au fin fond du monde du ballon rond pour essayer de continuer à vivre sa passion.
Viré par le Racing, le jeune Jonathan pique ses sprints dans un autre club strasbourgeois, l'AS Pierrots Vauban. Il ne le sait pas encore, mais il y rencontrera un acteur essentiel de sa rédemption, un certain Bruno Paterno. Direction Linx, ensuite, en 6e division allemande, où il touche entre 300 et 600 euros par mois. Avant un retour en France, à Raon L'Étape, en CFA2. Un choix signé Bruno Paterno, alors nommé entraîneur du club vosgien. "Bruno avait d'autres joueurs sous le coude, rembobine Didier Chaffat, dirigeant raonnais. Il n'y en avait qu'un pour lequel il n'avait aucun doute, c'était Jonathan. Il nous avait dit que l'on pouvait y aller les yeux fermés. Il avait 23 ans, il était un peu foufou et un peu perdu pour le foot de haut niveau."
Après s'être inscrit en fac de sports, Clauss enchaîne les petits boulots : livreur, préparateur de commandes, distributeur de prospectus. Levé à l'aube, il n'entend pas toujours son réveil sonner au moment de rejoindre Paterno pour aller s'entraîner à Raon, à une grosse heure de route de Strasbourg où il vit toujours. "Ces trajets lui ont fait le plus grand bien, devine Chaffat. Paterno, qui est de l'ancienne génération et est très carré, pouvait le recadrer. Ces écarts ne devaient pas trop lui plaire. Jonathan devait prendre pour les autres aussi."
Ce qui n'atténue pas la fraîcheur du latéral. "Il multipliait les courses sans être forcément au-dessus du lot, reprend Chaffat. Il était attachant, insouciant. Après un match perdu contre la réserve de Metz, la première chose qu'il a faite en rentrant aux vestiaires a été d'attraper son téléphone pour voir ses messages. Il est neuf dans le foot de haut niveau, il n'est pas blasé." "Cette fraîcheur vient de son parcours, prolonge son partenaire à Quevilly-Rouen, Mathieu Duhamel, où Clauss signe son premier contrat pro, en Ligue 2. Jonathan est un boute-en-train qui aime rire et faire rire. Il est simple, humble, n'a pas la grosse tête." Si jamais il l'attrapait, un coup d'oeil dans le rétro le ramènerait vite sur terre.
Après l'étape à Raon, direction Avranches, en National. Une arrivée rendue possible par un heureux hasard. "Mon effectif était complet quand un ami alsacien me parle de Jo, retrace Damien Ott, l'entraîneur manchois. S'il n'avait pas été alsacien, je n'aurais jamais accepté qu'il vienne faire un essai ! En plus, il est arrivé en retard ! J'ai dit à mon ami : 'Tu le dégages !' Mais il a passé le test. Et il est resté. Jonathan, c'est une vie, une trajectoire irréelle."
Une personnalité à polir, au comportement qui confine parfois à l'amateurisme. "Il n'avait pas de repère dans la rigueur, la préparation, la vie collective, reprend Ott. Je lui ai donné des normes dans le respect des horaires et dans la vie en collectivité. Il est attachant car il est spontané, plein de joie et d'énergie. Il était parfois pénible sans jamais dépasser les limites. Mais il fallait le sanctionner. En retard pour son essai, il l'a aussi été pour l'un de ses premiers matches. Il s'est retrouvé remplaçant. Mais il avait une telle énergie sur le terrain ! Je ne lui ai rien appris. Je lui ai juste permis de s'exprimer et lui ai demandé d'être sérieux. Son passage en Allemagne l'a bien aidé sur ce plan-là."
Il aurait pourtant pu ne jamais rejoindre l'Arminia Bielefeld. Non conservé par Quevilly, il devait signer au Dinamo Brest, en Biélorussie, présidé par... Diego Maradona. L'affaire capote, Clauss veut tout envoyer balader. Bielefeld lui tend la main. Lens le repère deux ans plus tard. Il explose. Puis il séduit Didier Deschamps et l'OM, maintenant. "Tout lui est dû, mais le voir là, c'est de la science-fiction", se pince Ott.
"Cette saison, je suis allé voir Lens-Lyon avec un ami, Jonathan n'était pas encore en équipe de France, raconte Duhamel. J'ai dit à mon copain que Jo méritait plus que le Lyonnais (Léo Dubois) d'être en sélection. Il a été convoqué peu après. Il mérite ce qui lui arrive, il est sur une autre planète. Je suis persuadé qu'il va beaucoup apporter à l'OM. Quelque chose va se passer." Clauss n'a sans doute pas encore écrit le dernier chapitre de son incroyable carrière.
La Provence
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