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Comment le Marseillais Jordan Veretout est devenu un autre joueur en Italie
Le milieu de terrain de l'OM Jordan Veretout (31 ans) a passé cinq saisons en Serie A, où il a étoffé son bagage tactique et est devenu un joueur plus complet.
Si la plupart de ses partenaires vont découvrir ce jeudi soir l'ambiance surchauffée du stade de l'Atalanta, Jordan Veretout ne devrait pas être trop déconcerté par le décor, et la seule curiosité, pour lui, sera de constater l'avancée des travaux. Depuis le début de la reconstruction du Gewiss Stadium, en mai 2019, le milieu de terrain international compte déjà trois visites de chantier, dont la dernière aura été la plus belle, une victoire 4-1 avec l'AS Rome de José Mourinho, le 18 décembre 2021.
À Bergame comme dans beaucoup d'autres stades habitués à la Serie A, Veretout a ses repères et de bons souvenirs, lui qui a passé plus du tiers de sa carrière professionnelle en Italie, entre Florence (2017-2019) et Rome (2019-2022), qui ne sont pas les villes les plus désagréables où vivre.
Le défi n'était pas évident, pourtant, pour l'ancien Nantais, quand il a débarqué à la Fiorentina, à la fin du mois de juillet 2017. À 24 ans, Veretout entame déjà sa deuxième expérience à l'étranger, après une saison compliquée avec Aston Villa (2015-2016), rythmée par les défaites en Premier League et conclue sur une relégation. Prêté à Saint-Étienne dans la foulée, il a bien rebondi sous les ordres de Christophe Galtier et les dirigeants florentins, qui ont regardé attentivement le 16e de finale des Verts contre Manchester United en Ligue Europa (défaites 3-0 à l'aller en Angleterre et 1-0 au retour), flairent le bon coup.
Des débuts en Serie A à la Fiorentina, entouré d'autres Français
« J'ai reçu une montagne de critiques quand je l'ai recruté, s'amuse aujourd'hui Pantaleo Corvino, alors directeur sportif de la Fiorentina, aujourd'hui à Lecce (13e de Serie A). Pas grand monde ne le connaissait et tout ce qu'ils avaient retenu, c'est qu'il était descendu en Championship avec Aston Villa. Mais nous avions repéré ses capacités dynamiques, et une très bonne qualité technique. Il avait aussi la frappe, cela faisait beaucoup de bons points. »
Et le tout pour pas trop cher, puisque la Viola ne débourse que 7 M€ sur un joueur qu'elle revendra trois fois plus, deux ans plus tard. À Florence, Veretout trouve un vestiaire teinté de Français. « Il y avait une grosse colonie à l'époque, les anciens Stéphanois avec Jordan, Valentin (Eysseric) et moi, plus Alban Lafont et Vincent Laurini, raconte Bryan Dabo, qui a fait le voyage entre Saint-Étienne et Florence six mois après Veretout, en janvier 2018. C'était plus facile de progresser, si l'un d'entre nous ne comprenait pas quelque chose, les autres pouvaient le lui expliquer, que ce soit un problème de langue ou de consignes tactiques. »
Dans ce domaine, les progrès de Veretout se révèlent rapides et appréciés par le staff de Stefano Pioli, francophone lui aussi, qui prend le joueur à part pour lui expliquer l'importance de certains déplacements sans ballon, notamment lors de séances vidéo individualisées. « Quand tu passes de France en Italie, tu dois beaucoup travailler tactiquement et Jordan était un gros bosseur », se souvient Dabo.
« S'il sent la confiance derrière lui, il va tout donner, sinon, il peut se mettre à douter »
Gianluca Petrachi, le directeur sportif qui l'a recruté à l'AS Rome
Dès la première saison, Veretout s'impose comme titulaire, souvent en relayeur, et marquera même 8 buts en Serie A, au coeur d'un groupe soudé par le décès de son capitaine Davide Astori lors d'une mise au vert de veille de match à Udine, le 4 mars 2018. La saison suivante, la palette de Veretout s'étoffe encore, il lui arrive de jouer sentinelle et ses passes ouvrent les brèches dans les défenses adverses : parmi les milieux de terrain de Serie A, seul Miralem Pjanic (Juventus) provoque plus d'occasions que lui.
Plus précis avec le ballon, toujours concentré dans ses replacements et ses courses, le Français attire l'oeil des plus gros, l'AC Milan, Naples, l'AS Rome. « On n'avait aucune chance de le retenir », souffle Corvino.
Paulo Fonseca, le nouvel entraîneur de la Roma, a fait du joueur une priorité, ses dirigeants veulent le satisfaire et surenchérissent sur l'offre du Milan. « Jordan est le prototype du milieu moderne, c'est-à-dire ces milieux capables d'être bons à la fois en phase offensive et en phase défensive, apprécie Gianluca Petrachi, le directeur sportif qui l'a recruté à la Roma. Avec Fonseca, il a fait des très bonnes saisons. » Le Portugais veut un style offensif et Veretout prend sa part, 6 buts la première saison, interrompue par le Covid-19, et 10 buts la suivante, son record.
Désormais à l'aise avec l'italien, il est un élément fiable du onze, vite adopté par des tifosi qui, accent romain oblige, l'appellent plutôt « Vérédou ». « Cela ne m'a pas étonné de le voir ensuite en sélection, poursuit Petrachi. Il a le sens des déplacements, la technique, le moteur. Il fallait seulement le piquer parfois, pour qu'il prenne conscience de son potentiel. S'il sent la confiance derrière lui, il va tout donner, sinon, il peut se mettre à douter. À l'OM, il a trouvé un contexte où il se sent important. »
Une fin moins heureuse avec Mourinho
Il en avait besoin, après une dernière saison romaine plus compliquée, où son statut de titulaire indiscutable s'effrite sous les ordres de José Mourinho. Le Portugais, charismatique et exigeant, lui apportera une autre approche, quand même, et un trophée européen aussi, la Ligue Europa Conférence. Mais l'arrivée de Sergio Oliveira en janvier 2022 l'avait poussé sur le banc, et celle de Georginio Wijnaldum, l'été suivant, l'oblige à trouver un club.
La Roma, échaudée par une polémique extrasportive, la fête d'anniversaire de sa femme maintenue malgré un test Covid positif, ne le retient pas. Veretout, lui, veut revenir en Ligue 1 et cela tombe bien : il y a, à l'OM, un président qui suit la Serie A de très près.