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ENTRETIEN; "Un nouveau Ünder"; À quelques heures d'affronter l'OL, ce soir, l'international turc de 25 ans explique sa rédemption post-mondial après un début de saison compliqué
De retour dans le onze de départ de l'OM depuis la reprise du championnat fin décembre, Cengiz Ünder (25 ans) est devenu un élément essentiel aux yeux d'Igor Tudor (39 matches, dont 25 titularisations). Il devrait encore être titulaire ce soir (20h45) contre l'OL en clôture de la 32e journée de Ligue 1. L'international turc (47 sélections, 15 buts) a pourtant vécu le début de saison dans un rôle de remplaçant, loin de son statut de titulaire durant l'ère Sampaoli. Mais à force de travail, le lutin de Sindirgi, sous contrat jusqu'en 2025, a réussi à s'imposer pour ne plus jamais quitter l'ossature de la formation olympienne.
Installé dans une villa de la région marseillaise qu'il occupe avec son frère, un ami kiné et son jeune compatriote Bartug Elmaz, pris sous son aile cette saison, le casanier Ünder ("Je suis trop fatigué quand je sors de l'entraînement", dit-il en souriant) se sent comme un poisson dans l'eau en Provence et à l'OM, où il entend bien jouer la saison prochaine après avoir obtenu la qualification en Ligue des champions. Entretien.
Dans quel état d'esprit êtes-vous avant d'affronter Lyon ?
Je me sens bien, surtout après le but que j'ai inscrit dimanche dernier contre Troyes. Ça me donne encore plus de confiance. C'est un match très important pour nous. On se prépare bien. J'attends avec impatience le coup d'envoi. On doit gagner, c'est capital.
Capital dans l'optique de la qualification en Ligue des champions. Comment voyez-vous cette fin de saison ?
Oui. L'an dernier, on a rempli notre objectif. Cette saison, c'est encore sur notre feuille de route. Un club comme l'OM doit jouer en Ligue des champions tous les ans. Notre objectif est toujours le même : se qualifier en C1. Il faut absolument gagner contre Lyon, continuer à bien jouer. On a encore sept matches à disputer. L'écart au classement est serré avec nos concurrents directs comme Lens et Monaco. Ce n'est pas encore fait.
Après Lyon, vous aurez un autre déplacement compliqué à Lens. C'est votre principal adversaire dans la course à la C1 ?
Il y a Lens, mais il y aussi Monaco. La priorité pour nous est le match à Lyon, c'est la première étape. Chaque chose en son temps. Ensuite, on recevra Auxerre, puis on ira à Lens, un match capital aussi. Mais toutes les rencontres du championnat français sont difficiles, que ce soit à l'extérieur ou à domicile. Lens est une bonne équipe, c'est vrai, elle joue bien, avec du caractère. Mais l'OM est aussi une bonne équipe. On espère qu'on fera un bon match là-bas.
Vous avez marqué votre troisième but de la saison depuis la reprise. Comment expliquez-vous votre renouveau ?
Je suis très content. Le début de saison a été compliqué pour moi, il fallait que je m'adapte aux attentes de l'entraîneur, qui attendait beaucoup plus de moi. Je cours et je me déplace beaucoup plus, je participe davantage au jeu. Il a aussi fallu que je récupère de mes efforts pour satisfaire le coach. Depuis la reprise, je suis titulaire quasiment à chaque match. Je suis revenu à mon niveau. On se souvient souvent de la fin du championnat. Ça tombe bien ! (rire) Mon objectif est de continuer à être encore plus performant, de marquer plus de buts et de faire des passes décisives à mes coéquipiers.
En quoi vous ne répondiez pas aux attentes d'Igor Tudor ?
C'est un nouvel entraîneur, avec un nouveau système, une nouvelle philosophie, avec du un contre un. Je me fatiguais très vite, il a fallu que je travaille physiquement. Avant, avec Jorge Sampaoli, je restais sur le côté droit. Là, je participe offensivement et défensivement, je suis plus impliqué dans le pressing. Je me suis posé des questions au début, je me demandais si j'allais y arriver. Mais je me suis aperçu que c'était faisable en travaillant, que je pouvais évoluer dans mon jeu. Je suis content de satisfaire les attentes du coach Tudor.
Certains disent que vous travaillez plus depuis le stage hivernal à Marbella...
