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Samuel Gigot, de la Placette d'Avignon à Marseille, un défenseur fidèle
Originaire d'Avignon, le défenseur central de 29 ans Samuel Gigot s'épanouit à l'OM, son club de coeur. Il y cultive son humilité et rend fier un entourage qu'il n'a jamais négligé.
Au commencement, il y a la bande de la Placette, dans le centre-ville d'Avignon. À 18 ans, Samuel Gigot l'a tatouée sous le poignet gauche, « LP7 », comme un mot de passe vers les souvenirs d'enfance. À l'aube des années 2000, entre les rues du Rempart Saint-Lazare et des Infirmières, devant les murs de leur école primaire Persil-Pouzaraque, les collègues en culotte courte se donnent rendez-vous pour d'interminables sessions de ballon rond. Philippe, Chaq', Mich', Clem', Flo, Nourredine, Alex, Boulette et bien d'autres entourent Samuel et son grand frère Tony.
Surnommé « Mumu » par ses parents, Samuel devient « Mum », et gare à celui qui le prononce doctement à l'anglaise, rien à voir. Ici, c'est le quartier des Italiens, le pavé populaire, la fraternité joyeuse, sauf le soir d'une finale de Coupe de monde, en juillet 2006. « On n'a surtout pas regardé le match ensemble », sourit Samuel Gigot.
Les Italiens sont dans leur fief, au bar de la Navigation. Les fans des Bleus dans la rue, à scruter les écrans par la fenêtre. Samuel Gigot soutient la France, mais il est hypnotisé par le capitaine adverse, Fabio Cannavaro. « Son retourné dans la surface (italienne, devant Florent Malouda, à la 74e minute), cela m'a marqué, dit-il. J'essayais toujours de le refaire sur le terrain ! Et sa prestance... Marcher comme il marchait. Je voulais tout faire comme lui. »
La tête haute à la Cannavaro, la tempête dans les pupilles, le buste droit et les pectoraux gonflés, Samuel Gigot transposera la démarche dans son club de toujours, la MJC d'Avignon, devenu ensuite l'Avignon Football 84. « Le grand club de la région, avec des éducateurs comme Laurent Paganelli, confie fièrement Anthony Briançon, le défenseur de Saint-Étienne. Mon grand-père m'emmenait au stade Léon-Dulcy et j'ai découvert Samuel quand j'avais huit ans. Lorsque j'étais surclassé, on évoluait ensemble sur le synthétique avec du sable dessus. Pizzas aux genoux garanties... Il était déjà gaillard sur le terrain, posé en dehors. Face aux rivaux du Pontet, du SCO d'Orange ou de l'AS Saint-Rémy-de-Provence, cela donnait de sacrées rencontres. »
Au commencement, il y a une vieille bagnole. Pas la Peugeot 403 de la série Columbo, mais la 404 de Jean-Luc Gigot. Le détective a la silhouette voûtée, le père de famille le corps éreinté par son job de maçon. « Un métier très difficile, on le voyait partir le matin dans le froid, rentrer le soir fatigué, dit Samuel. Il a fait le maximum pour nous. »
Quand il s'agit de trimballer la grande soeur Erika, Tony le rugbyman en herbe et Samuel, il ne rechigne pas à sortir la 404. Il transmet son amour de l'OM, les frangins en pincent pour Samir Nasri, « même si on n'avait pas les mêmes qualités », rigole Samuel Gigot. « Puis notre père nous emmène pour le Classique avec le but de Lorik Cana, sourit Tony Gigot, notre première au Vélodrome, mémorable. » Ce 16 octobre 2005, d'une tête au premier poteau, le capitaine de l'OM met fin à une série de huit succès parisiens.
