Information
Jordan Amavi : « Ici, si tu es sensible, tu es mort »
Après une saison perturbée par les blessures, le latéral marseillais espère se faire une place dans le système baroque de Jorge Sampaoli.
Sourire étincelant, dégradé impeccable, le sémillant Jordan Amavi (27 ans) se présente pour donner de ses nouvelles, après une dernière saison où il a plus visité l'infirmerie que les terrains. Comme Boubacar Kamara ou Valentin Rongier, il ne figure pas parmi les grands gagnants du nouveau système de Sampaoli, en 3-5-2. Il ne se plaint pas, couteau suisse acéré, déterminé. Le garçon en a vu d'autres.
Pourquoi avoir prolongé pour quatre saisons à l'OM, en mai (jusqu'en 2025) ?
La fin de mon contrat approchait, j'avais dit à mes agents que je voulais rester. Je suis très bien ici, ce n'est pas n'importe quel club. J'ai pu y connaître des périodes compliquées, mais je veux m'inscrire dans la durée. Ce serait magnifique de gagner des trophées avec l'OM.
Les pourparlers duraient depuis l'automne 2020. Avez-vous pensé à partir ?
Je ne me suis pas du tout posé la question. Le souhait numéro 1 était de rester, je l'ai dit clairement à Pablo (Longoria).
Est-ce le choix du confort ?
Pas du tout. J'ai 27 ans, j'aurais pu partir, des clubs étaient intéressés (de Premier League), j'avais de très belles offres. Si c'était une question de revenus, je serais parti, pour être tranquille, avoir mon salaire. Je n'ai jamais été comme ça. Ce n'était pas mon envie. Vu que ça a duré, j'ai pu voir quelques trucs sur les réseaux sociaux du genre "il veut pas prolonger pour partir libre" ou "il n'est pas content de son salaire". Les gens n'étaient pas à ma place. J'ai pris en compte la situation Covid, celle du club, au final, tout le monde est content.
Que de blessures l'an passé... Que s'est-il passé ?
J'arrive à l'entraînement en décembre 2020, petite douleur au mollet. J'arrête, on décide de mettre en place un protocole directement avec le coach (Villas-Boas), je ne fais même pas d'examens. Le protocole est bon, mais je n'aurais jamais dû reprendre si tôt, à Rennes (1-2, le 16 décembre). J'étais content, je me dis que je n'ai pas loupé beaucoup de matches, l'équipe tourne bien... Au bout d'une vingtaine de minutes, sur un appui, ça lâche complètement, je crois que je me prends un coup tellement la douleur est vive alors que je suis tout seul sur l'action. Après, je vais de galère en galère. Cela m'a coupé dans mon élan. Je n'en pouvais plus. J'essaye de reprendre, les douleurs au mollet m'en empêchent. Je reviens en février, et là, je me fais une déchirure du quadriceps. Une compensation, une cicatrice de ma blessure de janvier 2018 qui s'est réouverte. J'ai un peu vécu le remake de cette première saison (2017-2018), qui avait si bien débuté.
En voulez-vous au staff médical de l'époque sur la gestion de votre cas ?
Quand il y a plusieurs joueurs sur le flanc, ils sont pointés du doigt, c'est le problème, malheureusement. Moi, le matin à la Commanderie, je ne comprenais pas : pourquoi je ne peux pas faire ci, pas faire ça... Mais ce n'est pas de leur faute, mon corps réagit comme ça. Avant Rennes, les médecins m'ont dit ''fais attention''. Moi, je me sens bien, je n'ai pas de douleurs, le coach est ok. Eux veulent nous protéger, toi, tu te dis : "Je peux gratter, reprendre plus tôt".
Avec Villas-Boas, vous aviez vraiment progressé, presque atteint votre plafond.
Je pouvais aller chercher plus haut encore. AVB m'a apporté sur tous les points. Je suis encore en contact avec lui, c'est une super personne. Il commente mes stories Instagram, on s'amuse. Il m'a fait grandir en tant que joueur et en tant qu'homme.