Marbella a été un tournant, c'est vrai. Au début, je restais dans mon style et ça ne correspondait pas à ce que l'entraîneur attendait. Je ne dis pas que je faisais de la résistance, mais je me suis cantonné à faire ce que je savais faire. Puis je me suis dit que je devais m'adapter, progresser, appliquer ce qu'il me demandait si je voulais être titulaire. J'ai pris du recul, je me suis beaucoup plus impliqué. À Marbella, j'étais dans un état d'esprit totalement différent, nouveau. J'ai pu retrouver le onze de départ. On peut dire que c'est un nouveau Cengiz Ünder. Il y avait des choses que je ne n'avais jamais mises en avant. Je me répète, mais je cours beaucoup plus, je reviens en défense, je suis plus mobile et je combine davantage avec mes partenaires.
Avez-vous pensé à quitter l'OM lors du mercato hivernal ?
Jamais. Ça ne m'a pas effleuré l'esprit. J'ai lu ici et là que des rumeurs évoquaient mon transfert, mais je n'y ai jamais pensé. Je considérais que j'avais fait une très bonne première saison et que je ne voulais pas partir comme ça. Je me suis bien adapté à Marseille, je me sens bien ici. J'en ai discuté avec mon manager et à aucun moment je n'ai souhaité partir dans un autre club.
On parle de vous pour un probable départ cet été. Pourriez-vous partir cette fois ?
J'ai lu ça, mais franchement, ce n'est pas d'actualité. Ce n'est pas un sujet. Je suis bien ici, j'ai envie de bien finir la saison, de nous qualifier en Ligue des champions et de rester à Marseille. Je suis un élément important de l'équipe, je veux continuer à l'OM. Mon seul objectif pour cet été, c'est de prendre des vacances ! (rires) Et de revenir à Marseille. Partir n'est pas envisageable.
Votre agent est Mirsad Türkcan, l'ancien basketteur (ex-NBA et MVP de l'Euroligue). Quels conseils vous donne-t-il ?
Ça fait quelques années qu'on travaille ensemble. On a des rapports père/fils, on est très proche. Il m'appelle au moins trois fois par jour, matin, midi et soir. Ses enfants sont comme mes frères. C'était un grand joueur de basket, il a un caractère très combatif. Il me conseille surtout de travailler, et de tout le temps en vouloir plus, ne pas se contenter de ce qu'on a. Il fait partie de ma famille.
Quelle est votre relation avec Igor Tudor ?
Nos rapports sont bons. Il m'apprécie, la preuve c'est qu'il me fait jouer. Je joue donc je suis bien, je suis content de répondre aux attentes. Tout va bien.
Il a pu être dur en début de saison, à la différence du paternaliste Jorge Sampaoli...
Ce sont deux tempéraments différents, c'est vrai. Sampaoli était proche des joueurs. Tudor donne l'impression qu'il est dur, mais avec nous, il est très ouvert, direct, on communique très bien. Après, oui, c'était difficile pour moi en début de saison, mais j'ai fait des erreurs aussi. Je le reconnais. Aujourd'hui, je l'apprécie, il m'apporte beaucoup, il m'a fait découvrir des choses en moi que je ne soupçonnais pas.
Dans quel secteur avez-vous progressé depuis que vous avez signé à l'OM ?
Dans la combativité et dans l'aspect physique. J'ai appris un nouveau poste aussi. Je jouais dans la position de Clauss mais j'ai réussi à m'adapter à un autre poste. L'an dernier, j'étais tout le temps le long de la ligne, je recevais plus de ballons. Cette saison, mon style est différent.
Comment vous sentez-vous dans le vestiaire ?
J'ai de très bons rapports avec tous les joueurs. J'ai de la chance d'être dans ce groupe, je suis très proche de certains. Je ne vais pas donner de noms, mais si je devais en citer un, je dirais Sead (Kolasinac). C'est un bon copain, il habite à côté de chez moi, on se voit très souvent.
Vous avez accueilli trois nouveaux joueurs en janvier, dont Vitinha, qui a inscrit un doublé contre Troyes. Que vous apporte-t-il sur le terrain ?
C'est un nouveau joueur, c'est la première fois qu'il joue en dehors du Portugal. Ce n'est pas évident, il faut un temps d'adaptation. Il est dans cette phase-là, mais c'est un grand bosseur, très agréable à vivre. J'étais très content pour lui qu'il marque ses premiers buts. Il va s'habituer, il est volontaire et au fur et à mesure on va découvrir un très bon joueur.
