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As de coeur; L'OM compte dans ses rangs un sacré personnage : aussi costaud et déterminé sur le terrain que drôle et affable dans la vie de tous les jours, le défenseur de 32 ans est l'un des leaders du groupe olympien. Portrait d'un taulier
C'était totalement improbable. Et pourtant... Ces derniers mois, la sculpturale Pamela Anderson a forcément écouté quelques morceaux de "L'École du micro d'argent" d'IAM, l'un des albums fétiches de son grand gaillard de boyfriend, Adil Rami. Un gars en or massif, formé au bahut de l'humilité, celui de la vraie vie. Un joyeux luron attachant, adepte de bon son brut et de Playstation.
L'odeur du cambouis dans les garages, la galère du réveil à 4 heures du mat', le ramassage des déchets au bord des routes, le nettoyage des graffitis, les chaussures de sécurité : le cadre olympien connaît tout ça sur le bout des doigts. Il n'oublie rien de son passé d'employé municipal à Fréjus. "Je me dis que je ne suis peut-être pas le meilleur défenseur du monde, mais j'ai l'un des plus beaux parcours. Il est extraordinaire", nous confiait-il fin janvier.
À cette époque, déjà, l'Azuréen de 32 ans clamait son envie d'aller au bout de la Ligue Europa avec l'OM. Il y croyait dur comme ses pectoraux (même amochés, comme l'est le droit, après une rupture du tendon à l'été 2017). On y est, même si demain c'est (encore) loin.
Le bonhomme à la barbe finement taillée chez Mehdi Bouzghaia, génial ciseleur du boulevard National (La Provence de samedi), a en tout cas apporté sa pierre à l'édifice européen de la maison bleue et blanche. À tous les niveaux : sur le rectangle vert et en coulisses.
Atout piques (et chambrage)
Invitez Adil Rami dans une réunion aussi désopilante qu'un meeting du Medef, il parviendra à rendre hilare une partie de l'assistance. Boute-en-train aussi efficace dans l'intimité d'un collectif qu'un Basile Boli dans les années 90, il est un maillon fort du vestiaire. Que ce soit à La Commanderie ou dans une salle de sport des Alpes-Maritimes, telle que le Brobox de Villeneuve-Loubet, spécialisé en crossfit.
C'est là, en toute discrétion, qu'il s'est préparé l'été dernier avant de signer à l'OM. "Vu sa personnalité, on a bien accroché, apprécie Guilhem Brocchi, gérant et head coach de ce complexe familial. Au foot, il y a la carrière, la performance... Mais là, avec nous, il a démarré une nouvelle activité dans laquelle il n'était pas du tout le meilleur au départ. Par sa façon de travailler, de rigoler, de chambrer, il est très vite devenu un leader du groupe. Il l'est, où qu'il aille, de par sa façon d'être et de se comporter."
Le Brésilien Tulio de Melo, champion de France 2011 à ses côtés à Lille, garde en mémoire les parties de rigolades déjantées initiées par son ancien partenaire. "Il est toujours de bonne humeur, souligne le Sud-Américain. Il est spontané et dit ce qui lui passe par la tête. C'est ça qui fait qu'il est spécial. Il met l'ambiance. Je l'aime beaucoup et je l'admire vraiment."
La semaine passée, lors du Media Day de l'UEFA organisé au centre RLD, la conférence de presse commune de Rami et Rolando fut d'ailleurs une bonne pause de gaieté. "Lui, je le laisse parler tout seul et je me barre !", s'est marré le Capverdien, interrogé sur le côté taquin de son binôme en charnière. "Je l'attaque souvent...", a confirmé l'intéressé, l'air facétieux, avant de poser lui-même une question à la responsable du pôle presse du club, présente à ses côtés : "Chambrage, ça se dit ça ? Allez, on va inventer les mots !" Le petit Robert ne connaît effectivement pas ce terme du grand Adil. Mais, après tout, qu'importe : le Larousse médical ne donne pas non plus la définition de sa formule magique : "La science, on la nique !" (sic) Ce qui ne l'a pas empêché de réellement le faire en revenant plus tôt que prévu lors du quart de finale retour face à Leipzig (5-2), le 12 avril.
SE DéFAUSSER ? jAMAIS...
Rester scotché sur le banc comme un aimant ? Pas le genre du personnage. Ce soir-là, le défenseur s'est donc jeté dans la bataille, malgré une déchirure au mollet contractée moins de deux semaines plus tôt. Impossible, pour lui, de n'être que spectateur de cette saga de l'OM, comme il l'avait été à l'aller en Allemagne. "Il n'a pas peur de se faire mal. Avec lui, tu peux aller à la guerre !", lance Mickaël Landreau, ex-coéquipier au Losc. "Il se bat pour l'équipe jusqu'au bout. Il tire les autres vers le haut", renchérit Tulio de Melo.
