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Luiz Gustavo
De première nécessité
En difficulté une bonne partie de la saison, le joueur brésilien retrouve de l’allant au moment où l’OM se cherche des leaders. Pour la fin de saison et la suivante… Texte Thomas Simon « Ni 5G*, ni RG, la VG veut LG ! » Le slogan a de la gueule, ce membre de la Vieille Garde, noyau des fondateurs du Commando Ultra de l’OM en 1984, vient tout juste de le trouver et il lui plaît. Les initiales laissent deviner le parti pris. La banderole déployée par ce groupe du virage sud pour la réception de Nantes – « Luiz, reste (en portugais) ! La torcida (NDLR : les supporters) est avec toi » – est venue appuyer une position qui s’est affirmée puis affermie et désormais consolidée. « “Avec toi”, parce qu’on estime qu’il a été maltraité par l’entraîneur de l’OM, dont nous souhaitons le départ. Il faut que Luiz comprenne que les gens sont de son côté à lui, qu’on le soutient. » Déplacé, ballotté entre le milieu et la défense, où il ne souhaite plus dépanner, très clairement moins performant lors de la première moitié de saison, puis déclassé et déprécié, le Brésilien n’a pas bronché. S’il s’est ouvert en privé de sa situation à Rudi Garcia, publiquement, pas de protestation ni de réclamation, pas un mot plus haut que l’autre, ni pendant son passage prolongé au placard, ni après son retour en force. « On a un coach qui passe ses après-matches de défaites ou nuls honteux à chercher toutes les excuses possibles et imaginables sans jamais se remettre en cause, raille le représentant de la Vieille Garde. Et il a dans son effectif un joueur qui n’est jamais allé se plaindre de son sort dans les médias. Donc Luiz Gustavo est un grand monsieur. S’il y en a un qui doit rester à l’OM, c’est bien lui. »
Impliqué et impliquant
Même dédoublé, le point de vue doit s’écouter. Mais si on ne regardait que d’un seul côté, qu’est-ce que cela pourrait donner ? Sensiblement la même chose avec la même pensée, le même fond. « Luiz n’a pas commencé à faire la mauvaise tête, à balancer dans la presse ou à foutre la mauvaise ambiance, souligne Valérien Ismaël, qui a eu le joueur sud-américain sous ses ordres quelques mois à Wolfsburg. Il a laissé passer l’orage en étant certain de sa force. Quand tu connais ta valeur, ce n’est pas une situation de remplaçant qui te fait douter. Si on n’a pas besoin de lui, ce n’est pas un problème, si on a besoin de lui, il est là. Il a attendu son moment, est revenu et montre l’importance qu’il a pour les siens. » Elle semble essentielle, à plus d’un titre, surtout dans l’entrejeu de ce 4-2-3-1 qui lui convient mieux et où son apport précieux au sol et dans les airs ainsi que son impact dans les duels semble amplifié. « Par son volume de jeu, sa qualité de passes, de récupération, de transition, son intelligence de jeu qui est hors pair pour assurer l’équilibre, il apporte énormément, explique Patrick Guillou, adjoint d’Ismaël chez les Loups et désormais consultant Bundesliga sur beIN Sports. Quand tu construis ton onze de départ, tu sais qu’il sera ta clé de voûte. » Cette dernière phrase n’est pas prononcée par hasard. On parle bien de celui sur qui on compte et qui doit compter, de celui qui, avec Mandanda notamment, était monté en première ligne pour s’expliquer au pied des virages avec une partie des supporters mécontents en début d’année, on parle bien du taulier.
« Cela a été surprenant de se passer de ses services et qu’il ne joue aucun rôle (Garcia avait justifié sa sortie du onze en disant qu’il ne l’estimait pas à 100 % “dans sa tête et dans son football”). Sur des moments et des matches importants d’une saison, Luiz peut faire la différence, poursuit Ismaël. Pas seulement parce qu’il a récemment marqué des buts, mais parce que c’est un guerrier, qu’il va au mastic et qu’il sait mener les hommes. Ce qu’on voit actuellement montre son état d’esprit. Il ne se fout pas de la situation. Il est de nouveau là et on voit qu’il est un homme clé de l’OM. Les jeunes autour deviennent meilleurs, celui qui est avec lui au milieu aussi. Il peut être celui qui va tirer son équipe vers le haut sur cette fin de saison. »
On l’entend, on le voit et on le sent aussi. Dans les couloirs où se refont les rencontres, aux micros et téléphones qui ont pu se tendre avec empressement ces derniers temps, Luiz Gustavo (31 ans) a conservé le calme et la tranquillité qui le caractérisent et affiché le champ lexical qu’il affectionne, celui du travail, pour parler du sien qu’il s’applique à faire pencher du côté de la performance collective. « Quand il ne jouait pas, il a toujours été derrière nous à nous pousser, à encourager tout le monde pour gagner », avance Valère Germain.
