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Benedetto, le bon sens du jeu
Avec l’Argentin, en verve depuis trois journées, André Villas-Boas a recruté un avant-centre futé et à l’aise dans la construction. Un secteur plus obscur que la finition, mais tout aussi important.
Quand il fait soudainement gris sur la Provence et qu’il a un petit coup de saudade, André Villas-Boas a une solution : visionner un extrait des déplacements de Dario Benedetto, la pointe argentine qu’il a recrutée cet été. Cela donne un moral de conquérant. « Ses mouvements sont incroyables, apprécie l’entraîneur de l’OM. Il est mieux physiquement, son timing de déplacement est bon, j’espère qu’il continuera comme ça. »
Interrogé sur la barrière des trente buts, un cap sacré seulement atteint ou dépassé par les Parisiens Ibrahimovic, Cavani et Mbappé lors de la dernière décennie, AVB raconte une autre histoire, bien au-delà de la pure statistique : « Quand j’ai parlé avec certains de ses anciens coaches ou partenaires, au moment de le recruter, comme (Guillermo) Barros Schelotto, qui fut son entraîneur à Boca, tout le monde m’a dit : “Je suis sûr qu’il mettra quinze buts en France.” Nous sommes déjà à quatre, c’est pas mal ! J’espère qu’il peut arriver à ce premier grand objectif, on l’a pris notamment pour ça. Mais trente buts, cela voudrait dire aussi que l’équipe est trop dépendante de lui. Une des forces de Dario est aussi sa capacité à mettre une dernière passe. Thauvin n’est pas là, Payet est un peu plus buteur que Sarr, Dario peut donner ce type de ballons à Valère (Germain). Il l’a fait dans tous les clubs où il est passé : du jeu entre les lignes et des passes décisives. » Pour Francisco Ferraro, son mentor à Gimnasia y Esgrima de Jujuy au début des années 2010, «Dario est très fort pour se démarquer, il aime décrocher pour ouvrir des espaces à ses partenaires. »
À Monaco, dimanche dernier, AVB a voulu enfoncer l’axe central des locaux, très fébrile depuis le début de saison. Sanson s’est projeté vers Benedetto, les deux ailiers de circonstances de son 4-3-3, Payet et Germain, repiquant souvent pour épauler l’Argentin. Cette concentration axiale a aussi permis aux latéraux marseillais d’avoir du champ sur leurs incursions. Porté par la précision diabolique de Benedetto (un tir sur deux cadré en moyenne, 62 % de passes réussies dans les 30 derniers mètres en L 1), le plan a fonctionné.
« Ce jeu court dans un petit périmètre, avec des coéquipiers proches les uns des autres, demande une grande justesse technique tant il y a de densité, confie Elie Baup, consultant sur beIN Sports et ancien entraîneur de l’OM. On l’a vu en début de Championnat, balancer des obus ou des tonnes de centres aé- riens ne fera pas le bonheur de Benedetto, ni même de Germain d’ailleurs. »
Baup lui voit un style différent d’un autre débutant argentin en L 1, le Parisien Mauro Icardi, qui squatte haut quand Benedetto descend parfois très bas pour initier les offensives : en moyenne, le buteur marseillais touche 3 de ses 28 ballons par match dans la surface adverse. « Icardi reste sur ses centraux, les épuise avec sa technique de corps et la puissance de ses appuis, dit Baup. Benedetto se déplace dans de nombreuses zones, les déplacements des partenaires doivent être accordés, cela récompense un grand travail en amont quand ça fonctionne. Après avoir inscrit quatre buts, les adversaires vont le cerner à la vidéo, il aura l’attention de plusieurs défenseurs, les autres Olympiens devront en profiter. »
Principal pourvoyeur de son avant-centre jusqu’ici, avec deux passes décisives, Sanson évoque un autre grand nom au moment de décrire Benedetto : « Il me fait penser à Agüero, parce que, même si on ne dirait pas, il est très costaud sur ses jambes, il a une super frappe de balle. On se régale à jouer avec lui, il décroche, il dézone. Il bouge beaucoup, ce qui fait bouger les adversaires, et il crée des espaces entre les lignes. Nous, derrière, on profite, on arrive à se trouver. Et en plus de ça, il marque des buts et on espère qu’il va en marquer d’autres. On est super contents de lui. »
Toujours plus discret dans la dernière demi-heure des rencontres, après s’être dépensé sans compter avant, l’Argentin (29 ans) devra dribbler lassitude physique ou petits pépins, et maintenir un volume de courses régulier sur les mois à venir. En attendant, béni soit Benedetto, l’avant-centre qui berce les supporters marseillais marqués par des années de nuits sans sommeil et sans « grantatakan ».