Vous avez marqué vous aussi dimanche, mais vous pourriez avoir plus de buts au compteur si on regarde le nombre de matches joués, votre position et le nombre d'occasions manquées. Comment expliquez-vous ce manque de réussite alors que la saison dernière vous aviez inscrit 13 buts ?
Je n'en marque pas beaucoup cette saison, j'en suis conscient et j'en parle souvent avec mes coéquipiers. Mais il faut bien comprendre que le système est plus particulier pour moi. C'est moins facile pour un attaquant avec ce jeu direct. J'ai eu de la malchance aussi, j'ai raté des occasions, j'ai touché les poteaux parfois... Dans tous les cas, je ne me considère pas moins performant. Je joue, je participe davantage à la construction du jeu et je suis plus fatigué car je suis plus en mouvement. Avec cette débauche d'énergie plus importante, je perds parfois en lucidité devant le but. L'an dernier, j'avais aussi plus souvent la balle dans les pieds. J'espère que ça va basculer dans le bon sens. Mes efforts vont payer.
Vous parlez très souvent de courses et de déplacements. Combien de kilomètres effectuez-vous par match ?
11km en moyenne. Mais ce n'est pas le fait de courir beaucoup qui me fatigue, c'est surtout de répéter les courses à haute intensité. Je fais partie des trois joueurs de l'équipe qui font le plus de sprints par match, ça peut être des sprints courts, plus longs... J'en fais beaucoup plus que l'an dernier, c'est une évidence.
Pouvez-vous nous expliquer quel était le sens de votre célébration après votre but, avec les poings sur les tempes ?
J'ai vu un vieux monsieur faire ça en Turquie quand il est interviewé. J'ai trouvé ça marrant. Je l'ai fait en pensant à lui, il n'y a pas de signification particulière. Je ne le connais pas, je l'ai vu dans une interview dans la rue. Mais je le referai si je marque encore !
Vous avez comparé l'ambiance du Vélodrome avec celle de Besiktas, à Istanbul. Êtes-vous toujours bluffé par la ferveur des Marseillais ?
Je suis toujours émerveillé par cette ambiance quand je pénètre sur la pelouse. Les supporters ne nous laissent jamais seuls, que ce soit à domicile ou en déplacement. Le stade est tout le temps plein, il y a toujours de la passion, ce soutien à l'équipe. Les scénographies sont à chaque fois exceptionnelles. En Turquie, les supporters sont chauds et bouillants, c'est vrai, mais ici aussi. Ils m'étonnent à chaque fois. Jouer dans un stade avec une telle ferveur, c'est un vrai bonheur. Ça fait aussi partie des raisons pour lesquelles je me sens bien ici. Jouer devant des supporters comme eux, c'est exceptionnel, ça n'arrive pas à tout le monde. Je le répète, mais je veux continuer à jouer ici, je ne pense pas à autre chose.
Certains supporters trouvent que vous êtes parfois trop prévisible dans votre jeu. Comment percevez-vous ces critiques ?
Je n'ai pas grand-chose à ajouter par rapport à ce que je lis. Je vois que certains disent que mon style est identique, qu'il n'y a pas de nouveauté dans mon jeu... Je n'ai pas cette impression. Je joue comme je sais jouer et en fonction de ce qu'on me demande de faire. Tout le monde peut faire des remarques. Même quand je suis désigné homme du match, certains font quand même des critiques. C'est notre lot, on est tous confronté en tant que joueurs à ce genre de remarques. Mais je suis sur le terrain et, vous savez, je suis le premier à faire mon autocritique après les matches.
Vous avez joué en Serie A et en Premier League, que pensez-vous de la Ligue 1 ? Certains joueurs vous ont-ils impressionnés ?
La particularité du championnat, c'est la vitesse et le physique. Tous les matches sont compliqués, ce qui n'est pas le cas en Italie ou en Angleterre. Il y a de bons joueurs, mais il y a des choses que je ne peux pas dire... (rire) (On lui souffle le nom de Mbappé) Kylian est exceptionnel, c'est un des meilleurs joueurs du monde. Si je devais en dire un, ce serait lui. Mais il joue à Paris...
La Provence