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LIGUE 1; Le mystère Gerson; Au moment où l'OM se rend à Angers ce soir (21h), le milieu brésilien, auteur d'un début de saison particulièrement décevant, a perdu de son influence dans le jeu. Comment le relancer, alors qu'il a aussi perdu sa place en Seleçao et devrait rater la coupe du monde ? Il sera titulaire ce soir mais joue gros
Il boude. La mine renfrognée, le regard noir, Gerson est sorti en râlant quand Amine Harit l'a remplacé à la 59e minute de la 2e journée de Ligue des champions face à Francfort (0-1), le 13 septembre. Le Brésilien a traîné les pieds pour rejoindre la touche, comme si le sort de son équipe passait après le sien.
On ne l'a plus revu sur un terrain depuis. Resté sur le banc face à Rennes cinq jours plus tard, il n'était pas non plus sélectionné par Tite pour les matches face au Ghana et à la Tunisie, préparatoires à la coupe du monde. Mais que se passe-t-il donc avec le numéro 8 de l'OM, méconnaissable depuis qu'Igor Tudor a succédé à Jorge Sampaoli ?Mystère.
Pardo : "Il doit s'affirmer"
"Il n'est plus le joueur qu'on a connu en fin de saison dernière, résume à juste titre l'ancien aboyeur de l'entrejeu marseillais Bernard Pardo (1990-91). Ce n'est pas bon de faire une superbe année si on n'arrive pas à confirmer derrière, surtout à Marseille. Lors des quatre derniers mois de 2021-22, on s'est dit : 'C'est bien, on a un cadre, un phénomène, ceci et cela...' Finalement, il n'assume pas ce statut.Il est vrai, également, qu'il est encore jeune (25 ans), c'est un peu tôt pour être un patron. Peut-être qu'on attend donc trop de lui."
Et le Gardannais d'enchaîner, au sujet de son attitude : "C'est aussi à lui de prouver qu'il peut devenir l'un des leaders de l'effectif. Quand on le voit sortir contre les Allemands, on n'a pas l'impression qu'il en ait envie."
Désiré par "El Pelado", qui en avait fait son homme à tout (bien) faire, le Sud-Américain est-il vraiment adapté à la nouvelle philosophie de l'OM, faite de pressing et de courses à haute intensité ? "Il y a presque une incompatibilité entre les demandes de Tudor et ce que Gerson est, lui, en tant que personne, relève l'ex-coach olympien Gérard Gili (1988-90, 1995-97). Quand on change d'entraîneur, on n'a pas les mêmes liens avec le nouveau venu, mais il faut les tisser. C'est le football. Lorsqu'un joueur a des hauts et des bas comme ça, cela veut dire qu'il y a un aspect psychologique et mental important à gérer. Derrière ses abords un peu distants, il a sans doute besoin de rapprochement et d'affection. Il paraît très sensible. Il est quelquefois impulsif et s'énerve parce que les choses ne vont pas bien. Il doit avoir besoin d'être soutenu et encouragé. Il faut lui montrer qu'on l'aime pour qu'il puisse donner le maximum."
Après un été marqué par une altercation avec le Croate et des premières semaines ratées, il doit maintenant se relancer. Mais comment y parvenir ? "Il y apeut-être un souci physique : il a besoin de jouer, estime Fabrice Abriel, champion de France 2010 et double vainqueur de la coupe de la Ligue (2010 et 2011) sous le maillot blanc. La problématique pour un entraîneur, c'est de faire marcher un collectif et de donner de la confiance individuelle. Là, Tudor a beaucoup de choix et ne lui laisse donc pas forcément le temps, d'autant que les résultats en championnat sont favorables.Après, se pose forcément la question de son positionnement."
Édouard Cissé, son ancien partenaire à l'OM, développe : "Il joue peut-être un peu haut, ce n'est pas son poste. Il peut dépanner, mais ce n'est pas là où il est le meilleur. Il faudrait le placer dans le coeur du jeu. Mais on se priverait alors de Guendouzi, Rongier ou Veretout. Gerson est quelqu'un qui va toucher le ballon, faire des merveilles, comme Lucho à l'époque. Si on l'avait aligné plus haut, on aurait aussi dit qu'il était lent."
