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Arrivé l’été dernier de l’AS Rome, le milieu néerlandais a vécu des débuts contrastés à l’OM. Mais il semble monter en puissance. DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL PERMANENT
MATHIEU GRÉGOIRE MARSEILLE – L’intimidation, il connaît, sur le terrain ou en dehors. D’ordinaire peu commode, Kevin Strootman a carrément glacé la zone mixte dimanche dernier, après le Classique perdu (0-2). Interrogé à plusieurs reprises sur les choix de Thomas Tuchel et l’entrée de Kylian Mbappé, le milieu de l’OM s’est agacé : « Je me fiche de qui joue, je n’aime pas cette question. Ils ont vingt-cinq joueurs qui peuvent jouer. Je ne suis pas frustré à cause de ça. Je suis frustré parce qu’on a perdu des points. S’ils jouent avec la deuxième équipe, la troisième équipe, je m’en fiche. On veut gagner. On s’est battus. Malheureusement, on ne prend pas de point. »
Quelques minutes plus tôt, il avait passé sa colère sur l’arbitre, qui l’avait vu commettre une faute sur Marquinhos (86e), une erreur manifeste de M. Bastien.
Fort différent de Luiz Gustavo, caractériel comme lui sur une pelouse mais relâché et souriant dans le vestiaire, Strootman (28 ans) n’est pas là pour plaisanter. Cela tombe bien, ce n’est pas ce qu’on lui demande. « C’est un très bon joueur, confie Luiz Gustavo, associé à quatre reprises au Néerlandais en octobre après son retour au milieu. Je suis sûr que son apport va grandement soulager ses coéquipiers. On n’a pas beaucoup joué ensemble, mais je sens que ça se passera bien. On a la même éthique de travail, on est ouverts pour discuter et se comprendre. »
“Il a beaucoup joué, sans doute trop, mais les circonstances m’ont contraint à l’utiliser
Rudi Garcia, son entraîneur
Dans un 4-3-3, Strootman accepte sans broncher le poste de sentinelle, un rôle que n’affectionne guère le Brésilien, qui s’en tire par une pirouette quand on le titille sur ce point : « J’aime bien les défis, jouer un peu plus offensif, c’est nouveau pour moi. Je veux profiter de jouer un peu plus proche du but, je peux battre mon record de buts en carrière. »
À ce stade de la saison, la question de leur cohabitation hante d’anciens récupérateurs du club, comme Benoît Pedretti : « Strootman a fait son meilleur match contre Paris, il était en rythme, plus en jambes, dans l’agressivité. Mais est-il vraiment complémentaire de Luiz Gustavo ? Contre Paris, ils n’avaient pas à faire le jeu. » Pour Jean-Philippe Durand, vainqueur de la C 1 avec l’OM, en 1993, « ils ont des profils similaires. Anguissa et Gustavo, par exemple, étaient plus complémentaires dans leurs registres la saison dernière. Qui va perforer et se projeter vers l’avant ? Prendre le ballon et se retourner ? Ce sont aussi deux gauchers, ce qui peut provoquer un manque de variété dans l’orientation du jeu. On verra leur entente. Strootman, devant la défense, est un joueur de position, qui va décaler à gauche, à droite. Luiz Gustavo peut être plus vertical et rester dans sa zone. »
Après huit matches de L 1 et trois de Ligue Europa, Strootman alterne le bon (Monaco, Caen, Paris) et le moins bon (Lyon, Lille, Lazio), tout en s’installant dans le paysage. « Il avait besoin de souffler, il a beaucoup joué, sans doute trop, mais les circonstances m’ont contraint à l’utiliser, explique son entraîneur, Rudi Garcia. Il a retrouvé un peu de fraîcheur, il est très pro entre les rencontres. » Séances à la salle de sport, apprentissage du français, visites d’une ou deux bonnes tables dans le quartier du Panier, messages en bleu et blanc sur ses réseaux sociaux, jusqu’ici, l’ancien milieu de l’AS Rome suit de façon convenue le petit manuel d’intégration à l’OM.
Jugé aussi sur son transfert et son salaire
Pour Durand, ancien responsable de la cellule de recrutement olympienne, « il peut être plus performant qu’il ne l’est, mais il n’y a aucune surprise. Strootman est excellent quand l’équipe a le ballon, intelligent dans son placement. Quand son équipe est un peu en difficulté, il peut garder le ballon, sécuriser les siens face au pressing, car il est solide sur ses jambes et clairvoyant. En revanche, il manque d’explosivité et n’est pas dans le pressing, la récupération haute telle qu’on l’imagine chez un relayeur moderne. » Ou par séquence, à l’image de son intervention sur Prince Oniangue à l’origine du second but de l’OM face à Caen (2-0, le 7 octobre).
L’ancien capitaine des Pays-Bas est aussi jugé sur le montant de son transfert (25 M€ + 3 M€ de bonus) et son salaire, le plus important de l’équipe, donc de l’histoire du club. « À cette somme-là, l’exigence s’avère forcément supérieure », souffle Pedretti, qui connaît l’impatient contexte local. Après son arrivée, fin août, Garcia a provoqué une réunion avec Lopez, Payet, Sanson et Thauvin pour évoquer leurs temps de jeu et des schémas autres que le 4-2-3-1, l’idée étant que ces quatre-là ne se sentent pas lésés. Dans le vestiaire, on taquine (gentiment) Payet sur le fait qu’il n’est plus « le fils » du coach depuis le recrutement de Strootman. Et on devise, avec des chiffres élevés et sans doute fantasmés, sur les rémunérations du Néerlandais. Il est fort probable que ces discussions se produisent quand l’homme à la mâchoire carrée a le dos tourné.
L'Equipe