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FOCUS; "Amine Harit a tant à donner"; Selon René Girard, qui l'a lancée à Nantes, la recrue de l'OM doit enfin confirmer les attentes placées en lui
Les années altèrent les souvenirs sans jamais les effacer totalement. Mais celui-ci se veut à part. Il demeure vivace dans l'esprit des amoureux de Schalke 04. Amine Harit y est associé à jamais, artisan majeur de l'improbable remontada réussie un soir de novembre 2017 dans un derby de la Ruhr enfiévré, dans un Westfalenstadion bourré jusqu'aux cimes du Mur jaune. Dortmund survole les débats, mène 4-0 après 25 minutes de jeu. La suite, c'est Nabil Bentaleb qui la raconte : "Amine entre en jeu et, avec Leon Goretzka, il change le match. Il met un but et on arrache le matchnul(4-4)", rembobine l'ancien milieu de Schalke, blessé ce soir-là.
Pour Harit, ce premier but sous les couleurs du club de Gelsenkirchen, rejoint à l'été précédent pour 10 millions d'euros, en annoncera quelques autres (12 en 119 apparitions). Mais il confirmera, surtout, les attentes placées dans ce milieu offensif aux dribbles déroutants, arraché à Nantes, où il a été formé et où son talent individuel au sein du plus collectif des centres de formation n'a pas toujours été reconnu.
Girard : "Un talent fou, un joueur d'instinct"
René Girard, lui, y a vu comme une évidence et lance ce gamin de 19 ans qui n'a pas froid aux yeux dans le grand bain de la Ligue 1, dès l'été 2016. "Partout où je suis passé, je me suis toujours appuyé sur 4 ou 5 jeunes, Amine faisait partie de ceux-là, insiste Girard. C'est un talent fou, un joueur percutant, d'instinct, capable de faire des choses que peu savent faire. Il a la vista, le dribble, le volume. Il s'est imposé rapidement. C'est le genre de joueur que tu ne vois pas tous les jours." "Cette année-là, à Nantes, la période n'était pas forcément bonne, mais Amine était le seul joueur, malgré son manque d'expérience, qui sortait la tête de l'eau grâce à ses dribbles, sa vivacité et ses actions individuelles. Il m'a tout de suite fait une grosse impression et a montré un très bon niveau", déroule Guillaume Gillet, son partenaire chez les Canaris.
Bentaleb : "L'OM,
un nouveau départ"
L'international belge prend sous son aile cet intrépide milieu offensif, "très jovial, toujours prêt à déconner", insiste pour qu'il gère mieux ses émotions, s'améliore dans le dernier geste. "Il dribblait bien et beaucoup, parfois trop et ses stats étaient insuffisantes", regrette Gillet. Arrivé en décembre 2016 au chevet d'un FCN malade, Sergio Conceiçao, le successeur de Girard, aura une lecture plus radicale du personnage et du joueur. "Ce coach est très exigeant, il voulait une équipe efficace, qui défende bien ; Amine était plus focalisé sur le jeu offensif et pouvait laisser son latéral en difficulté", lâche Gillet.
Son comportement hors du terrain lui joue également des tours. Une mauvaise réputation escorte ses pas. "À Nantes, j'avais l'image du petit con qui voulait sortir en soirée et qui n'était pas sérieux", a-t-il admis dans L'Équipe, en 2018. "Les jeunes pensent avoir tout connu très tôt, pose Girard. Sortir de ce tourbillon est difficile." "Il a été tout de suite titulaire, le contrat a suivi, détaille Gillet. Il adore la mode, les vêtements, les montres, les voitures... Je lui conseillais de rester calme, de ne pas brûler les étapes."
Les ennuis ne l'abandonnent pas avec son départ pour l'Allemagne. Après le Mondial 2018 disputé avec le Maroc et une première saison encourageante à Schalke, ses vacances à Marrakech virent au drame : au volant de sa voiture, il renverse mortellement un homme, est condamné à quatre mois de prison avec sursis et à 780 euros d'amende. Les fantômes hantent ses nuits, il rate la saison 2018-19.
Avant de finir par relever la tête. "Que ce soit en équipe nationale ou en club, il a rencontré des difficultés, a été sanctionné. Mais il a toujours gardé la tête froide et a su rebondir, plaide Nabil Bentaleb. C'est un joueur de qualité et une bonne personne. Je l'ai vu grandir. J'ai vu arriver un célibataire sans enfant à Schalke ; il en est reparti marié, avec deux enfants. Il a d'autres choses à montrer."
C'est donc à l'OM qu'il va tenter de le faire après quatre saisons en Bundesliga (2017-21), lui dont le prêt sans option d'achat a tenu en haleine les supporters bien au-delà de la clôture du mercato. "Jusqu'ici, on n'a pas parlé de lui dans la bonne rubrique, grimace Girard. Ces mésaventures lui ont mis du plomb dans la tête, il a tant à donner. Il a choisi le club qu'il fallait. Avec Sampaoli, il va être à bonne école sur le plan de la rigueur." Bentaleb imagine, aussi, le début d'une belle aventure. "L'OM est une bonne étape pour lui, un bon point de chute après Schalke qui a fini par descendre après plusieurs saisons dans l'élite. Il pourrait apporter un plus par sa créativité. C'est un nouveau départ."
À 24 ans, il est encore temps.
La Provence