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Adil Rami
Sortie de route
Le défenseur de l’OM n’avait pas joué une seule minute en Russie. Pourtant, le titre de champion du monde lui est monté à la tête et il a complètement raté sa saison. Jusqu’à être licencié ? Texte Dave Appadoo Dans quelques jours peut-être, Adil Rami aura un sujet de conversation tout trouvé avec Vikash Dhorasoo. Il y a treize ans, l’ancien meneur des Bleus était passé en quelques semaines du sommet émotionnel d’une finale de Mondial (sur le banc, certes) aux affres d’un licenciement par le PSG. Cette fois, c’est le défenseur central international qui pourrait bien passer en quelques mois du vertige d’un titre de champion du monde à la chute annoncée d’une mise à la porte par son club, l’Olympique de Marseille. Au vrai, Dhorasoo et Rami partagent aussi un côté artiste qui a valu au premier de tourner Substitute pendant la phase finale 2006 qu’il aura à peine jouée alors que le second s’est mué en véritable roi du stand-up durant toute la conquête du titre planétaire dont il n’aura pas disputé la moindre seconde. Et c’est tout le paradoxe (apparent) de la situation du défenseur phocéen : être le joueur de champ ayant le moins participé sur le terrain au parcours de l’équipe de France en Russie et probablement celui qui aura le plus subi le contrecoup du sacre mondial. Mais au fond, comment s’étonner qu’un joueur annonçant sa retraite internationale au coup de sifflet final de France-Croatie (4-2) ait décroché mentalement du football de haut niveau ?
À la rue dès la reprise
D’ailleurs, dès son retour sur les pelouses, le scénario avait l’air écrit. Revenu dès la 2e journée lors du crash à Nîmes (1-3), provoquant un penalty au match suivant contre Rennes (2-2) avant une prestation catastrophique à Monaco avec deux buts offerts à l’adversaire (3-2), il semblait clair qu’Adil Rami n’avait pas encore atterri de Russie. « Il a tellement joué les ambianceurs lors de la Coupe du monde qu’il est revenu dans ce rôle, comme s’il n’était plus footballeur, nous raconte un suiveur assidu de l’OM. Attention, contrairement à d’autres qui s’empâtent à la moindre négligence, Adil est resté affûté. Mais la tête était clairement ailleurs. On ne l’a plus senti aussi impliqué aux entraînements, alors que lors de la première saison à Marseille, il était intense, à bloc. » Pourtant, malgré ses insuffisances assez nettes, la bienveillance règne autour du cas Rami, comme autour de certains de ses collègues, dans l’espoir que ces cadres retrouvent leur boussole et redeviennent performants. En interne, certains font savoir que le club était aussi trop heureux de pouvoir exhiber trois champions du monde (Rami, Mandanda et Thauvin) et de communiquer là-dessus pour justifier en quelque sorte les choix de recrutement sous la nouvelle direction. « Oui, ça validait nos options, mais en aucun cas il n’y a eu la moindre pression pour aligner les champions du monde au mépris du sens sportif », nous affirme le président de l’OM Jacques-Henri Eyraud.
« Hey, n’oublie pas que je suis champion du monde »
D’autant que par ailleurs, c’est plutôt idylle Rami. En effet, l’ancien Lillois vit une romance très médiatisée avec Pamela Anderson, ancienne naïade de la série culte des années 1990, Alerte à Malibu. Un coup de pub plutôt bon à prendre pour le propriétaire américain Frank McCourt, Pamela Anderson étant perçue comme une véritable icône dans son pays. Fatalement, fort d’un statut de champion du monde et d’une histoire de cœur avec une star universelle, Adil Rami ne touche plus terre. D’ailleurs, quand il se trouve en mondanités festives, le natif de Bastia clame plus souvent qu’à son tour à ses interlocuteurs : « Hey, n’oublie pas que je suis champion du monde », entre second degré et rappel d’une évidence à laquelle l’intéressé doit encore se pincer pour y croire. Un Rami qui multiplie aussi les allers-retours à Paris pour assister aux répétitions du show Danse avec les stars auquel participe sa dulcinée. Sans que l’OM ne proteste trop. Un proche du joueur décrypte : « Faut savoir d’où vient Adil. À 18 ans, il était mécanicien pour la ville de Fréjus, il n’était pas du tout programmé pour ça. Et ensuite, combien de fois il était hors de l’histoire avant de revenir de justesse ? C’est une sorte de miracle ce qui lui est arrivé, sans doute plus que pour les autres joueurs de l’équipe de France. Donc, c’est humain qu’il ait eu du mal à digérer. »
Le burn-out de la discorde
Cette frénésie finit par causer quelques dégâts puisque Rami lui-même confesse en février dernier sur Canal + avoir fait un burn-out. « J’étais aigri avec mon entourage, avec les gens qui étaient autour de moi. Je me forçais, mais je n’y arrivais pas. Parfois j’ai même été agressif avec des gens qui me demandaient des photos, des gens qui me filmaient sans me demander. » Cet accès de sincérité et de lucidité lui vaudra un recadrage public par Rudi Garcia, qui est en train de gentiment lâcher son ancien homme lige. Las du numéro « showbiz » de son joueur, conscient que pour cette saison il ne peut plus compter véritablement sur lui, Garcia ne l’aligne que trois fois lors de la seconde partie de saison. « On a vite vu qu’il avait décroché, que mentalement il n’y était pas, reprend le président Eyraud. Il y a eu un certain nombre de manques que l’on ne peut pas détailler mais qui ont posé problème. » Jusqu’à la cassure définitive le 23 avril dernier lors du dîner de gala de la Fondation de l’OM que Pamela Anderson quitte avant l’heure, passablement agacée. La cause de son courroux ? Les 100 000 euros reversés par la Fondation pour la réfection de Notre-Dame de Paris. « Les enfants qui souffrent à Marseille auraient pu utiliser ces 100 000 euros. Bien plus qu’une église qui a déjà reçu plus d’un milliard de dons de milliardaires », tweete-t-elle dans la foulée, entraînant un communiqué cinglant de l’OM qui rappelle que « Madame Anderson ne faisait pas partie de ces donateurs ».
Rupture sur les réseaux
Le début de la fin en réalité pour Adil Rami. Mis à l’écart sportivement, le défenseur phocéen est désormais dans le collimateur de sa hiérarchie lasse de ses apparitions médiatiques à l’image de sa prestation lors des Trophées UNFP le 19 mai dernier. Soit la veille du coup de trop, une absence de l’entraînement apparemment sans l’autorisation du club pour les besoins d’un tournage de l’émission Fort Boyard. Une faute qui déclenche ce que personne n’avait imaginé : une procédure disciplinaire en vue d’un entretien préalable. Si cette décision n’est motivée par rien d’autre que des griefs professionnels, la nouvelle tombe au moment même où Adil Rami se voit accusé par Pamela Anderson de violences physiques et morales, un coup terrible pour celui qui en mars dernier venait justement de s’engager dans la lutte contre les violences conjugales en devenant le visage de la campagne pour le 3919 « Violences femmes info », le numéro d’écoute consacré aux femmes victimes de violences. « Si elle voulait me toucher elle a bien choisi, répondra Rami. Elle sait que mon engagement pour la cause des violences faites aux femmes est quelque chose de vraiment important pour moi. » Un épilogue assez dramatique, comme un pied de nez tragique pour celui qui s’était surtout illustré dans le registre drolatique. Et qui, il y a seulement un an, n’était rien de moins qu’un des vingt-trois rois du monde…
France Football