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Mélodrame en trois actes
Comment la relation entre Jorge Sampaoli et Arkadiusz Milik s’est détériorée en moins d’un an. Ba.C., M.Go. et M.Gr.
Aujourd’hui, Arkadiusz Milik ne trouve plus sa place dans les plans de Jorge Sampaoli. Explications de la dégradation de la relation entre l’attaquant polonais et l’entraîneur argentin.
Le temps des amours
Le carnassier sourit de toutes ses dents, ce 26 janvier 2021. Lors de sa présentation, Milik dévoile ses ambitions après six mois sans jouer à Naples, stigmate d’un interminable bras de fer avec le président Aurelio De Laurentiis à propos de sa prolongation de contrat. Via un montage complexe, Pablo Longoria offre à André Villas-Boas le grand attaquant qu’il réclamait tant. Milik ne disputera qu’une trentaine de minutes pour AVB, à Monaco, le Portugais démissionne au cœur d’une crise majeure, marquée par la prise de la Commanderie, le 30 janvier.
Alors que les cyprès brûlent, que les vitres sont brisées et les grillages enfoncés, le Polonais raconte aux plus jeunes qu’il a vécu bien d’autres péripéties à Naples, où les têtes brulées locales n’ont rien à envier aux plus véhéments supporters de l’OM. Milik est aussi détaché du contexte que clinique sur le terrain. Il marque pour sa première titularisation, à Lens (2-2), le 2 février. Le serein Nasser Larguet puis le bouillant Jorge Sampaoli en font leur vaisseau amiral, celui qui fait peser une menace constante sur les défenses, qui transperce les filets sur des penalties tirés à balle réelle et enchaîne les réalisations, dix toutes compétitions confondues, pour quinze titularisations. La relation technique avec Dimitri Payet et Florian Thauvin, qui se rapprochent de lui pour combiner plein axe, est pure, les ego des vedettes de l’OM semblent même canalisés par sa venue.
Le temps des doutes
La donne a bien changé, ce 30 septembre 2021. Face à Galatasaray (0-0), Milik entre en seconde période, son premier match depuis une blessure au genou gauche à Metz, le 23 mai. Elle l’a privé de l’Euro avec la Pologne, son objectif prioritaire. Le gaillard était venu à l’OM pour rassurer son sélectionneur et briguer une place dans un grand club européen : son prêt comporte une option d’achat obligatoire, mais il a un accord avec Longoria pour une revente immédiate si une offre supérieure à 12 M€ arrive. La convalescence balaie ces projets.
Sampaoli, lui, recrute à foison et bâtit à l’été une équipe de possession, qui va tenter d’interpréter son football idéal. En septembre, elle le récite à Monaco (2-0), à Moscou (1-1) ou contre Rennes (2-0), trois prestations de haute volée. Le jeunot Bamba Dieng (21 ans) éclot, Payet brille de mille feux, souvent en faux n°9, Milik revient comme un cheveu sur la soupe. Il le ressent et sollicite une discussion avec Sampaoli. L’Argentin trouve son équipe mieux couverte à la perte du ballon quand il ne joue pas, il a des arguments : son avant-centre doit retrouver 100 % de ses capacités, s'imprégner tactiquement des besoins de l'équipe. Milik assiste à des séances vidéo où on lui explique quels déplacements faire. Il ne le prend pas très bien mais il s'y plie. En décembre, à Nantes (1-0) ou à Strasbourg (2-0), ses camarades alignent sans lui des sorties convaincantes. L’indispensable du début 2021 devient une valeur périssable, pour le staff comme pour certains de ses coéquipiers.
Le temps de la discorde
Face à Karabagh (3-1) en Ligue Europa Conférence, jeudi, Milik inscrit un doublé et sort en rouspétant à la 68e. Agacé par sa seconde période, il aimerait ajouter un troisième but, il est vexé par la décision de Sampaoli. Il n’hésite plus à montrer son mécontentement. Après Lens-OM (0-2), le 22 janvier, et un match entier à regarder la partition de ses collègues depuis le banc, il s’étonne auprès de Marek Jozwiak, consultant à Canal+ Sport Pologne, des passes qui n’arrivent jamais.
Après Metz-OM (1-2), le 13 février, et un retourné acrobatique sublime et salvateur, le remplaçant du soir évoque son incompréhension devant les choix de son coach. Après un automne creux, Milik marque à nouveau, beaucoup, et pique son entraîneur. Celui-ci a répliqué hier. Sur le fond, en détaillant ses reproches tactiques : « Comme finisseur, Milik est top, mais, dans la communication, il peut s’améliorer. Il peut trouver des partenaires libres sur le terrain, atteindre d’autres espaces. Chaque joueur doit fixer pour lui ou pour son partenaire, occuper l’espace. Il doit ajouter cela à son jeu. »
Sur la forme, en éreintant les états d’âme de son buteur : « Ce que je lui ai dit, c’est qu’il doit être heureux. Il a marqué deux buts, l’OM a gagné, un partenaire est entré à sa place et il ne doit pas être frustré. On a parfois l’impression que les joueurs cherchent des excuses pour ne pas être heureux. S’il n’est pas heureux, il doit peut-être aller voir d’autres personnes pour leur expliquer pourquoi. » Milik comme Sampaoli, têtus et sûrs de leur éthique de travail, ne semblent pas prêts à accorder leurs violons. Pour tenir jusqu’à l’été, une intervention du diplomate Longoria, resté proche de l’attaquant, apparaît inéluctable.
L'Equipe