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Avec Kevin Strootman, l'OM s'offre l'équilibre
Par Damien Dole
Au crépuscule de la saison 2017-2018 de l’Olympique de Marseille, l’affaire semblait entendue : il ne fallait à l’effectif des Ciel et Blanc que quelques retouches pour parvenir à jouer le podium de Ligue 1 avec encore plus de certitudes. Mais la vente de Zambo Anguissa il y a trois semaines a rajouté une variable: un milieu de terrain devait venir à Marseille. Et ce qui paraissait improbable aux yeux de beaucoup s’est produit: le Néerlandais Kevin Strootman, 28 ans, milieu relayeur de l’AS Roma, demi-finaliste de la Ligue des champions, a signé un contrat de cinq ans ce mardi à l’OM pour une somme pouvant aller jusqu’à 28 millions d’euros. Et donne de nouvelles perspectives au club marseillais.
Qui est Kevin Strootman ?
L’histoire du Néerlandais est mouvementée. Arrivé du PSV Eindhoven à l’été 2013, Kevin Strootman parvient sur les rives du Tibre quelques semaines après un certain Rudi Garcia. Très vite, il s’impose comme un rouage essentiel du milieu à 3 des Giallorossi, entouré de Daniele De Rossi et Miralem Pjanic. «C’était un numéro 8 [milieu relayeur, ndlr] classique, bon tactiquement, fort techniquement, qui savait mettre les taquets mais aussi se projeter vers l’avant grâce à son explosivité», décrit Hugo Sincé, rédacteur en chef de FrSerieA.com. Après une victoire contre Naples en Coupe d’Italie en février 2014 grâce notamment à un but splendide du Néerlandais, Rudi Garcia trouve un surnom à son milieu de terrain : «Strootman est comme une machine à laver, on lui donne un sale ballon et il le transforme en bonne balle à jouer.» Pour Ali al-Badaoui, rédacteur du site Ultimo Diez, on avait affaire à une étoile montante : «On a découvert que Strootman savait tout faire au milieu de terrain. Il pouvait devenir l’un des meilleurs en Europe à son poste.»
Mais contre Naples aussi, en mars 2014, sa saison s’achève brusquement, la faute à une rupture du ligament croisé antérieur du genou gauche. Le joueur décide de se soigner aux Pays-Bas, revient sur les terrains en novembre puis repart deux mois après sur le bloc opératoire du même chirurgien, Jan Van Dijk, toujours pour le genou gauche. Et en août 2015 rebelote. C’en est trop pour la Roma : la Louve lui intime l’ordre de passer sur le billard d’une sommité locale, Paolo Mariani, sans quoi ils le vendront. Le joueur accepte, signe une prolongation de contrat.
Après une absence de pratiquement deux ans, le milieu de terrain revient en février 2016. Il traîne derrière lui une légende de joueur à blessure, pourtant démentie par les faits : le genou gauche de Strootman, 1,87 m, est parfaitement remis. Son corps répond malgré tout différemment: «A son retour, il a adapté son jeu, explique Hugo Sincé de FrSerieA.com. Il a perdu une partie de son dynamisme, ce qui l’empêche d’être aussi tranchant qu’avant lors de ses percées dans le camp adverse. Mais il garde une technique au-dessus des autres, rend les ballons propres, même les plus compliqués. C’est un énorme coup pour l’OM.» Pour Ali al-Badaoui d’Ultimo Diez, «c’est une pub énorme pour la Ligue 1. Et concernant l’OM, cela me rappelle la signature du milieu argentin Lucho González [en 2009, ndlr]. Ce transfert crédibilise le projet de Franck McCourt [président de l’OM, ndlr]».
Alors pourquoi la Roma cède-t-il son vice-capitaine, 13 buts et 20 passes décisives en 131 rencontres, encore dans la force de l’âge? Des médias italiens rapportent que le joueur ne voulait pas partir mais le directeur sportif de la Roma, Monchi, a réfuté sur la Sky cette assertion, dans des propos rapportés par Guillaume Maillard-Pacini d’Eurosport: «C’est une décision commune. Quand quelqu’un part, c’est aussi car il le souhaite. Personne ne lui a mis un pistolet sur la tête.» Pour Hugo Sincé, «c’est à la fois assez fou, parce qu’il a un statut de titulaire et que le mercato italien est déjà fermé mais [la situation] s’explique aussi par la volonté de Monchi de se débarrasser des gros salaires, d’avoir des liquidités supplémentaires et de construire sa propre équipe, un an après son arrivée au club».
