Information
Portrait de Sead Kolasinac, coéquipier dévoué et défenseur irréprochable de l'OM
Décisif à Monaco ou Rennes cette saison, le défenseur bosnien de l'OM a toujours été un coéquipier fidèle et dévoué, en club comme en sélection.
« Fiable. » Croisé à la volée à la Commanderie, Jonathan Clauss a droit à un seul mot pour décrire son coéquipier Sead Kolasinac et il le trouve dans la seconde. Kolasinac est fiable et Clauss volubile, alors on lui demande s'il voudrait approfondir son avis. « On aime échanger en allemand, c'est un bon vivant, confie l'ancien Lensois. Son année est une véritable montée en puissance. Il ne partait pas forcément titulaire en début de saison et, aujourd'hui, il est un élément majeur de l'équipe. Il a surtout démontré sa force de caractère. Après sa tête ratée contre Tottenham (*), il s'est relevé là où d'autres auraient sombré. »
À chaque article, on radote, on ressasse cette action, ce centre aiguisé de Cengiz Ünder, cette tête piquée qui file à côté de la cage de Hugo Lloris alors que tout le Vélodrome la voit déjà dedans. Dans le foot, même les ratés sont iconiques, ils engendrent parfois des destins tragiques. « Quelques jours après Tottenham, je le croise au centre d'entraînement et je lui trouve une petite mine, se rappelle le président Pablo Longoria. Il me dit : "Cela fait trois nuits que je n'en dors pas". » Le 13 novembre, dans la surface monégasque, il sera bien éveillé pour inscrire le but de la victoire et lancer enfin sa saison. Depuis, le raide Igor Tudor lui donne « un dix sur dix » et sort l'expression fétiche pour louer son soldat de 29 ans : « Kolasinac est bon comme du bon pain. »
Le bon pain a été pétri du côté de Karlsruhe, avant de lever un peu plus au nord de l'Allemagne, à Gelsenkirchen. En septembre 2012, appelé dans toutes les catégories jeunes germaniques, Kolasinac débute chez les pros à Schalke 04, une vénérable institution. Pour les fans et les médias, il est « die Maschine », un cyborg rutilant qui annexe le côté gauche du terrain. « Je l'ai vu devenir une véritable machine de guerre, se souvient le milieu Benjamin Stambouli, arrivé dans la Ruhr à l'été 2016. Il dégage une puissance physique impressionnante, il fait des allers-retours incessants, il est costaud défensivement, apporte de l'énergie et des bons centres, offensivement. Il ne faisait que progresser, et beaucoup de clubs le convoitaient, le sachant en fin de contrat. »
Une agression à Londres coïncide avec son déclin à Arsenal
Au printemps 2017, alors que de jeunes recruteurs de la Juventus comme Javier Ribalta et Pablo Longoria poussent pour en faire la doublure d'Alex Sandro, Kolasinac choisit Arsenal et Arsène Wenger. Suspendu pour la dernière journée de Bundesliga, à Ingolstadt, il fait le déplacement en train avec les ultras de Schalke 04, qui l'adorent, et suit la rencontre dans la zone visiteurs. « Après le match, on va saluer les fans, qui avaient enfilé des bobs vintage de Schalke 04 pour l'occasion, raconte Stambouli. Et là on se retrouve face à "Seo" avec son bob sur la tronche, toute l'équipe était morte de rire ! »
Seo. « Il aime qu'on le surnomme ainsi, et pas le "Tank", qui est trop réducteur, le ramène à un simple bourrin, souffle Stéphane Gilli, ancien adjoint de la sélection de Bosnie-Herzégovine (2014-2017). Seo est bien plus que ça, il paraît méchant sur le terrain, mais se révèle très doux en dehors. » Kolasinac a voulu chasser les préjugés dès son arrivée à l'OM, en janvier 2022.
En Angleterre, il était devenu, contre son gré, un acteur des pages des faits divers des tabloïds, un super-héros en short noir et tee-shirt de métalleux, buste droit et garde haute. Le 25 juillet 2019, ainsi vêtu, Kolasinac a repoussé deux assaillants à Platts Lane, dans le nord-ouest de Londres. Jordan Northover et Ashley Smith, les agresseurs, voulaient voler sa montre et celle de Mesut Özil et menaçaient de le suriner. Kolasinac a fait face, protégeant son ami d'Arsenal et sa compagne qui s'était réfugiée dans la voiture. Membres d'un gang réputé pour ses vols avec violence ayant laissé planer de possibles représailles, les deux agresseurs ont finalement écopé de six ans de prison ferme. Kolasinac n'a jamais voulu revenir sur cette histoire. Elle a coïncidé avec un déclin sportif très net à Arsenal, et le retour en prêt à Schalke 04, en janvier 2021, ressembla à une bouffée d'oxygène.
Mattéo Guendouzi a poussé Pablo Longoria à le recruter
Le club est en pleine déconfiture, bon dernier de Bundesliga, « mais Seo affiche son enthousiasme », dit Stambouli, devenu vice-capitaine. « Il est à fond, en mission pour sauver Schalke. On se fait un point direct, on essaie de tout remuer pour que ça bouge. Coups de gueule dans le vestiaire, sur le terrain, échanges avec certains joueurs en aparté, manière douce, manière forte, avec Seo, on a tout tenté ».
Un samedi soir, après une rencontre à domicile, Kolasinac réunit toute l'équipe au siège du club. « Il avait fait appel à un traiteur, avait tout payé, il voulait qu'on se retrouve pour manger, discuter, rester le plus soudés possible, éclaire Stambouli. Voilà qui est Kolasinac, un mec classe, fidèle, sur qui tu peux compter. » À l'entraînement, l'ex-milieu du Paris-SG découvre un autre joueur, revenu d'Arsenal « avec un autre bagage : il était très impliqué tactiquement, il avait beaucoup appris là-bas ». Cela n'étonne pas Mécha Bazdarevic, son ancien sélectionneur à la tête de la Bosnie (2014-2017).
« C'était un jeune homme bien éduqué, discret et attachant. Pour avoir un problème avec lui, il faut vraiment le vouloir ! Je le revois nous aider à arroser la pelouse avec le staff quand elle était trop dure pour les crampons de ses camarades. Sead nous posait souvent des questions sur son placement, notamment dans une défense à quatre, sur la fermeture intérieure, les replis. Il avait été formé latéral gauche, pouvait évoluer piston sur une défense à cinq et même milieu défensif, et sa polyvalence le destinait à finir stoppeur. Avant, il voulait tout le temps aller devant, il a mûri, s'est amélioré dans la concentration, le positionnement, les appels ou la finition. »
Début 2022, les premiers mois dans le système raffiné de Jorge Sampaoli sont compliqués pour un joueur à court de rythme. Le vestiaire le soutient, comme Mattéo Guendouzi. En contact régulier avec son ancien coéquipier à Arsenal, le milieu a poussé Longoria à le recruter en vantant « un joueur extraordinaire humainement, et dont la mentalité correspond à l'OM ». Avec Igor Tudor, qui lui a pardonné quelques kilos en trop à la reprise estivale et l'a vite installé dans l'axe gauche de la défense centrale, la greffe est bonne, le marquage individuel réussit à Seo. La direction vient de lui proposer une prolongation de contrat de deux saisons. Pour aller jusqu'en 2025, comme Clauss ou Mbemba, et poursuivre l'aventure en toute fiabilité.