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Jordan Amavi : «À ce moment-là, c'était dur...»
Jordan Amavi a vécu des moments difficiles en Angleterre. Appelé pour la première fois en équipe de France la semaine dernière, le latéral gauche est en train de renaître à Marseille, en déplacement à Strasbourg, dimanche (21h00).
Prêté par Aston Villa, avec une option d'achat de 10 M€ automatiquement levée depuis sa troisième titularisation avec l'OM, Jordan Amavi (23 ans) a retrouvé ses sensations, après une grave blessure au genou droit en novembre 2015 et une année difficile en D2 anglaise. D'abord dans l'ombre de son glorieux aîné Patrice Évra, le latéral gauche n'a pas mis longtemps pour devenir essentiel à Marseille.
«Ça fait quoi d'être appelé pour la première fois en équipe de France ?
Il faut le vivre pour y croire. Des gens m'ont dit que je risquais d'être appelé. Je leur répondais : "Non, aucune chance !" Et je n'avais d'ailleurs pas reçu de présélection. Ce jour-là (4 octobre), on avait un double entraînement avec l'OM. On finit le premier, je pars déjeuner et je monte faire la sieste. Le coach vient taper à ma porte et me dit que je pars en équipe de France.
Comment vous êtes-vous senti dans le groupe ?
J'étais à l'aise mais pas trop quand même (il sourit). Je connaissais pas mal de monde parce qu'on était cinq Marseillais et puis il y avait aussi Thomas (Lemar), Presnel (Kimpembe), Adrien (Rabiot) que j'avais côtoyés en Espoirs.
Quels sont vos objectifs désormais ?
Je joue au foot pour vivre des moments comme ceux-là. Je veux être le meilleur possible, je veux tout gagner dans ma vie.
Depuis deux ans, tout est allé très vite dans les deux sens pour vous.
C'est sûr. Je suis sorti d'une bonne saison à Nice, j'ai signé en Premier League (à Aston Villa en 2015) mais je me suis blessé au bout de dix matches (rupture du ligament croisé antérieur du genou droit). Je reprends en Championship (D 2 anglaise) la saison dernière, je galère un petit peu et je reviens finalement en France, à Marseille. J'ai retrouvé du temps de jeu et mes capacités.
Qu'est-ce qui a été le plus dur : la blessure, se retrouver en Championship, tomber dans l'anonymat ?
De jouer et de ne pas pouvoir montrer de quoi j'étais capable, à Aston Villa et en D2 anglaise. À ce moment-là, c'était dur, oui.
Pour l'orgueil ?
Oui, forcément. C'était frustrant de ne pas arriver à retrouver toutes mes capacités. Je savais qu'il me fallait presque autant de temps que la blessure pour revenir à 100% (neuf mois).
En quoi avez-vous galéré ?
L'entraîneur, Roberto Di Matteo, croyait beaucoup en moi. Mais mon corps ne répondait pas comme avant. Je n'arrivais plus à faire les mêmes choses : prendre le ballon, aller de l'avant, percuter, centrer... Et puis, il y a eu un changement de coach avec l'arrivée de Steve Bruce. J'ai eu un petit coup de mou ensuite, ce qui était normal après avoir arrêté pendant neuf mois. L'entraîneur pensait même que j'avais des problèmes à la maison, alors que pas du tout !
Le jeu vous correspondait moins peut-être...
J'essayais de jouer au ballon et ce n'était pas dans l'optique de tout le monde... Parfois, ça m'a porté préjudice, notamment une fois où je suis monté, j'ai perdu la balle, on a pris une contre-attaque et un but. Résultat : le coach a recruté un autre latéral gauche, un Anglais. Le message était clair. À l'arrivée, j'ai joué malgré tout 34 matches, dont pas mal comme ailier gauche.
Vous avez aussi joué à ce poste avec Marseille, c'était à Monaco (1-6, le 27 août). Et c'est votre pire match...
J'aurais pu faire beaucoup mieux. D'ailleurs, je suis sorti à la mi-temps, donc c'est que j'ai fait de la m..., de la grosse m... même !
Et si Rudi Garcia vous demande un jour de rejouer à ce poste...
J'y réfléchirai à deux fois (il sourit).
Pourquoi aviez-vous refusé de venir en janvier dernier alors que l'OM vous voulait déjà ?
Le contexte était différent. Je revenais de blessure, j'avais besoin de retrouver du temps de jeu. Pour ne pas faire trop galérer les dirigeants marseillais, j'ai coupé court très vite. J'avais même refusé de parler avec le coach parce que je savais ce que je voulais.
Entre-temps, cet été, le Séville FC vous a recalé à la visite médicale. Que s'est-il passé ?
Le docteur me pose des questions, me demande à quel genou je me suis blessé, si j'ai joué... Je rentre à l'hôtel et on me dit qu'il y a un problème, que les médecins m'ont trouvé un œdème au genou. Je pars voir un spécialiste à Madrid avec quelqu'un du club. Dans son cabinet, il me fait passer des tests, tout ce qu'il y a de plus basique. À peine revenu à l'hôtel, le club ne veut plus me faire signer. On n'a jamais eu d'explication claire alors que mon genou va très bien.
Vous avez eu des doutes malgré tout.
Je suis allé voir un vrai spécialiste cette fois, à Londres. Il n'a rien trouvé. Je suis venu avec mon dossier médical à l'OM et j'ai repassé des tests ici.
Il y a deux ans, Patrice Évra avait exhorté les jeunes à se réveiller pour espérer lui prendre sa place en sélection. Finalement, vous avez réussi à la fois à Marseille et en bleu...
(Un peu gêné.) Pourquoi ? Il va jouer d'autres matches aussi.
À votre arrivée, vous deviez vous partager le temps de jeu mais vous avez clairement pris le dessus...
Je ne suis pas d'accord. Il n'y a pas de titulaire indiscutable. Et avec l'enchaînement des matches...
C'est un challenge pour vous d'être en concurrence avec un joueur de ce calibre-là ?
C'est intéressant, oui. Il était capitaine à Manchester United, il a joué en équipe de France. Il a été un des meilleurs latéraux gauches du monde, ce n'est pas n'importe qui. Il me donne des conseils, il en donne à tout le monde, d'ailleurs. Il ne peut que me faire progresser.
Dans quels domaines ?
Il me donne parfois son avis sur mon placement, les adversaires... Contre Nice, par exemple, il m'avait expliqué deux ou trois trucs sur Saint-Maximin. Et pourtant, il m'a bien cassé les c... ! Sinon, "Pat" m'a dit aussi cette saison à propos du préparateur physique (Paolo Rongoni) : "Écoute-le bien, lui, c'est un bon. Si tu veux travailler, il va t'emmener au plus haut niveau."
Évra ne vit-il pas trop mal le fait d'être déclassé ?
Il n'est absolument pas négatif. Même quand il ne joue pas, il est à 100%. Il est important dans le groupe, c'est un leader. Quand j'ai un doute, je peux lui en parler ou en parler au coach. Et si lui a quelque chose à me dire, il le fait.
Qu'est-ce qu'il vous a dit quand vous avez été appelé en sélection ?
Il m'a envoyé un message pour me dire qu'il était fier de moi.»