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Jordan Amavi (OM) : « Je n'étais jamais descendu aussi bas »
Jordan Amavi, en grande difficulté à l'OM pendant des mois, a su faire preuve d'un mental d'acier pour rebondir et retrouver un très bon niveau depuis l'automne. Il raconte.
Comme tant d'autres avant lui à l'OM, Jordan Amavi, pris en grippe par le public, a sombré avant de renaître. Le latéral gauche (26 ans le 9 mars), soutenu par ses proches et son entraîneur André Villas-Boas, nous a raconté ces mois très difficiles et sa résurrection spectaculaire depuis l'automne dernier. Aujourd'hui, l'ancien joueur de Nice et d'Aston Villa a retrouvé le niveau qui était le sien lors de ses premiers mois au club en 2017. Sous contrat jusqu'en 2021, il n'a qu'un objectif : « Jouer la Ligue des champions avec Marseille. Ça serait magnifique. » Et c'est bien parti.
« Contre Rennes (1-1, 29 septembre), il y a les sifflets et vous êtes remplacé à la mi-temps, avez-vous eu l'impression de toucher le fond ce jour-là ?
Oui, ce jour-là, ç'a été le moment le plus dur. Ça vient après une accumulation de choses. Je sors à la mi-temps, je ne suis pas à la hauteur. Le public n'est pas content et me le fait ressentir. Dans le vestiaire, je me pose des questions. Je me demande comment j'ai fait pour en arriver là. Je suis seul avec quelques vigiles. Mais ils ne me parlent pas car ils savent que je ne suis pas bien. Je cogite beaucoup.
Vous aviez les larmes aux yeux ?
Presque mais c'était les nerfs. J'étais vraiment au fond. J'ai eu ma tante au téléphone et mon cousin (avec lequel il habite). Ils ont essayé de me calmer.
Vous vous sentez nul à cet instant ?
Oui, franchement. Je me sens très très nul. Pas à la hauteur par rapport aux attentes du club, par rapport à moi-même, mes objectifs. Je me suis dit que je n'irai nulle part. Je me suis posé énormément de questions.
Avec le recul, comment expliquez-vous votre chute ?
Ça commence en seconde partie de la première saison, déjà (2017-2018). J'ai eu un petit pépin physique (mi-janvier) et les choses se sont gâtées à partir de ce moment-là. Je n'ai pas douté tout de suite. J'ai persisté dans ma petite routine. Aujourd'hui, je me suis remis en question. J'ai fait le nécessaire. Je n'étais jamais descendu aussi bas. Et ça m'arrive à l'OM, c'est le destin. Il fallait que j'en sorte plus fort.
Dans cette période, est-ce que vous avez eu peur de sortir en ville et de croiser des supporters ?
Non. C'est le jeu. Et des supporters marseillais, on en croise partout. Personne n'est venu vraiment m'emmerder, non. J'ai eu des remarques - "Il faut se reprendre, ça ne va pas en ce moment" - mais toujours dans la limite. C'est Marseille. Si mentalement tu n'es pas costaud, il ne faut pas venir à l'OM. Mais dans les moments comme ça, on se rend compte qui est vraiment là pour toi, qui sont les vrais.
En octobre 2017, vous aviez été appelé en bleu. Cela semble si loin et si proche à la fois.
Il y avait des blessés et je n'avais pas eu l'occasion de jouer mais cela reste un très bon souvenir. Ça voulait dire que j'étais dans les petits papiers à l'époque. Après, il y a énormément de concurrence au poste de latéral gauche. Si je veux un jour retourner en équipe de France, ça m'oblige à me surpasser.
Avez-vous changé dans votre quotidien pour rebondir ?
Mon père m'avait présenté un préparateur physique (Patrick Albertini) depuis la deuxième partie de saison dernière. Là, j'ai vraiment commencé à travailler avec lui. Et il m'a aidé sur beaucoup de choses. Mentalement aussi. Des fois, je pensais aller travailler le physique avec lui et on ne faisait que parler. Au début, c'était surtout ça d'ailleurs. J'ai aussi changé des petits détails qui ne regardent que moi dans ma vie personnelle.