« Certains gueulent pour se faire remarquer, pas lui »
Des paroles et des gestes, peu de bruit, mais beaucoup de poids. Il y a ceux qui causent et qui sont écoutés. Il y a aussi ceux qui montrent la direction à emprunter et qui sont suivis. Avec son autorité naturelle, le vice-capitaine de l’OM, décrit et présenté comme charismatique par ceux qui le côtoient, a un pied bien ancré dans chacun de ces deux côtés. « Luiz est professionnel, méticuleux, toujours concerné, avec un très haut degré d’exigence. Il va à l’essentiel et il a cette volonté permanente de faire progresser tout le monde, indique Guillou. Certains gueulent pour se faire remarquer ou pour cacher certaines choses, pas lui. Il est comme on le voit. Il n’y a pas d’esbroufe, pas de vernis. Ce n’est pas quelqu’un qui va tirer mais plutôt quelqu’un à qui tu vas t’accrocher. Il motive pour emmener avec lui. Mais il ne va pas prendre les autres par la main pour leur faire traverser la route. Il est patron par l’exemple car il donne envie de s’accrocher à lui pour le suivre. À ses côtés, tu te dis : “Ah oui, le mec a cette carrière, ce palmarès, il a connu ça… Je vais lui montrer que je peux me mettre à son niveau.” »
« Luiz est très, très important »
Une description qui trouve un prolongement et surtout du concret au quotidien. « C’est un leader, appuie Germain. On en a plusieurs, il en fait partie. Il nous parle beaucoup, apporte beaucoup au collectif, aux joueurs moins expérimentés. Sur le terrain, à l’entraînement, en tête à tête, avant le match pour motiver, il prend assez souvent la parole. Mais c’est aussi par son comportement sur le terrain. Quand tu vois quelqu’un se battre comme il se bat, tu dois au moins être à son niveau d’exigence. Dans ce rôle-là, il est fort. Tout le monde est important mais bien sûr que pour nous, le vestiaire, Luiz est très, très important. Parce qu’il est un joueur expérimenté qui a connu le très haut niveau, parce que c’est un cadre. »
Et pour le peuple phocéen, un peu plus que ça. « À Marseille, on est un public difficile, compliqué, frondeur, tout ce qu’on veut, mais connaisseur de ballon, explique le membre de la Vieille Garde. Les bons joueurs, ceux qui ont la classe, la carrure, l’esprit et les valeurs, on les reconnaît à des kilomètres. Luiz Gustavo en fait partie. Il porte les valeurs que nous attendons des joueurs de l’OM : l’abnégation, le travail, le courage, l’humilité, et en plus, le concernant, le talent. Dès sa première saison, et encore aujourd’hui, Luiz Gustavo est un monstre, l’un des meilleurs joueurs qu’on ait vus à l’OM au cours de ces dernières années. C’est pour ça qu’on veut qu’il reste, et c’est un sentiment très largement partagé chez les supporters. Le vrai boss, celui qui peut tirer les autres vers le haut, c’est lui. » Peut-être encore davantage désormais. « Il était sur le banc, n’a rien dit et se montre performant quand il revient. Il a gagné encore plus de respect, estime Ismaël. En termes d’exemplarité, pour les autres qui sont sur le banc, ceux qui se posent des questions quand ils ne jouent pas, ça leur dit : “Sois toujours concentré parce que le coach aura besoin de toi et tu devras répondre présent.” Il fait du bien à son équipe, le patron est de retour. » CQFD.
* La ville de Marseille teste la 5G, notamment au Vélodrome.
France Foot