Vitorino Hilton, Olympien à la même époque, ne s'inquiète pas pour son compatriote : "C'est un très bon joueur, on l'a vu l'année dernière. Il avait eu du mal à s'adapter au championnat français, c'était ensuite venu. Cette fois, la préparation n'a pas été idéale avec le changement de coach. Il avait la confiance de Sampaoli. Ce n'est pas le seul à avoir des difficultés."
"Un joueur doit savoir qu'il ne va pas faire toute sa carrière avec le même entraîneur, il faut s'adapter, tempère Pardo. Et encore, il est à l'OM ! Il n'a pas trop à se plaindre. Qu'est-ce que ce serait s'il évoluait dans un club qui joue le maintien ? Je crois qu'il faut encore lui donner sa chance. Les qualités, il les a, mais il doit s'affirmer."
Le Carioca ne le fait plus à Marseille, ni dans son pays, où il a perdu sa place en sélection. "La coupe du monde peut jouer dans son esprit, note Hilton. Il a peut-être la pression de vouloir disputer un Mondial." Mais il a peu de chances d'être au Qatar.
"Ce n'est pas vraiment une surprise qu'il ne soit pas dans le groupe, confie Éric Frosio, correspondant de L'Équipe au Brésil. Il n'a jamais été indiscutable. Il a eu sa chance l'an dernier mais dans son secteur, il y a déjà Casemiro, Fabinho et Fred. Le dernier strapontin qu'il pourrait prendre est occupé par Bruno Guimaraes, qui lui est passé devant, donne satisfaction et a progressé depuis qu'il est à Newcastle. Il s'est bien fondu dans le collectif et c'est peut-être un peu moins vrai pour Gerson, qui a une personnalité plus fermée. Cela s'est vu à Marseille. Même si Tite apprécie sa polyvalence, il ne sera sans doute pas dans les 26, à moins d'une blessure."
Le journaliste poursuit : "Avec l'OM, il y a eu des hauts, mais aussi des bas, son début de saison est mauvais. Cela ne plaide pas en sa faveur. Il faudrait qu'il décolle très vite et très fort pour retaper à la porte de la Seleçao. C'est dommage. Chez les supporters de Flamengo, c'est une idole absolue. Mais les Brésiliens ne crient pas au scandale quand il n'est pas sélectionné."
À Gerson, donc, d'essayer d'inverser la tendance. Mais en aura-t-il le temps et, surtout, la possibilité puisque son coach à l'OM n'en fait pas un homme clé de son escadron, loin de là ?
"Il s'est pris la tête en début de saison avec Tudor, dont je comprends le management, continue Cissé. Il est passé par l'Italie, c'est très ordonné et discipliné. Est-ce que Gerson peut s'épanouir dans ce système-là ? J'ai toujours apprécié ce joueur, même au début quand il se faisait critiquer, parce que je trouve qu'il est intelligent. Avec Sampaoli, il a été très intéressant durant quatre mois, mais je pense qu'il fonctionne à l'affect."
"Il manque de constance, observe Pardo. Il y a aussi certains joueurs dont on ne connaît jamais vraiment le poste, il en fait partie. C'est un caméléon, on peut le faire jouer partout. Mais attention, il n'a pas été aussi bon l'an dernier par hasard. Il faut en attendre un peu moins. Il faut se calmer, se tempérer et lui laisser du temps."
En aura-t-il sur le pré ? Et, surtout, n'a-t-il pas déjà fait le sien à l'OM ? S'il n'a pas été placé sur la liste des transferts lors du marché estival, il n'en reste pas moins l'une des plus fortes valeurs marchandes du club marseillais. En cas d'offre XXL lors du mercato hivernal, il pourrait ne pas être retenu. Surtout s'il ne relève pas la tête. Le mot de la fin pour Gili : "Pour le relancer, il faut lui trouver une place qui corresponde à ses qualités. Il est capable d'accélérer, dribbler et d'aller vers le but. Ce n'est pas un récupérateur, pas un gars qui court beaucoup." Cavaler constamment, c'est pourtant ce qu'exige Igor Tudor. Il en aura l'occasion ce soir à Angers puisqu'il sera titulaire.
La Provence