Savanier-Gigot, canal du Rhône
Ils partagent les mêmes racines à leur propre épopée. L’un et l’autre ont grandi entre Montpellier et Marseille. À Arles-Avignon, éphémère club (2009-2016) entre folie des grandeurs et décadence. Pendant que certains futurs retraités (Niang, Zebina, Givet…) épuisaient leurs derniers souffles, le capitaine de l’OM, Samuel Gigot, et celui de Montpellier, Téji Savanier, ont entrepris leur ascension dans le monde pro au sein du club provençal du président Marcel Salerno. Ce mercredi à La Mosson, en clôture d’une première moitié de championnat teintée de frustration pour leurs clubs, les deux hommes échangeront une poignée de main comme un pacte tacite à une même reconnaissance tardive. Téji, et ses airs de petit génie mal compris, et Samuel, avec sa carrure de 3e ligne dur au mal, n’ont rien de deux clones. Mais ils ont appris à se sortir de la même galère sur les bords du Rhône le temps de deux saisons en commun (2013-15). L’un et l’autre viennent de loin.
Téji Savanier (31 ans) s’est expatrié de la cité Gély jusqu’à la lisière du Languedoc pour mieux revenir en maître de La Mosson via Nîmes (2015-19). Samuel Gigot (30 ans) a fait le tour de l’Europe. Lui aussi quitte Arles-Avignon en 2015, prend la route de la Belgique, à Courtrai, puis à Gand avant de passer à l’Est et au Spartak Moscou (2018-22) pour y conquérir un statut que Marseille accorde souvent à ceux qui partent. L’OM se construit avec ceux qui viennent du large plutôt qu’avec les minots.
« “Loulou” avait dit : “J’ai deux bons petits” » En 2011, pendant que Montpellier, et ses copains de la Gambardella (Belhanda, Cabella, Stambouli…), amorcent leur improbable course vers la postérité, Savanier file sauver Arles-Avignon d’une fatale disparition.
« Comme ils n’étaient pas gardés à Montpellier, je fais venir Téji et son grand copain Hugo Rodriguez. “Loulou” avait dit au président Salerno : “J’ai deux bons petits, tu devrais les voir”. Le “Boss”, et peut-être d’autres autour, avait bien vendu l’affaire. On est allés à Port-de-Bouc pour un essai face à une DH (aujourd’hui R1, NDLR)
, sur un terrain synthétique tout pelé », raconte Jean-Louis Saez, alors à la tête de la réserve du club provençal.
« À la fin du match, le président Salerno vient me voir et me dit : “Qu’est-ce qu’on fait ?” J’ai bien sûr validé. Ils signent un contrat de trois ans. Téji, il a fait deux ou trois matches avec moi, et je ne l’ai plus revu… », sourit-il, d’autant plus que la “réserve” s’entraînait à Arles, et les pros quarante kilomètres plus loin à Avignon.
« Hugo, qui était le meilleur joueur de sa génération, a mis un peu plus de temps à monter avec les pros, avant d’en devenir le capitaine », poursuit Saez, qui a retrouvé les deux vieux complices à Uzès aux obsèques d’Henri Stambouli.
Gigot, l’héritage ovale Gigot voulait s’affranchir de son passé d’ovale, et ses a priori un peu bourrin, pour faire sa place chez les footeux.
« “Sam”, plus jeune, était U19, il venait s’entraîner avec moi. Il venait du Pontet, il était d’une famille de rugbymen. Il en avait un peu honte », sourit Jean-Louis Saez. Si le magicien de La Mosson et Gigot, colosse robuste, n’ont pas le même profil, ils partagent ce goût de la gagne. Ou plutôt ce goût de réussir contre vents et marées, face à l’amer d’un monde pro qui se refuse à eux.
« Téji était déjà Téji. C’était un gagneur, un peu bagarreur comme il est aujourd’hui sur le terrain. Leader dans l’âme, il ne se laisse pas marcher sur les pieds. Ensuite, à Nîmes, il fera un gros travail athlétique, avant de devenir le joueur qu’il est », rembobine Jean-Louis Saez, actuel directeur sportif de l’équipe féminine de Montpellier.
« “Sam”, c’était une bête physique, c’était le stoppeur. Très dur sur l’homme, il aimait le combat et la gnac. Et c’était un super mec. » Brassard au bras ou pas, têtes toujours hautes, l’un et l’autre avancent toujours et encore avec l’orgueil de ceux qui ne renoncent jamais à leur rêve d’enfant, de ceux qui nagent à contre-courant. Tant mieux pour les équipes des tendres grincheux Der Zakarian et Gattuso, qui se reconnaissant un peu en eux. Marc Blaquière
redac.sports@midilibre.com Savanier et Gigot ont partagé le maillot d’Arles-Avignon, avant de le quitter en 2015. J.-M. MART ET MAXPPP
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