Cet engagement à toute épreuve n'étonne absolument pas l'un de ses meilleurs amis, Mehdi Baghdad, alias "The Sultan", combattant professionnel UFC. Les deux compères se sont connus sur les terrains de football du Var et de la Côte d'Azur quand Adil Rami était encore amateur. L'un évoluait à Toulon, l'autre à Fréjus. "Nous avions des amis en commun, nous avons donc commencé à sortir ensemble, raconte le champion de K-1. Je suis parti vivre au Brésil, puis aux États-Unis, mais il vient tous les ans. Chaque fois qu'on se voit à Los Angeles, il veut que je lui montre des techniques. Il a ce côté fighter. On se fait des petites séances. Il adore voir les combats dans la cage."
Juste un hobby de vacancier, bien sûr. Mais ça correspond bien au tempérament animal et bestial de l'international. "Il a faim !, s'exclame son pote. Sur le terrain, quand il saute à la tête, il est là... Il mouille le maillot."
"Il a toujours eu une grosse puissance athlétique, il aime aller au duel, abonde Landreau. Il ne se cache pas, enchaîne les performances et a une grosse caisse."
Au Brobox de Villeneuve-Loubet, l'athlète a d'ailleurs impressionné. "Il revenait de blessure (au mollet, contractée en avril à Séville), se souvient Brocchi. Il a débarqué sur la pointe des pieds, en nous demandant si c'était cohérent et intéressant pour lui de faire du crossfit. Il avait un préparateur dans le Var le matin, faisait de la natation, de la boxe... L'après-midi, il venait chez nous. Il s'est très vite fondu dans la dynamique." Au programme : courses, saut, haltérophilie, cardio. "Il s'est mis en danger : il y avait toujours quelqu'un à sa droite qui courait plus vite, quelqu'un à sa gauche qui faisait plus d'abdos...Mais le goût de l'effort et du dépassement de soi, il l'a en lui."
Pas de quoi l'effrayer : avec cette émulation, Rami est dans son élément. C'est ainsi qu'en juin, il a aussi participé à l'édition parisienne de la Spartan Race, cette course d'obstacles où il faut même ramper dans la boue sous des barbelés avant de franchir la ligne d'arrivée.
Roi de la simplicité
"Humainement, il est au top, relève en outre l'entraîneur en chef de la salle du 06. Il venait, faisait son truc, rangeait ses barres comme les autres adhérents. J'avais un a priori sur les footballeurs de haut niveau. Le fait de l'avoir côtoyé m'a fait changer d'analyse. C'est un mec bien, rigolo, ancré dans le réel."
"Il est généreux et donne dans la relation, note Landreau. C'est un bon vivant, qui aime partager. Il se sent bien avec les gens."
Il est le même avec tous ses interlocuteurs, quand bien même ceux-ci ne sont pas nés sous la même étoile que les vedettes du ballon rond. "Adil, c'est monsieur tout le monde, répète son copain Baghdad. Si un fan, même 'relou' vient le voir, il va le faire s'asseoir et même manger avec nous. Il ne fait pas la star, il est resté très simple.Ce n'est pas parce qu'il a gagné un peu plus d'argent que tout le monde qu'il a commencé à changer ou à vouloir se montrer..."
Dans la cité phocéenne, il a d'ailleurs ses habitudes dans le même restaurant proche du Vélodrome, les mêmes boutiques du centre-ville, où on apprécie son authenticité et sa simplicité. La légendaire pression olympienne ? Il s'en est accommodé à la vitesse grand V.
L'OM, la suite logique
Mardi dernier, devant les journalistes, Rami a d'ailleurs passé une petite dédicace dont il a le secret à ceux qui doutaient de lui en juillet 2017, au moment de son arrivée. "Il y avait pas mal de pessimistes, qui pensaient même parfois que j'avais peur. Aujourd'hui, je fais un big up à tous ces gens... Je ne vais pas sortir tous les noms, parce que je ne suis pas en mode punchline, mais je les ai en tête. C'est mon caractère. L'OM est un club qui aime les joueurs qui mouillent le maillot. Je ne suis pas un grand talentueux mais je suis un battant."
"Je sais qu'il aime Marseille depuis toujours, glisse Tulio de Melo. Quand il était à Lille avec nous, il disait qu'il rêvait d'y jouer."
Originaire de Six-Fours-les-plages, le "Sultan" corrobore : "Ce club, il l'adore depuis tout petit. C'est comme un rêve : à Fréjus, comme à Toulon, c'est l'OM... On a toujours eu un ami ou un frère qui était supporter, à l'époque Ravanelli par exemple. Adil, c'est un peu l'enfant du pays." Et comme pour lui, "Marseille est un pays dans un pays", il s'y sent comme un poisson dans l'eau.
"On les aura les méchants", se plaît-il souvent à dire, tout en faisant abstraction de cette mentalité typiquement française si prompte à dénigrer ses propres héros. "Je ne vais pas dire ce que j'en pense, sinon on va encore me taper dessus, ironisait-il voilà sept jours. Contre Leipzig, on nous voyait perdants. Et puis derrière, on entend : 'Oui mais bof, c'était pas terrible.' Salzbourg était pour moi l'une des meilleures équipes de la compétition, ça rend la finale encore plus belle..."
L'histoire de Rami l'est aussi. Il est l'as de coeur de cette épopée de l'OM. Si seulement il pouvait marquer demain, sur corner, à la 44e minute. Même de la fesse. On prend !