Samuel retourne au stade dès qu'il le peut, mais avec les copains. Il voit son frère, pas encore 17 piges, filer en Angleterre, aux Harlequins de Londres, pour lancer une fructueuse carrière de treiziste. Tony Gigot : « J'étais déterminé à réussir, il a vu aussi les sacrifices qu'il fallait faire. Est-ce que cela l'a aidé ? En tout cas, on s'est toujours poussés l'un l'autre. » À la maison, la maman Caroline, aide-soignante, cache sa peine. « Dans notre famille, c'était plutôt : "Ton frère a peur de rien, toi tu es toujours avec nous !" explique Samuel. Il vivait de sa passion, j'avais le meilleur exemple devant moi. »
En mai 2019, avec les Dragons Catalans, Tony Gigot domine les Wigan Warriors (33-16) au Camp Nou, en Super League. Alors joueur du Spartak, en convalescence, Samuel est en transe dans les travées barcelonaises. Les années à Moscou (2018-2022), abouties sportivement, sont parfois douloureuses. Les histoires de visa prennent des tournures kafkaïennes, la famille vient peu.
Naël, le fils de Samuel né pendant sa première saison au Spartak, grandit en France. Samuel Gigot raconte : « Dès que la séparation devenait trop dure, que j'avais deux jours, je rentrais direct de Russie. Il m'arrivait de faire des allers-retours dans la journée, j'arrivais à 5 heures du matin, je voyais mon fils quatre heures et je repartais le soir. » Ils sont désormais réunis et Naël est « en kiff total », dixit Samuel : « Il voit l'OM partout, va au stade, mes collègues m'envoient les vidéos de lui après les matches, il met l'ambiance. Au foot, il me fait tous les joueurs de l'OM, "un coup, je suis Payet, un coup Veretout, un coup Guendouzi" et il essaie de me dribbler. »
Au commencement, il y a la place de dix-septième en tribune. Entraîneur de l'AC Arles-Avignon, en L2, Franck Dumas fait monter une promesse de la réserve avec les pros, mais le week-end venu, dix-septième homme d'une feuille de match qui s'arrête à seize noms, Samuel Gigot va s'asseoir aux côtés de son père et de son agent, Mohamed Benchenafi. « À chaque fois, loyal, Sam disait : "C'est de ma faute, j'aurais dû être meilleur à l'entraînement", se souvient son représentant. Je ne l'ai jamais entendu critiquer son coach ou ses concurrents en défense. »
En 2012, Benchenafi est venu visiter un joueur sous contrat et il est tombé sur son colocataire de 18 ans, le colosse Samuel : « J'ai aimé l'homme, c'est rare, avant de le voir sur un terrain. » Sur ce second volet, il sera vite épaté par son courage et son intelligence. Samuel Gigot : « Mon souhait était de commencer ma carrière avec lui et de la finir avec lui. Ce n'est pas mon agent, mais mon grand frère. » Il oublie de dire le soutien permanent à la famille de Mohamed Benchenafi, à sa femme et ses enfants, quand celui-ci est tombé gravement malade.
Accompagné par son agent et Gaël Givet, son coéquipier à l'AC Arles-Avignon devenu un mentor, il se construit une carrière linéaire. Courtrai (BEL) à l'été 2015, La Gantoise (BEL) début 2017, puis le Spartak (RUS), les choix sont pertinents, l'intégration express, le brassard ou le vice-capitanat une suite logique. Il sourit : « J'étais du Sud, mais je rêvais d'aller jouer sous la pluie, d'un temps à l'anglaise. En Belgique, j'étais servi ! »
À Courtrai, son coach, le fantasque Karim Belhocine, se souvient de deux moments. Côté pile : « À une soirée dans un restaurant privatisé avant les play-offs 2016, dans la forêt, avec une hutte en plein air, Sam a décidé de prendre la sono et de mettre Danza Kuduro, de Don Omar. Toute l'équipe a dansé à la queue leu leu, c'était irréel. »
Côté face : « Après un nul cruel contre Ostende, alors qu'on menait 2-0, il vient me voir pour débriefer la rencontre. Et il se met à parler, à parler, à parler, toutes les analyses sont justes. Ça s'est répété et j'ai compris qu'il finirait entraîneur. » De la Placette à la famille, tout le monde en est convaincu. Samuel Gigot dit simplement : « J'aimerais bien m'occuper des jeunes, plus tard. »
L'Equipe