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LILLE; Lihadji, porté disparu; Deux ans après son départ de l'OM , le minot de 20 ans s'est perdu dans le Nord. Poussé vers la sortie, il ressemble à un gâchis
Il aurait pu revenir une troisième fois au Vélodrome, ce soir, avec l'envie de jouer un vilain tour à son club formateur. Il n'en avait pas eu l'occasion lors de son pèlerinage initial, Christophe Galtier le laissant sur le banc. Au contraire de Jocelyn Gourvennec qui lui avait pourtant permis de fouler le temple marseillais en janvier dernier, "Galette" l'aimait bien, Isaac Lihadji, ce minot du Parc Kalliste (15e) arraché au nez et à la barbe de l'OM à l'été 2020, en contrepartie d'un premier contrat pro juteux. "Vu ce que Lille lui proposait et d'où vient Isaac, c'était normal qu'il parte", croit-on savoir au centre Robert Louis-Dreyfus. Jacques-Henri Eyraud et Andoni Zubizarreta avaient laissé l'affaire s'enliser. Le président et le directeur sportif d'alors avaient pourtant été rapidement avertis du talent de ce gaucher intrépide, après un tournoi en Espagne où il avait brillé.
Ils se sont réveillés trop tard, comme souvent, et se sont perdus dans d'interminables négociations qui semblaient perdues d'avance avec le clan du Marseillais. Et celui-ci a répondu favorablement aux sollicitations lilloises, snobant l'OM malgré deux apparitions sous Villas-Boas et s'épargnant peut-être la pression qui escorte les pas des gamins du cru.
"Machine infernale"
"Le projet lillois m'a beaucoup intéressé. Le LOSC fait énormément confiance aux jeunes. C'est une très bonne équipe que j'espère intégrer rapidement. La pression, je ne la connais pas. Je suis venu ici pour de bonnes raisons." Ainsi s'exprimait Lihadji lors de sa présentation aux médias, le 16 juillet 2020. Deux ans plus tard, le voilà porté disparu, les promesses semées se sont rapidement fanées. Il s'entraîne désormais en marge du groupe pro, avec la réserve. Son cas fait grincer les dents de la direction lilloise. "Son avenir n'est pas au LOSC. Il y a eu un certain nombre de sollicitations, des propositions. Le joueur les a déclinées. Je n'ai pas compris son choix. À lui de savoir ce qu'il veut faire, si à son âge il a envie de jouer au foot ou de faire autre chose." La charge est signée Olivier Létang. Le président nordiste a peu apprécié que le Marseillais repousse les avances du Lokomotiv Moscou ou de Saint-Étienne. Il espère trouver une issue positive avec la possibilité pour les écuries hexagonales de l'enrôler comme joker.
"C'est un gâchis, comme (Bilal) Boutobba", regrette-t-on au centre de formation olympien. Où l'on garde l'image d'un "garçon tranquille, très timide, poli, décrypte l'ancien patron de la pouponnière, Jean-Luc Cassini. Il aimait le foot. Il avait du talent et était au-dessus par sa technique ou sa vitesse d'exécution. Il y avait peu de joueurs comme lui dans la région." Ce n'est pas un hasard s'il passe un essai au FC Barcelone, en 2013, à 11 ans.
Il rejoindra l'OM, finalement, sans doute parce que Cassini et le docteur Joël Coste se sont occupés de lui lorsqu'il s'est cassé la jambe. "Pendant deux ans, il a été un peu dans le doute", témoigne Cassini. Ce dernier croit en lui. Il contacte un autre Marseillais, Jean-Claude Giuntini sélectionneur des U16 français, pour qu'il le voie à l'oeuvre. "Doté d'un très bon état d'esprit, il s'est très vite intégré et a été adoubé par les autres", rembobine Giuntini. Les sélections s'enchaînent : Euro U17, Mondial U18. Le début d'un engrenage terrible. "Sa réussite rapide l'a amené à être pris dans un tourbillon médiatico-technico financier, souffle l'ex-sélectionneur. Dans ces cas-là, il faut maîtriser l'environnement, garder les pieds sur terre pour continuer à progresser et franchir les étapes de la vie." "Isaac s'est fait draguer par tous les agents, s'est retrouvé sur une autre planète. La machine infernale était lancée. Personne n'a su le protéger. Il n'était peut-être pas formaté pour ça. On savait que ça allait venir, mais ça a été mal fait. Boubacar Kamara, c'était une carcasse, il a joué en National 2 à 16 ans et demi. Avec Isaac, il fallait être plus patient", estime Cassini.
L'apprentissage du haut niveau s'avère cruel pour celui qui a débarqué dans le Nord précédé d'une réputation flatteuse et d'une affaire aux basques (*). "Lille était peut-être un peu trop haut, évalue Cassini. Il renvoie l'image d'un gamin perdu." "Ses minutes de jeu se comptent presque sur les doigts d'une main, image Giuntini. Vu son talent, c'est dommage qu'il joue si peu. À voir si l'occasion de donner une nouvelle orientation se présente." À 20 ans, il n'est pas trop tard. À condition de prendre enfin les bonnes décisions, histoire d'éviter un nouveau gâchis.
La Provence