C’est enfin un joueur dont le nom gravite autour de l’OM depuis la prise de commande du club en 2016 par Rudi Garcia, qui déclarait un mois après son arrivée: «C’est un joueur et un homme extraordinaire. Je l’accueillerais à bras ouverts mais ce n’est pas pour nous, il restera à Rome.» Du rêve à la réalité.
Comment Rudi Garcia articule son milieu de terrain ?
Le coach de l’OM fait partie des meilleurs tacticiens de Ligue 1. L’an dernier – 4e du championnat, finaliste malheureux en Europa League –, il est parvenu à tirer le maximum de son effectif et des joueurs qu’il avait à sa disposition. Malgré quelques profils manquants à des postes stratégiques pour lui: il aime les avant-centres combatifs, la direction lui a donné le virevoltant Valère Germain et le renard des surfaces Kostas Mitroglou; il aime des ailiers qui travaillent dans un 4-3-3, Dimitri Payet est bien meilleur en 10 dans l’axe.
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Très vite dans la saison, il lâche son système de prédilection et opte pour 4-2-3-1 (quatre défenseurs, deux milieux reculés, trois milieux offensifs et un attaquant), avec parfois Luiz Gustavo et Zambo Anguissa en double pivot devant la défense. «Luiz Gustavo était le tuteur d’Anguissa, détaille Benoît Dalest, qui produit des analyses tactiques pour le site OM Forum. Grâce à son travail défensif, le Camerounais a permis au Brésilien de faire parler sa créativité.» Problème : l’OM reçoit et accepte une offre qui ne se refuse pas de Fulham (entre 24 et 30 millions d’euros) alors que les Ciel et Blanc sont sous la surveillance de l’UEFA dans le cadre du fair-play financier.
Comment Kevin Strootman va s’intégrer dans le jeu de l’OM ?
Kevin Strootman remplace numériquement Zambo Anguissa, mais au regard des qualités intrinsèques des deux joueurs, «le talent de Strootman va permettre à l’OM de faire un véritable bond en avant», précise Benoît Dalest. «Avec ce mouvement, Marseille va peut-être perdre un peu d’impact au milieu de terrain, notamment dans les gros matchs, explique Ali al-Badaoui, d’Ultimo Diez. Mais ce sera compensé par une progression technique de l’entre-jeu.» Strootman va aussi permettre de donner de multiples alternatives tactiques. «Il connaît Rudi Garcia, a joué milieu relayeur en 4-3-3 avec lui puis avec Eusebio Di Francesco [coach de la Roma depuis l’an dernier, ndlr] mais aussi dans le double pivot en 4-2-3-1 avec Luciano Spalletti [prédécesseur de Di Francesco], analyse Benoît Dalest d’OM Forum. Son arrivée va équilibrer le milieu de terrain marseillais comme il va être bénéfique à des joueurs comme Morgan Sanson, qui peut beaucoup apprendre de lui.» Hugo Sincé, de FrSerieA, apporte une autre piste : «Di Francesco a tenté plusieurs fois de le faire jouer milieu défensif, seul devant la défense. Cela n’a pas toujours été transcendant, mais cet entraîneur sent ce genre de choses, on peut lui faire confiance.»
Pièce maîtresse de Marseille, Luiz Gustavo recule parfois en défense centrale. Mais au milieu, il joue dans la même zone que Strootman, plutôt à gauche, et les deux joueurs ont des caractéristiques similaires - propreté technique, combativité, gauchers. Leur complémentarité au milieu peut alors donner beaucoup d’espoir aux fans de l’OM et au coach de l’OM : «Leurs similitudes dans le jeu, c’est un faux problème, tranche Hugo Sincé de FR Serie A. Leurs capacités techniques et leur intelligence vont vite leur permettre de se trouver. Le mariage sera très bon.»