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Alvaro, l’âme du capitaine
Le défenseur espagnol, toujours en première ligne quand ça chauffe, s’est imposé au fil du temps comme un leader incontournable à l’OM. VINCENT GARCIA (avec M. Gr. et F. To.)
En quelques jours, Alvaro Gonzalez s’est fait molester par des supporters à la Commanderie, a insulté un représentant des forces de l’ordre à l’aéroport de Marignane, qui lui avait fait une remontrance sur le port du masque avant de lui coller une amende et de porter plainte pour outrage, et le défenseur central a évolué au milieu à Lens, mercredi (2-2), où il a délivré deux passes décisives sans le faire exprès. Ce n’est pas vraiment ce qu’on appelle une semaine banale pour un joueur qui a débarqué à Marseille à l’été 2019 dans un relatif anonymat. Défenseur rugueux, plutôt fiable et presque lambda en Liga, dans des clubs paisibles comme Saragosse, l’Espanyol Barcelone ou Villarreal, Alvaro (31 ans) a pris de l’épaisseur à l’OM, un club surexposé pour le meilleur et pour le pire, parfois. Son surnom, « Potes », inscrit sur ses crampons et qui fait référence à son village natal de la région Cantabrie, en Espagne, rappelle, en ce jour de Classique, qu’il n’en a pas beaucoup justement, des potes, au Paris-SG.
Depuis l’aller (1-0, le 13 septembre), son nom est devenu célèbre dans le monde entier pour de mauvaises raisons, dans un match ultra-tendu, où il avait fait dégoupiller Neymar. La star du PSG l’a accusé d’avoir tenu des propos racistes, ce que l’Espagnol a toujours nié avec force. L’affaire a été classée par la Ligue, faute de preuves, mais le mal était fait : Alvaro a reçu des torrents d’insultes, des menaces de mort pour lui ou sa famille et a été obligé de changer de numéro de téléphone.
Le Marseillais a été affecté, bien sûr, mais il est resté solide sur ses appuis, comme toujours, n’hésitant pas à répondre à Neymar sur les réseaux sociaux. Le défenseur central ne se cache pas dans les moments difficiles, ce qui fait de lui un vice-capitaine en puissance derrière le taulier Steve Mandanda, même si André Villas-Boas ne lui a jamais confié ce rôle honorifique sur la durée, préférant Dimitri Payet et Florian Thauvin comme seconds. « J’ai été capitaine à Villarreal, à l’Espanyol, à Saragosse, nous expliquait Alvaro il y a un an. Je l’ai été dans toutes mes équipes. »
“Il veut continuer à l’OM, c’est une évidence pour lui
Un membre de son entourage
À défaut d’en avoir le titre, il en a l’âme et le comportement, en tout cas. Depuis des semaines, même si ses performances sont moins bonnes cette saison, il est l’un des seuls, avec le gardien marseillais, à essayer d’influer positivement sur le cours des choses pour mettre fin à la crise de résultats. Après la défaite à domicile contre Nîmes (1-2, le 16 janvier), celle qui a vraiment déclenché la tempête, il a été le premier à prendre la parole dans le vestiaire, à chaud, avant même les réunions avec la direction ou entre les joueurs, les jours suivants.
Le manque de solidarité, les fractures internes, les comportements individualistes l’exaspèrent, lui qui a un sens du collectif très prononcé. Au point de prendre le risque d’aller en première ligne à la rencontre des supporters énervés samedi dernier, à la Commanderie, quand tous les autres joueurs expérimentés étaient à l’abri dans leurs chambres. Un geste courageux et un peu fou à la fois, qui lui a coûté un petit hématome au dos dans une grosse bousculade, où il s’est retrouvé déséquilibré, avant de heurter du matériel. Ce sont d’autres supporters, identifiant Alvaro comme l’un des joueurs les plus irréprochables, qui sont venus calmer les plus énervés, empêchant que la situation ne dégénère. C’est un peu plus que la version officielle – un projectile reçu –, mais le joueur n’a pas voulu en faire des tonnes. Aucune plainte n’a été déposée concernant son cas.
D’autres auraient peut-être demandé à quitter le club immédiatement, surtout que le mercato d’hiver était encore ouvert. Mais Alvaro, sous contrat jusqu’en 2023, a fait le choix de rester. Non sans avoir eu des garanties de son président Jacques-Henri Eyraud sur la sécurité des joueurs. « Il veut continuer à l’OM, c’est une évidence pour lui, confie-t-on dans son entourage. Il ne s’est pas posé la question ces derniers jours malgré tout ce qui s’est passé. Les événements de la Commanderie n’affecteront en rien sa décision quant à son avenir. Il pense qu’il peut encore beaucoup apporter à cette équipe. »
Une fois retombées les émotions de cette semaine dantesque, les prochains mois diront si l’Espagnol est toujours dans le même état d’esprit, lui qui a mal vécu aussi le départ d’André Villas-Boas cette semaine. Après Andoni Zubizarreta, l’ancien directeur sportif à l’origine de son transfert de Villarreal à l’OM, Alvaro perd un deuxième soutien de poids dans le club. Sur les réseaux sociaux, il a été l’un des rares joueurs à remercier publiquement l’ancien entraîneur, mis à pied cette semaine.
Hier encore, Alvaro a défendu ses coéquipiers avec force, face aux responsables des groupes de supporters, pour une explication sur la crise actuelle avec les joueurs marseillais. Après ce qu’il a enduré, d’autres auraient lâché. À la fois chef de clan et simple soldat, l’Espagnol, lui, a encore le goût du combat.
L'Equipe