Quand il y a eu les sifflets du Vélodrome, en septembre 2019...
J'étais blindé, mais voir le coach prendre ta défense comme ça, publiquement... C'est encore mieux, il faut que je lui rende ça, que je mette tout le monde du même avis que le coach. À Marseille, la pression... ça joue sur certains joueurs qui sont convoités par le club et ne veulent pas venir. Il ne faut pas être sensible ici, si tu es sensible, tu es mort. Il faut être costaud mentalement, sinon tu es cuit. Quand la saison s'arrête, tu ressens ce vertige. Il s'est passé tellement de trucs rien que l'année dernière, tu te rends compte... C'est Marseille !
Parlez-nous de Sampaoli. Comment travaille-t-on sous ses ordres ?
Les séances sont longues, costaudes, ça ne nous fait pas de mal, c'est la prépa, tu bosses, tu apprends à garder la lucidité dans l'effort. Rien à voir avec ce qu'on faisait sous AVB, qui va comprendre qu'on est un peu fatigués, s'adapter. Lui, il ne veut rien savoir. En juillet, le lendemain d'un match, on a fait un entraînement, on était crevés, la conservation du ballon était compliquée. Sampaoli nous a dit : ''Mais vous méritez de mourir !''
Et tactiquement ?
Il veut mettre en place un système qu'on ne connaît pas forcément, on travaille pour l'assimiler. On ne le fait pas encore à la perfection, mais on l'a assez bien compris, ça s'est vu sur le dernier match face à Villarreal (2-1, le 31 janvier), il y avait du beau jeu, tout le monde a respecté ce qu'il avait à faire.
Serez-vous piston gauche ou axial gauche ?
(Sourire) Il faudra demander au coach ! Je ne peux pas tout vous dire. Je jouerai là où il aura besoin. Sur le rôle de piston, la principale qualité qu'il souhaite : être percutant. Il veut des joueurs vifs, qui vont de l'avant. Il n'y a rien qui change pour moi, sauf que je n'ai pas d'ailier devant, mais c'est le même job, monter, descendre, monter, descendre. Axial, en revanche, c'est un nouveau poste. Pas trop de montées, je suis central. Pour moi qui ai l'habitude de faire des aller-retours... J'ai envie, mais je ne peux pas ! Parfois, je suis aussi trop écarté parce que j'ai l'habitude d'être dans le couloir, je dois resserrer.
Ce système parfois déséquilibré expose-t-il les trois centraux ?
Il faut plus de concentration encore. Une inattention, on peut la payer cash. Il ne faut pas perdre de ballons bêtes, être très juste techniquement. La gestion de la profondeur et des espaces, à trois, n'est pas si complexe, il faut juste surveiller les bolides adverses. Alvaro, Leo (Balerdi), Luan (Peres) ont déjà joué dans une défense à trois, ils sont très à l'aise.
Ancien du vestiaire, comment jugez-vous cette vague d'arrivées à l'OM ?
Il y a une bonne osmose, ils se sont très vite acclimatés, ils ont répondu présent lors des rencontres. Personne ne reste dans son coin. Ça, c'est très bien. Mattéo (Guendouzi) est une très grande gueule. Konrad (de la Fuente) parle français, mais il est très timide. Gerson, lui, il a appris à dire "très, très, très, fatigué" !
Une recrue vous impressionne-t-elle ?
J'aime bien Ünder. Vous avez vu le match contre le Servette de Genève (3-1, le 15 juillet) ! Sans toucher le ballon, il fait une feinte de corps, le mec tombe. Il est vif, il a une belle patte gauche. Konrad, de l'autre côté, on le découvre. Moi, je l'ai au marquage à l'entraînement, il est chiant, il ne s'arrête pas. C'est compliqué à contenir ce type de joueurs, ils veulent tout le temps le ballon, ils ne sont jamais fatigués.