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Luiz Gustavo, ça change tout
Si l'OM va si bien, il le doit aussi au rayonnement de son milieu de terrain brésilien, impressionnant depuis plusieurs semaines.
IL Y A DES PETITS DETAILS QUI PEUVENT VOUS TERNIR LE MORAL au cœur même d'une soirée idéale et le regard de Rudi Garcia s'est assombri un peu, dimanche, juste après la belle victoire sur Caen, quand on lui a rappelé que Luiz Gustavo serait suspendu contre Bordeaux, dans un peu moins de deux semaines. « Eh oui, a soupiré l'entraîneur marseillais. Il va falloir trouver la formule, sans lui. » L'équation s'annonce ardue, encore, pour l'entraîneur marseillais, parce que certains joueurs sont plus faciles à remplacer que d'autres.
Ce n'est pas la première fois que Garcia doit composer sans son milieu de terrain, déjà suspendu deux fois en Ligue 1, dont la première, contre Rennes (1-3), le 10 septembre, a marqué un tournant dans la saison marseillaise. Ce jour-là, dans son traditionnel 4-3-3, l'OM a chaviré, sans son phare, et la démonstration a suffi à Garcia pour bousculer les vieilles habitudes : depuis, il a renoncé à son schéma préféré pour installer un 4-2-3-1, où Luiz Gustavo rayonne à la récupération, aux côtés de Frank Anguissa. Ce passage à deux milieux, c'était un peu pour lui, parce que « Guga » n'a jamais caché qu'il n'aimait pas trop jouer seul devant la défense : il y semblait moins à l'aise, en effet, tellement bas sur le terrain qu'il évoluait presque à la hauteur de la charnière centrale. Alors, le système a changé et le Brésilien retrouvé un rôle à sa mesure : par son sens du placement et de l'anticipation, sa science tactique, sa qualité de passes, il est la clé de voûte de l'équipe, et il agrémente même ces atouts précieux de quelques buts (3) puisqu'il possède un très bon pied gauche, également redoutable dans le jeu long.
Il est rare de trouver un joueur aussi décisif, dont la seule présence rend toute l'équipe meilleure, comme le résume Morgan Sanson : « Il nous apporte de la sérénité. On est tous plus tranquilles quand on le sait derrière nous. Et puis, il est là pour mettre des brins et ça donne aussi envie aux coéquipiers d'en mettre. » C'est peut-être le seul bémol, pour l'instant : à force de « mettre des brins », le Brésilien prend des cartons et il en est déjà à huit jaunes et un rouge, depuis son arrivée. Mais il répète vouloir progresser sur ce point et, de toute façon, le voir aussi souvent averti n'est pas une surprise : durant ses dix années en Allemagne, Gustavo avait déjà l'habitude d'être sanctionné et cela ne l'a pas empêché, par exemple, d'être champion d'Europe avec le Bayern, en 2013.
Au fil d'un été où la quête du « grand attaquant » a focalisé l'attention, l'OM a donc recruté un grand milieu sans trop faire de bruit, contre une indemnité de 10 M€ à Wolfsburg – et un énorme salaire. L'investissement valait la peine, parce que l'expérimenté récupérateur (30 ans) apporte beaucoup, sur le terrain et en dehors, par son exemplarité dans le travail et son attitude positive. Gustavo n'est pas un leader de vestiaire par les longs discours, ni un chambreur adepte de la bonne blague, mais c'est un modèle à suivre, une voix écoutée par les plus jeunes, un charisme et une pelletée de conseils distillés au détour d'un entraînement. Si, sur le terrain, son leitmotiv a d'abord été « together ! together ! » pour enjoindre à ses partenaires de faire les efforts ensemble, son français s'est nettement amélioré et il peut entrer dans les détails. « Quand il est arrivé en France, le seul mot qu'il avait, c'était : “Les douelles, les douelles” pour dire les duels, on en rigole encore ! sourit Jordan Amavi. C'est la grinta, c'est le combat, ça fait du bien de l'avoir au milieu. »
Le Brésilien est un guide et les progrès d'Anguissa sont déjà évidents, à son contact : « J'apprends beaucoup avec lui », raconte le Camerounais, qui énumère les points qui l'impressionnent, le regard admiratif : « Il se place super bien, il est patient, et même à la perte de balle, il réagit tout de suite. Il réfléchit tout le temps et il est toujours en mouvement. Quand il demande la balle, il est toujours seul. Moi aussi, j'essaie de faire comme lui, alors qu'avant je me mettais dans des zones où il y avait beaucoup de monde. Et puis, il me répète souvent qu'un milieu de terrain ne doit pas perdre de ballon. Il faut jouer simple et sûr. »
Simple et sûr, Luiz Gustavo l'est aussi quand il lui faut plaider sa cause devant la commission de discipline, le mois dernier, alors qu'un carton rouge reçu contre Nice menace sa participation au Classique contre le PSG. Il tenait à ce match et avait décalé son départ au Brésil pour monter à Paris. « Dès qu'il est entré dans la salle, avec son blazer et son calme olympien, tous les membres de la commission étaient impressionnés, témoigne un salarié de l'OM présent à l'audience. Il dégage quelque chose, et c'était le sens de sa venue. Il prenait un carton par match et on voulait montrer que ce n'était pas un “cas social” qui va à la castagne. On a pu démontrer grâce aux images qu'il n'y avait aucune volonté de faire mal. C'était seulement le deuxième rouge direct de sa carrière, en plus. »
Le voir porter le brassard contre Caen, en l'absence de Payet, n'a donc surpris personne, dans un vestiaire qui l'apprécie et le respecte. En attendant de le connaître encore mieux, mais Adil Rami a déjà prévu l'affaire, pour occuper les prochains jours : « C'est un mec en or qui s'investit beaucoup. Avec tous les matches, on n'a pas encore eu la chance d'aller dîner ensemble, dans un cadre hors foot. Mais vu que je ne suis pas sélectionné, je vais caler ça pendant la trêve. »
Occuper et distraire un défenseur international non convoqué par son sélectionneur ? Même ça, Luiz Gustavo peut le faire.