Vous avez pu compter sur votre père aussi, donc.
Oui, énormément. Mon père, c'est mon pilier. Je l'appelle avant chaque match. Il me sort deux ou trois conneries, ça me détend, même si je ne suis pas un stressé de nature. Ça l'a beaucoup affecté ma mauvaise période, aussi. Il ne le dira pas parce qu'il est fier. Mais je le sais et ça m'a touché. C'est aussi pour lui que je me suis battu pour revenir.
Votre cousin, avec lequel vous habitez, est important également.
Oui, il a essayé de m'ouvrir les yeux. Il m'aide beaucoup au quotidien depuis Nice. Après mon père, je pense que c'est la personne de la famille dont je me sens le plus proche, avec sa soeur jumelle. J'ai grandi avec eux. C'est comme mon grand frère et ma grande soeur.
Une autre personne a été importante dans votre retour au premier plan, c'est André Villas-Boas. Qu'est-ce que vous vous êtes dit dans le blanc des yeux ?
Il m'a convoqué dans son bureau au premier entraînement après Rennes. C'est quelqu'un de franc, sans langue de bois. Il voulait savoir si mentalement j'allais bien. Je lui ai dit : "Coach, c'est une mauvaise période, si je lâche, je suis mort. J'accepte vos choix (Amavi passera 3 matches comme remplaçant). Mais je vais m'accrocher, soyez-en sûr. Et ça va revenir." Ça l'a rassuré. Il a été content de mon entrée à Paris (0-4, 27 octobre, depuis, hors suspensions, il a disputé l'intégralité des rencontres de L 1). On a continué ensuite à parler, à travailler avec la vidéo. Il m'a fait bosser avec les adjoints. Le coach pense à chaque détail. Ça rassure énormément. Tu sais où tu vas. Humainement, il dégage quelque chose de fort. Tout le monde pourrait partir à la guerre avec lui.
Vos rapports étaient différents avec Rudi Garcia et son staff...
Je n'ai pas été bon, c'est sûr, mais je n'ai pas eu le même soutien. Je ne dis pas qu'ils m'ont mis de côté car, au bout d'un moment, il a été franc avec moi pour déclencher un déclic. Mais c'était presque trop tard.
Depuis vos déboires, vous vous êtes beaucoup recentré sur le travail défensif ?
Oui, il fallait revoir les bases. Ça m'a peut-être rassuré. Quand on commence à gagner ses duels, ça met en confiance. J'essaye de bien défendre, d'être tranchant. Je suis content de ce que je montre en ce moment mais je peux aller chercher mieux.
Il n'y aura pas de rechute ?
Je fais tout pour. S'il y a un faux pas, mon père va me le dire. En ce moment, je prends beaucoup de cartons et il en a marre que je sois suspendu (sourire). Un arbitre m'a dit récemment que je mettais beaucoup d'engagement. Mais il ne faut pas abuser avec les cartons...
Vous trouvez les arbitres sévères avec l'OM ?
Oui. On ne se laisse pas marcher dessus, c'est vrai. Mais des fois j'ai l'impression que... En fait, avant d'être ici, j'entendais beaucoup de gens se plaindre des décisions contre Marseille, y compris mon cousin, qui est fan de l'OM, ou des amis. Je m'amusais avec eux de ce côté un peu parano. Mais, maintenant que j'y suis, je comprends mieux ce qu'ils ressentent (rire).
L'OM est bien installé à la deuxième place, que peut-il vous arriver maintenant ?
Rennes ne veut pas lâcher. C'est bien, ça nous oblige à rester concentrés. Il n'y a pas vraiment de crainte par rapport aux concurrents. En fait, j'ai plus peur qu'on fasse des erreurs bêtes et qu'on se fasse punir. Le danger va venir de nous si on ne fait pas ce qu'il faut. Ne pas garder cette deuxième place, ça serait une faute professionnelle. »